mardi 26 novembre 2013

Les crinqués



Les crinqués ont toujours existé. Mais depuis quelques années, avec les réseaux sociaux, leur voix a été amplifiée. Ils sont racistes et collectionnent les phobes, du xéno à l'homo, en épandant leur haine comme du fumier qui cultive l'anti-intellectualisme primaire dans les champs de l'insignifiance. Ils sévissent un peu partout en occident, engraissés aux ailes de poulet et à la bière «cheap». Dociles le jour au travail, peureux lorsqu'ils sont seuls, ils se défoulent lorsqu'ils joignent leur clan le soir venu. Ce sont des couillons sans honneur ni courage, des intimidateurs minables qui carburent à la porno sale, car dans la vraie vie, ils n'ont de sexe que les quelques secondes pendant lesquelles ils peuvent réellement «performer» avant que le couvercle n'explose.

Dans la publicité montrée en intro, une solide création de RG/A en collaboration avec la maison de production Prettybird, la vedette des Nets de Brooklyn, Kevin Garnett, s'immunise des crinqués en utilisant ses écouteurs sans fil Beats by Dre. La toune est parfaitement choisie et l'effet est puissant, à la fois apaisant et inspirant. Le bénéfice du produit est parfaitement transposé par cet exercice sain et calme du pouvoir que nous possédons tous sur ces parasites, soit celui de ne jamais leur concéder quelque pouvoir que ce soit sur nous-mêmes… Plus que des casques audio, nous avons ici affaire à un antidote à la connerie humaine, à une réussite.

Je vous laisse avec Aloe Blacc et la chanson The man, sublime.

dimanche 24 novembre 2013

La base


Les tactiques publicitaires de terrain représentent un super potentiel de connexion émotionnelle avec certains consommateurs qualifiés. Leur portée est initialement limitée, mais leur pertinence est souvent supérieure et peut par la suite être transposée sur le Web pour finalement rejoindre les masses. Et avec la croissance d'une tendance majeure, soit celle d'afficher sur écran ce que nous avons à communiquer, la convergence des ces tactiques n'a jamais été aussi intéressante. Que ce soit en dirigeant les cibles vers les réseaux sociaux ou une destination Web, le tout à l'intérieur d'une séquence de communication qui valorise l'intérêt personnel et parfois la participation, les promotions et tactiques expérientielles décuplent leur efficacité en prônant la technologie et la créativité dans un mode organique. Mais rien ne remplacera et n'arrivera jamais à la cheville d'une relation réelle entre deux personnes...

En remarquant cette magnifique petite campagne de l'université Royal Roads de Victoria, on ne peut que convenir que les meilleures idées sont parfois si simples qu'elles ne nous viennent pas à l'esprit. Et que justement, parfois trop pris dans les amalgames stratégiques complexes, les stratèges, et je m'inclus dans le lot, devraient revoir leur cheminement en éliminant tout forme de recette et en s'empêchant de vouloir trouver le gros lot dans la mode du jour. 

Un humain pertinent, qui sourit et qui parle simplement à un autre humain, clairement, en toute authenticité, c'est parfois tout ce que ça prend pour arriver à ses fins. Et vous savez quoi? Il n'y a aucune technologie qui ne pourra jamais remplacer ça. 

mardi 19 novembre 2013

Le rose à la tronçonneuse!



Une bonne proportion des parents se rassurent sur leur crainte irrationnelle relative à l'orientation sexuelle de leurs enfants, en leur poussant dans la gorge les stéréotypes les plus stupides qui soient, au nom de la sacro-sainte et ô combien salvatrice hétérosexualité. Ça commence souvent avant la naissance du bébé par le choix des couleurs de sa future chambre, pour ensuite se perpétuer par le biais de l'ensemble des choix associés à l'enfant: vêtements, accessoires divers, produits culturels et jouets. Soyons limpides: je n'ai rien contre le rose ou le bleu ou le vert forêt. J'en ai plutôt contre le fait d'utiliser les couleurs comme de vulgaires étiquettes que nous apposons sur nos enfants. J'ai toujours dit à mon fils que le rose n'appartenait à personne, pas plus aux filles qu'aux garçons. Mais la pression est forte. Alors je fais exprès pour en porter à l'occasion et par le fait même prouver mes dires, avec grand plaisir. 

