lundi 30 juillet 2012

L'empire attaqué



Sur la chaîne NBC, les Olympiques relèvent de l'exercice de patriotisme le plus intense qui soit. On ne fait qu'effleurer les accomplissements des athlètes des autres pays. On préfère plutôt se concentrer à bâtir des histoires, à coups d'efforts surhumains, de larmes et de réhabilitations post-blessures extraordinaires. On présente de véritables allégories du rêve américain, aspergeant ainsi le peuple de ce ciment si essentiel à son essor: l'espoir. Or, qui dit rêve américain dit aussi succès économique, voir impérialisme. La grande crise économique récente origine justement des ambitions voraces d'un système mal règlementé qui s'est lui-même mordu la queue, balayant au passage le reste de l'économie mondiale. Mais comment était représentée cette supposée hégémonie économique lors de la cérémonie d'ouverture sur les ondes de NBC? Par une grande absence.

Qui dit Olympiques dit opportunité pour les mammouths des grands secteurs B2C de consolider leurs positions sur l'échiquier mondial. Où étaient les GM, Ford et Chrysler lors de la diffusion de la cérémonie d'ouverture des jeux? Ils y étaient par la petite porte, comme de vulgaires annonceurs. C'est l'über bavaroise BMW qui tenait le haut du pavé avec le statut de partenaire officiel. Et les grandes banques américaines dans tout ça? TD Ameritrade, une filiale de la canadienne TD, un joueur en pleine croissance, pavanait à côté de BMW avec ce fameux statut également. Et c'est sans compter sur une présence dominante de la pétrolière britannique BP et d'Adidas, particulièrement en placements de produits. L'empire était complètement bombardé d'attaques irrésistibles sur son propre territoire, celui de sa télé.

La publicité lors des grands happenings mondiaux restera toujours un révélateur assez fidèle des grands jeux de pouvoir qui façonnent notre univers macroéconomique. Volskwagen aspire au premier rang mondial des constructeurs automobiles. Le géant indien Tata étend ses tentacules. La sud-coréenne Samsung vise Apple au corps. Nous vivons présentement une mutation importante à l'échèle de la planète, tant sociologique qu'économique et nous sommes selon moi témoins des premiers signes visibles du véritable déclin de l'empire américain. La suite s'annonce imprévisible mais excitante. Constaterons-nous une contre-attaque de l'Oncle Sam ou une capitulation sans panache? À voir sous peu dans un 30 secondes près de chez vous…

lundi 23 juillet 2012

Les sentiments humains



En cette semaine de congé pour plusieurs, j'en profite pour vous présenter une publicité initialement diffusée en janvier 2010, une création primée à Cannes et à New York qui démontre habilement à quel point l'émotion peut être générée par des gestes simples et fortement chargés sur le plan symbolique. 

Quel est le meilleur moyen de sensibiliser la population à une notion élémentaire comme le port de la ceinture de sécurité? Ici, à la SAAQ, on semble croire qu'il faille montrer des accidents, des morts et des corps projetés à travers les pare-brise. Mais est-ce la bonne solution? D'autres, dont les créatifs d'Alexander Commercials en Grande-Bretagne, semblent croire qu'il est préférable de provoquer la réflexion et par le fait même d'influencer les comportements, en jouant plutôt sur des cordes sensibles plus subtiles. Je fais partie de ceux qui préfèrent la puissance des émotions, dont celles amenées par l'importance du maintien de la cellule familiale, par l'amour et la compassion, aux effusions vulgaires de sang misant au fond sur la culpabilisation et la peur. Je ne vous reparlerai pas de dissonance cognitive et des pièges que présente cette approche, mais il faut savoir qu'à toute problématique de sensibilisation, les solutions sont multiples. 

Les sentiments humains représentent de véritables foyers qui peuvent réchauffer des individus blasés par la publicité à véritablement modifier certains comportements. Ce n'est pas en coupant les gens de leurs émotions en les traumatisant qu'on contribuera à vraiment changer le cours des choses. Il est grand temps que certains créatifs du Québec le réalisent une fois pour toute, pour que nous soyons enfin remués pour les bonnes raisons, comme lors du visionnement de cette merveille.

