dimanche 10 juillet 2011

Faraway, So Close...



Le défi principal d'un groupe de l'amplitude de U2 réside dans le maintien d'une proximité de tous les instants avec les fans, tout en élargissant la portée du message pour faire vibrer l'adn de cultures différentes. Pour être mondial, il faut parler mondial, or U2 maîtrise ce langage dont les bases résident sur l'utilisation de symboles comme la paix, l'unicité dans l'amour, la liberté… J'étais à leur spectacle-événement vendredi dernier. J'en suis sorti abasourdi. Faut comprendre que U2 et moi vivons une relation amour-haine depuis plus d'une décennie: j'ai en horreur ces hymnes pompeux qui visent les masses occidentales composées de la dernière cohorte de babyboomers ainsi que de l'ensemble de la génération X. Je déteste la chanson Vertigo. J'ai eu une crise d'urticaire en écoutant No Line On The Horizon, car j'avais par moment l'impression d'écouter Cité Rock Matante. Voyez-vous, je préfère de loin le groupe post punk initial des albums Boy, October et War qui m'avait allumé à l'adolescence, à ce ramassis de clichés. Plus encore, dans la vingtaine, j'ai littéralement chaviré pour Achtung Baby, qui demeure à mes yeux l'un des plus grands albums de l'histoire de la musique pop, un album de métamorphose qui, selon The Edge, représentait «le bruit de quatre types en train de scier le Joshua Tree» . J'ai aussi beaucoup apprécié Zooropa même s'il était rébarbatif à plusieurs égards. La suite fut pour moi une succession de déceptions, à part peut-être une ou deux chansons de l'album All That You Can't Leave Behind. J'allais donc pour la première fois de ma vie assister à un spectacle de U2 ce vendredi, un coup de tête un peu impulsif (billets achetés la veille), et je dois admettre que je m'attendais au pire. Allais-je rencontrer le quatuor irlandais qui m'avait jadis fait vibrer ou encore cette caricature plus grande que nature qui produit à la chaîne des succès aseptisés? Est-ce que le groupe que j'aimais jadis existait encore?

Arrivé sur place, première constatation: la configuration est complètement hors-normes. Parler de gigantisme serait un euphémisme. La structure scénique de 150 pieds de hauteur, appelée «The Claw», est superbe, organique, évocatrice. Nous étions situés à la quatrième rangée de la section 123, à moins de 100 pieds de la scène, du côté de The Edge. La foule était composée majoritairement des segments mentionnés plus tôt, l'ambiance était festive, la météo magnifique, bref, toutes les conditions étaient rassemblées pour qu'émerge un grand moment. On percevait la fébrilité de la foule à l'approche du moment fatidique. L'énergie dégagée par 80 000 personnes, c'est contagieux, ça soulève, c'est irrésistible. Alors quand les gars se sont rendus à leur scène circulaire au son de la fameuse Space Oddity de Bowie, je me suis tout à coup senti nerveux, fébrile. Le gars «au-dessus de ses affaires» redevenait le fan de la première heure. Et là, surprise, je n'aurais jamais osé le rêver, le groupe entame le spectacle avec quatre chansons de l'album Achtung Baby. J'étais absolument ravi, plusieurs l'étaient moins que moi, mais bon, c'était leur problème. Je m'attendais à ce qu'ils reviennent rapidement avec leurs trucs de mononcles… Mais oh que non! Au contraire, ils se sont mis à entonner avec aplomb leur premier succès, I Will Follow. J'étais flaberglasté. Et là je ne vous parle pas des deux chansons de Zooropa, dont une acoustique. La suite a été plus prévisible, mais mon coeur était touché. Je vacillais complètement, témoin d'un événement à la fois historique, surréaliste (voir les gars de près, c'est surréaliste), grandiose, mais si intime. Une symbiose rare. Une succession de frissons et des flashs de mémoire qui me ramènent à différentes étapes de ma vie, un peu à la manière des petites madeleines de Proust. On dit qu'il faut 10 000 heures d'entraînement optimal pour devenir un expert, ces gars en cumulent plus de 35 000! Plus que des musiciens hors pair, des virtuoses de la manipulation des foules.

Et là, juste à la fin du dernier rappel, hécatombe, comme si les éléments avaient attendu la fin de la messe pour se manifester: vents forts, orage, bref, le bordel. Deux heures pour revenir à Ahuntsic. Mais c'était pas grave. Ma mémoire était marquée. J'avais renoué avec les quatre gars de Dublin comme on le refait parfois avec un vieil ami perdu de vue depuis plusieurs années. C'était une joie renouvelée. Eux qui étaient si loin de ma réalité il y a quelques jours à peine, était revenus dans ma bulle, dans ma proximité. C'est ce qu'on appelle une expérience de marque qui laisse des traces… Je vous laisse sur un moment magique, remarquez à quel point Bono était en voix, remarquable.


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