En publicité, les créatifs ont deux choix: rentrer dans le moule ou briser le moule. Jusqu'à maintenant, je constate qu'au Québec, malgré notre supposée ouverture d'esprit, nous choisissons massivement de véhiculer les stéréotypes classiques. La prémisse sous-jacente est simple: si je vends des matériaux de construction et que ma clientèle est masculine, je vais montrer un gars musclé avec une grosse voix pour valoriser la cible et favoriser sa projection psychologique dans ma marque. Or, cette prémisse est souvent fausse. De un, tous les acheteurs ne sont pas en manque de virilité, en déficit d'estime de soi ou en pâmoison devant l'idée d'avoir des muscles hypertrophiés. De deux, la cible primaire ne sera pas toujours charmée par des valeurs dépassées, surtout quand les siennes sont progressistes. De trois, quand on sait à quel point le caractère innovateur des marques est transmis par le ton, ce n'est peut-être pas une bonne idée que ce ton relève de la préhistoire. Et c'est sans compter sur le fait que les femmes se retrouvent au coeur de toutes les décisions de consommation, qu'elles les concernent directement ou qu'elles concernent les hommes avec qui elles évoluent.

La publicité de la marque de jouet californienne GoldieBlox, montrée en introduction, démontre toute la puissance d'une prise de position franche et en marge des sentiers trop battus de l'identité sexuelle. La refonte de la chanson antiféministe «Girls» des Beastie Boys s'avère aussi percutante qu'un boomerang qui reviendrait dans le visage des rétrogrades pour qui les jeunes filles ne sont que des petites princesses fragiles et mièvres. L'intelligence, la créativité et la confiance servent de fondements à une version actualisée et franchement inspirante de ce sexe qui s'avère en réalité tout sauf faible, peu importe son âge. Cette stratégie de création semble également parfaitement harmonisée à l'adn d'une marque qui offre justement aux fillettes bien plus que des poupées, soit de l'inventivité. 

Laissons enfin les enfants choisir qui ils veulent devenir, peu importe la couleur. Oui, une majorité de petits garçons préféreront naturellement jouer avec des camions tandis que plusieurs fillettes opteront pour des poupées. Mais là n'est pas la question. Je parle ici de liberté. Et cette vraie liberté commence par notre propre examen de conscience à nous parents; par notre propre lâcher prise à l'égard de ce que seront nos enfants, en tout respect de leur essence.

dimanche 17 novembre 2013

Le lien



«When love is gone, where does it go?»

Certains symboles touchent directement aux fondements de ce que nous sommes, à la fois individuellement et collectivement. L'amour vend parce que l'amour nous tue ou nous élève tous. La douleur du manque de l'autre comme l'euphorie du coup de foudre marquent si fortement nos vies qu'ils en deviennent des pointeurs émotionnels d'une rare intensité. Les grands réalisateurs du septième art savent exprimer leur vision du monde tout en utilisant ces pointeurs pour provoquer l'émotion. Un être vulnérable nous rappellera notre propre vulnérabilité, une femme blessée nous ramènera à des expériences personnelles, un enfant délaissé nous rapprochera de nos propres enfants, voire de soi-même dans un voyage dans le temps. Nous ressentons les émotions car elles nous ramènent à des endroits qui ont imprégné notre mémoire d'une manière unique. Certaines personnes n'arriveront jamais à sortir de ces moments tandis que d'autres y replongeront sporadiquement. Mais rares sont ceux qui y échappent totalement.

Pendant ce temps, la plupart des annonceurs, à certaines exceptions près souvent associées au luxe, au design et à la mode, s'entêtent à nous balancer des publicités pas très drôles qui promeuvent des rabais momentanés pour nous attirer en points de ventes. Et franchement, on s'en balance à un point tel que ces publicités sont volontairement zippées ou zappées. Mais les annonceurs persistent. Faut bien que les budgets marketing se dépensent, que les emplois se maintiennent et que des alliances entre des agences et services de communications se consomment. On mesure, on tente de prouver que ça fonctionne. Et quand ça ne fonctionne pas, on blâme la conjoncture. Du gros nivellement par le bas justifié par la peur du changement et les impératifs commerciaux à courte vue.

Ma conception de la publicité se rapproche plus de l'association émotionnelle entre du contenu et une audience. Par du film qui mérite d'être vu, qui nous rend meilleur, qui nous aide à mieux comprendre le monde; et avec des marques qui se positionnent dans ce contenu en prônant des valeurs distinctes, un langage unique, bref, par une histoire qui synthétise la promesse tout en la liant intimement au parcours de la cible. J'imagine des achats effectués par intérêt primaire, oui, mais aussi et surtout par un attrait qui ressemble plus à une cohérence des valeurs d'un individu.

Votre chaîne  de magasins vend moins cher? Pourquoi ne pas prôner la démocratisation et l'accessibilité au lieu des approches promotionnelles connes destinées à des lobotomisés qui n'existent pas? Vous êtes une télécom bleue qui désire montrer qu'elle est redevenue digne de considération? Pourquoi ne pas incarner la réhabilitation et la deuxième chance si fortement ancrées dans l'ADN du rêve américain, plutôt que de véhiculer des préjugés sexistes sur le hockey? 