Merci à Anne B-Godbout de m'avoir rappelé cette publicité en la partageant récemment sur sa page Facebook.

mardi 17 juillet 2012

L'audace



L'audace de défier la possibilité de se faire rejeter, celle de foncer, tête première, armé de sa ferveur, de sa confiance, de la beauté des sentiments, se résume souvent à un simple instant, à une impulsion, à une forme indéfinissable de volonté. La perception que nous possédons de nous-même nous empêche trop souvent à passer outre certaines barrières en nous rabaissant au confort de notre passivité et au songe stérile de ce qui aurait pu être. 

Les grandes marques savent jouer de cette corde sensible de l'estime de soi, que ce soit par l'allusion nostalgique au passé ou par les attentes suscitées par l'avenir. Mais rarement une marque l'aura fait d'aussi belle façon qu'Axe, dans ce message de BBH New York empreint de mélancolie, de rêve, mais surtout d'une intime prise de conscience. Un message en rupture complète avec la tonalité osée et décalée de ses messages habituels. Avons-nous ici affaire à un changement de cible?

Il faut d'énormes budgets médias et une foi inébranlable en sa marque pour assumer pleinement une approche créative qui évoque le bénéfice ultime du produit à un degré si onirique. Il faut surtout ne pas dépendre de la performance à très court terme du message en question, même si l'utilisation de Kiefer Sutherland maximise le potentiel viral de l'exercice. En fait, il faut du courage pour s'aventurer dans ces zones pas très claires de la psyché, car si l'effet qui en découle relève plus de la tristesse d'une occasion manquée que de la potentialité que peut générer le produit, on passe à côté de la plaque. Mais pas ici, on frappe dans le mille, le message implicite étant on ne peut plus clair: Axe m'aurait permis de rencontrer mon grand amour, il me permettra à coup sûr de ne jamais louper ma deuxième chance. Axe, c'est l'audace et la certitude de plaire qui me manquaient. 

vendredi 13 juillet 2012

Jusqu'où iriez-vous ?



Pour terminer la semaine, voici une trouvaille de mon collaborateur Normand Boulanger qui a de quoi titiller toute personne avide de gratuité. L'idée est simple: demander à des gens des actions, par le biais d'une distributrice, pour qu'ils accèdent gratuitement votre produit, dans ce cas des chips à base de riz de marque Fantastic Delites. 

Je dois être honnête, j'ai illico adoré l'idée, mais après réflexion, de suis dubitatif. Est-ce manquer de respect envers ses clients ou prospects de leur faire performer des trucs absurdes en retour d'un gugusse à 3$? Est-ce exploiter une faille psychologique? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle, autant pour la marque à long terme que pour ceux qui bénéficieront des emballages gratuits? Car à part démontrer un certain attachement des clients envers le produits, et donc par association ses bénéfices, cette tactique astucieuse ne fait que tester les limites du raisonnable. Et vous? Jusqu'où iriez-vous?

Les vieux (prise deux)





Quand j'ai écrit le billet Les vieux récemment, j'avais en tête cette publicité mais je ne pouvais en parler car le projet était toujours en développement. Depuis sa première diffusion lundi dernier, les réactions sont excellentes, surprenantes, je me suis même immiscé par le plus grand des hasards dans une discussion, lors de la mi-temps du match des Alouettes hier soir, où deux hommes commentaient positivement son orientation créative. Enfin, une autre publicité qui s'adresse aux personnes âgées, pour un autre client, est en chantier à l'agence et sera diffusée cet automne. Elle va dans le même sens, ludique, déjanté, du respect de l'intelligence des vieux. Si le pouvoir du publicitaire est limité, j'entends utiliser le mien à bon escient pour influencer le cours des choses à ma manière, humblement, pour le mieux, en favorisant toutefois toujours l'atteinte des objectifs commerciaux de mes clients. Entre temps, rendez-vous ce soir à la salle de chaises berçantes robotisées du Jardin des doyens, on finira la soirée avec un petit jello rafraîchissant!