Une publicité qui se donne la peine de voir plus loin que le bout de son nez, des stratèges et créatifs qui sortent du paradigme publicitaire classique pour envisager l'encodage et le décodage différemment, et une population qui investit quelques secondes de son temps par choix, par intérêt réel envers la pub: voilà ma vision, mon rêve idéaliste. Ne soyons pas naïfs, à l'extérieur de certains cercles restreints, l'amour de la publicité a massivement déserté une population déçue et trahie. Reviendra-t-il?

lundi 11 novembre 2013

L'hypocrisie olympique



«Ils nient les principes moraux et traditionnels qui représentent les fondements des identités culturelles traditionnelles. Ils implantent des politiques qui mettent sur le même niveau les grandes familles aux couples du même sexe, qui comparent la croyance en Dieu avec celle en Satan.»
- Vladimir Poutine, président de la Russie (en référence au lobby occidental relatif aux droits humains)

Dans quelques mois reprendra l'une des séries télé la plus populaire sur la planète, celle des Jeux olympiques d'hiver. Sotchi, station balnéaire russe de la mer Noire (oui, oui, balnéaire, vous avez bien lu), en sera l'hôtesse. On parle d'une ville située à 1360 km au sud de Moscou, dans une région appartenant autrefois à la Géorgie. Un genre de Myrtle Beach russe avec des montagnes en trame de fond.

Or, la Russie, pour bien s'harmoniser aux valeurs olympiques universelles, vient tout juste, en septembre dernier, d'adopter une loi qui rend illégale toute représentation ou promotion (un concept bien vague) de l'homosexualité aux jeunes. Exit tout défilé de la fierté gaie pouvant être vu par des jeunes. Bye bye à toute forme d'expression personnelle pouvant mener à communiquer son orientation. La grande noirceur féodale. Mais surtout, et c'est là que le bât blesse: le régime faussement démocratique de ce cloune autoérotisé de la Baltique avalise implicitement l'homophobie et attise les démonstrations de haine et de violence d'un peuple déjà reconnu pour ses excès envers ses minorités. Mais si la Russie, et c'est son droit le plus strict de légiférer sur son territoire par l'entremise de son gouvernement fantoche, se sent forte de ses prises de positions rétrogrades et populistes, comment accepter la posture du CIO qui cautionne la situation, allant même jusqu'à minimiser sa portée? 

L'idéal olympique a toujours été noble. Et on le sait, il a depuis des lustres été trahi par la théocratie de dirigeants aussi séniles que cupides. Alors pourquoi continuer d'embarquer dans cette galère en consommant massivement la programmation olympique et les grandes marques qui s'y attacheront? Et du point de vue des marques, pourquoi s'arrimer à une organisation qui compte l'hypocrisie comme valeur première? En cette ère où l'honnêteté et la vérité en publicité sont devenues des piliers sur lesquels les grands annonceurs doivent fonder pragmatiquement leurs plateformes de communication, il m'apparaît stupide d'accepter d'être complice d'un régime de haine et de répression envers les communautés LGBT. Sommes-nous en 2013?

À quand une grande marque qui osera se démarquer du lot en dénonçant l'hypocrisie du CIO et de ses complices? À quand une prise de conscience collective qui dépassera les intérêts personnels de divertissement pour enfin faire payer le prix aux rétrogrades et à leurs alliés? À quand une mobilisation des parties prenantes pour induire au CIO une pression irrésistible dans le sens des intérêts communs? Ce jeune Moscovite qui essuiera les coups d'une bande de malfrats homophobes, ça pourrait être votre fils, votre frère, votre ami. Ne l'oubliez pas. En ce qui me concerne, contribuer à l'esprit olympique cette année se résumera à se mettre la tête dans le sable. Ne comptez pas sur moi.

mercredi 6 novembre 2013

L'embryon


Je travaille présentement sur plusieurs projets de branding dans différents secteurs d'activité. Le branding est un exercice de synthèse extrême. Une forme de Haïku de l'esprit. La marque demeure avant toute chose l'expression d'une impulsion, d'une singularité que nous devons imprégner à différents niveau dans la mémoire de nos cibles, mais elle représente également une forme d'association et de catégorisation qui doivent être provoquées par des éléments marquants. En clair, une marque doit être facilement «rangée» dans une case du cerveau qui sera facilement accessible lors du processus décisionnel impliquant une catégorie de produit ou service qui lui sera associée. Enfouie trop loin, elle sera perdue. 

On évoque souvent l'importance du logo, surtout avec cette tendance de globaliser une marque par un symbole unique, comme le font Nike ou Starbuck, pour qui la calligraphie du nom est devenue superflue. Mais bien au-delà du graphisme, en amont, qu'il soit écrit ou pas, le nom doit résonner fort, clairement, de manière concise. Sa consonance doit être harmonisée avec sa symbolique et la stratégie de positionnement doit être transcendée et traduite en langage vulgarisé. Une marque, c'est plus qu'un logo, c'est une vibration. Or, pour faire vibrer les neurones et activer les synapses, il faut aussi rester sensible à la posture psychologique des segments visés, sans compter le contexte sociologique dans lequel la marque s'insère, ni oublier les référents culturels qui peuvent venir altérer sa perception. Une mauvaise association et c'est loupé. Ça donne la Buick LaCrosse: un bel exemple de branding qui manque de lubrifiant. Et oui, une marque, c'est aussi, et peut-être avant tout chose, une histoire. Mais combien d'histoires factices minent la perception de marques développées dans de grandes agences comptant sur des processus lourds? Je préfère qu'une marque raconte une histoire plus simple, mais surtout, une histoire inspirante. 

Il est 23h31 et je travaille sur plusieurs projets de branding en écoutant le deuxième morceau du disque 2 de Reflektor, le nouvel opus d'Arcade Fire. Et je sens que jamais mon parcours de vie ne m'a été à ce point utile dans ma carrière. Les marques contribuent au paysage urbain dans lequel nous vivons quotidiennement. Les créatifs doivent respecter l'environnement dans laquelle la publicité s'insère; les marques doivent apprendre à coexister sans miner l'essence de la ville: en respectant l'intelligence, en étant créatives, en prônant l'unicité et le contraste dans la considération du mobilier urbain. La publicité, à l'image des référence culturelles des créatifs, peut être belle et riche. Elle doit être belle. Le branding en est l'embryon. 

samedi 2 novembre 2013

La saison

Fiston : «Papa? Qu'est-ce que ça veut dire le mot transition?» 
Moi : «C'est quand on passe d'une étape à une autre dans la vie. Par exemple, quand tu es passé de la maternelle à la première année, tu as vécu une période de transition. C'était nouveau pour toi au début. Tu comprends?» 
Fiston: «Oui, merci».

Et là il retourna à son dessin, fort beau, qu'on scotcha par la suite à la porte de la chambre. On fait ça chez moi. Car des portes, c'est plate, alors aussi bien leur donner de la vie, celle qui nous anime à parcourir le périple de notre quête. Pour certains, ce sera de désapprendre le quotidien pour se défaire de cette enveloppe de plomb installée sur leur corps à l'âge adulte. Pour d'autres, comme moi, ce sera plutôt d'apprendre à devenir quelqu'un, à bâtir, à répéter la douleur jusqu'à l'adaptation. Pour en récolter les fruits. Car j'en suis convaincu, aucune joie, aucun accomplissement, aucun dépassement ne peut être réalisé sans la douleur. Apprendre à gérer la douleur, c'est apprendre à gérer la peur.

En agence de publicité, nous vivons dans une belle grande transition permanente. La publicité est une bibitte aussi éphémère que ce couple qui s'affichait sur Facebook et qui provoquait les spéculations sur le lieu de son mariage, avant de se dissoudre en silence dans la honte; éphémère comme la durée de vie d'un gestionnaire en marketing. Nous sommes vulnérables aux humeurs des décideurs, à l'austérité des budgets de communication, à la névrose des uns, à la microgestion des autres; nous devons constamment faire notre deuil de ce que nous croyions être la réalité pour s'investir dans une nouvelle forme du réel, mutée, parfois décevante, parfois surprenante. Pour une personne sensible, ça peut devenir dur. La publicité est une manufacture à dépressions et à idées noires. Un créatif s'expose et se met en danger à tous les jours. On aime ses idées, on remet en question ses idées, on modifie ses idées, on croit avoir de meilleures idées que lui. Nous sommes constamment en période de mue, l'épiderme exposé au vent froid qui nous secoue les branches. 

Si la douleur est incontournable, aussi bien la ressentir pour les bonnes raisons et prendre le contrôle de sa destinée. Si la transition est un mode opératoire, aussi bien se donner à fond et décupler les occasions pour ne plus dépendre d'un client ambivalent ou d'une personnalité instable. Je préfère me défoncer, ne pas perdre une seconde, anticiper le pire et le gérer des mois avant qu'il ne survienne. Et ensuite passer à autre chose. Je préfère m'exalter à redéfinir mon métier, à maximiser le plaisir de travailler avec des gens que j'aime. Simplement parce que la vie est trop brève.

J'ai choisi de m'investir à imaginer des campagnes qui feront une différence, à ressentir le plaisir de voir tomber les feuilles en sachant que cette perception du mouvement, du temps qui avance trop vite à l'automne, représente au fond une projection de mon propre rythme, une preuve que je suis vivant. Cette saison mélancolique et furtive, c'est au fond une occasion de prendre conscience de ce que je suis vraiment.

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