Bravo à toute ma gang, spécialement à Félix Bernier, producteur et réalisateur ainsi qu'à Marie-Michèle Jacques notre directrice service conseil !

mardi 10 juillet 2012

La grande illusion



Les grandes marques ont compris qu'elles ne vendaient pas des souliers, de la gomme à mâcher ou encore une boisson gazeuse. Elles savent qu'au-delà du produit, elles proposent plutôt au consommateur une composante de son positionnement personnel, dans la mesure où l'expression de notre identité, dans un contexte de consommation débridée, passe par nos choix de marques, par la nature de nos achats. Est-ce absurde? Absolument. Mais c'est le quotidien de la majorité.

Les subtilités que nous pouvons apporter à notre image personnelle sont infinies et en constante mutation. Les goûts évoluent, collectivement, dictés par certains courants redoutables comme ceux de la mode et de ses empires. Mais ils sont aussi influencés par les contextes sociaux, moraux et politiques qui façonnent nos aires culturelles. 

La plus grande aberration dans toute cette histoire repose sur l'illusion de liberté que nous entretenons intimement, alors que dans les faits nous nous comportons de manière on ne peut plus prévisible, comme un troupeau conditionné à la valorisation et inspiré par les choix de consommation qui s'offrent à nous. Ce monde est la réalité. Nous, humains, avons incrusté en nous ce profond besoin d'être connecté à plus grand que nous, tout en exprimant notre part d'originalité. Nous choisissons notre caste en se croyant libre, alors que la réelle liberté serait de pouvoir choisir ou non d'opérer dans ce mode.

L'exercice publicitaire de Sprite, une création de BBH NY tournée à Prague, a attiré mon attention car il repose sur un esthétisme marqué, notamment par l'apport de l'artiste Liu Bolin, qui a façonné les différents maquillages de camouflage, tout comme par la présence d'une trame musicale forte. La finale, symbolique et signifiante en terme de psychologie sexuelle, évoque la liberté mais aussi le bénéfice de la fusion amoureuse. En résulte une publicité qui résonnera fort dans l'imaginaire de la cible, car elle mise essentiellement sur une puissante illusion d'individualisme. Cette boisson à base d'eau, qui sert de vecteur pour l'ingestion massive de sucre, entend convaincre la jeunesse d'aujourd'hui, particulièrement obèse aux États-Unis, qu'elle exprimera la nature unique de sa personnalité en arborant fièrement une canette de Sprite de la main gauche. N'en demeure que ce n'est pas le rôle premier des grandes marques de veiller à notre bien. Tant que nous achèterons cette grande illusion, elles nous la vendront. Sprite la vend très très bien.

Je vous laisse sur le «making of» que je trouve intéressant.

jeudi 5 juillet 2012

Un regard neuf



La vente au détail est un secteur pointu qui exige une connaissance accrue des 4P du marketing tout comme une bonne dose d'ingéniosité et d'intrépidité. Les clients sont futés et bombardés d'influx publicitaires sur une base quotidienne. Mériter leur attention et les inciter de manière honnête à se déplacer vers notre magasin relève de la haute voltige. C'est pourquoi plusieurs annonceurs de ce secteur préfèrent choisir une agence de publicité dédiée au commerce de détail. Ça leur donne une sécurité quant au bagage d'expériences passées et à la réelle capacité de l'agence à concrètement rejoindre les objectifs de résultats établis par la direction. Cette situation entraîne pour le consommateur une réalité souvent déprimante: les entreprises font dans la «recette». Une recette, c'est une manière de faire, supposément éprouvée, qui garantirait les dividendes espérés. Sans risque. Sans trop d'imagination. La recette fonctionnera car elle a déjà fonctionné. Logique simple. Est-ce que j'y crois? Absolument pas. 

J'ai récemment vu un prospect de ce secteur sélectionner une agence réellement centrée sur le commerce de détail, au détriment d'une autre ou de la mienne qui préféraient miser sur l'innovation. Le résultat? Une stratégie média logique (affichage extérieur et radio) mais complètement disloquée de la création, un concept faible et mal décliné sur le plan visuel, une lisibilité difficile, une attribution de la marque pitoyable, sans compter que le champ d'activité de l'annonceur était on ne peu plus flou. En bref, une catastrophe annoncée! On avait exécuté une recette en prenant pour acquise l'attention du consommateur. Erreur.

Dans la vidéo montrée en introduction, on innove et on défonce les barrières: utilisation débridée et agressive de la technologie et de la mobilité à des fins commerciales, osmose avec la cible, stratégie en accord absolu avec le positionnement marketing de l'annonceur et un bénéfice consommateur tellement évident, en mode urgence, qu'il provoque certains et certaines à littéralement quitter en courant le plancher d'une boutique concurrente afin de se rendre chez le magasin pour profiter d'une aubaine. Ça rejoint exactement ma vision de ce que devrait être une stratégie en commerce de détail, dans la mesure où l'on réinvente des notions trop souvent exploitées de la même manière. 

Une agence qui porte un regard neuf sur une vieille problématique - attirer des consommateurs dans un ou plusieurs points de vente - sera plus encline à trouver une piste stratégique qui démarquera tangiblement l'annonceur aux yeux de ses prospects et clients tout en favorisant le passage à l'action. L'expérience n'est pas en soi une mauvaise chose, mais elle apporte aussi avec elle un passif dont on pourrait parfois se passer. Je préfère le regard neuf.

Merci à Normand Boulanger pour le tuyau.

lundi 2 juillet 2012

Les vieux


Nous serons tous vieux un jour. Et ce jour viendra graduellement, imperceptiblement, les rides s'amplifiant certes, mais notre perception de nous-même demeurant relativement intacte. Jamais nous n'aurons 80 ans dans notre tête. Jamais nous nous regarderons dans le miroir en nous disant à quel point le passé paraît lointain au point de n'être qu'un vague mirage. Nous ne deviendrons pas une pâle version de nous-mêmes, détachée du reste, comme si cette période effaçait le passé pour laisser apparaître une nouvelle personne faible, tétanisée par la peur et ressentant les choses comme un enfant. 

Les vieux sont des méta-individus, à la profondeur insoupçonnée, des prismes infinis, qui ont vécu la jeunesse, le plaisir, le sexe, l'ascension, qui ont parcouru différentes époques, imaginez, de la Deuxième Guerre mondiale au second millénaire en passant par les années soixante et la révolution tranquille, les années soixantes-dix, l'ère disco, la déchéance des années 80 et la stagnation des années 90. Leur posture psychologique demeure à des lustres de ce que nous leur attribuons en les infantilisant. 

La publicité, vieillissement de la population oblige, s'adressera de plus en plus fréquemment aux vieux. Ils possèderont un pouvoir d'achat historique. Et comment s'y prend-elle pour les séduire? En les traitant comme des «deux de quotient». En minimisant leur sens du jugement. En parlant lentement. Tout ça relève de la stupidité la plus consommée qui soit. Mettez-vous deux minutes dans la peau d'un vieux et vous comprendrez que les insultes doivent cesser. Qu'on respecte enfin leur intelligence! Car oui, c'est de cela dont il est vraiment question: plusieurs annonceurs ne comprennent tout simplement pas qu'ils s'adressent à des humains qui possèdent des aspirations, des idéaux, une vie intérieure foisonnante, et non pas à des tarés systématiquement lobotomisés lors de leur passage au statut d'octogénaire. 

Tout ça pour vous dire que je me suis penché sur cette question parce que nous venons de créer à l'agence deux messages publicitaires télévisés destinés à ce segment et qui seront diffusés dans les mois qui viennent. La recherche et la réflexion qui ont mené à ces publicités nous ont influencé à redéfinir le ton qui doit être prôné pour rejoindre et «connecter» dans le respect avec les vieux. Vous constaterez sous peu tout le potentiel qui peut émerger d'une rupture de ton avec les inepties que nous voyons partout. 

Selon moi, le mot «vieux» doit cesser d'être perçu négativement. Il faut l'utiliser comme un attribut positif, sans tabous ni gêne. À m'immerger dans ce monde, j'ai compris bien humblement que cette étape de la vie recelait la somme de celles qui la précédait et que notre société, en plaçant ses vieux dans une case opaque, se privait des fleurs d'une orchidée façonnée par de multiples renaissances. Je n'ai désormais plus peur d'être vieux. 

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