lundi 26 juillet 2010

Savoir s'écouter

Voici un petit cas vécu qui relève plus des affaires que de la publicité, mais en ces vacances de juillet, je le trouvais pertinent.

L'an dernier, un prospect nous appelle à l'agence. Il a de multiples projets et recherche une firme qui saura l'aider sans le déculotter financièrement, selon ses dires. Il est dans l'immobilier et les assurances de personnes, possède un domaine, un vignoble, une boutique en devenir, bref, la totale. Super intéressant. Connaissant peut-être ma passion pour le vin et la bouffe, vous pouvez vous douter que j'ai rapidement rencontré le prospect en question. Je lui ai soumis une offre de service honnête et complète dans les jours qui ont suivi notre rencontre. Puis une autre à sa demande car ses besoins avaient changé. Rendu à la troisième version, après une visite de son domaine et pas mal de temps investi, je lui ai carrément signifié que nous avions fait notre bout de chemin et que c'était à son tour d'avancer: qu'il fallait être deux pour danser le tango. Provoqué dans son égo, il a signé la proposition illico et nous a donné un joli dépôt. Nous pouvions travailler. S'en suivirent des études de marché, une identité visuelle, puis un autre projet de branding, en immobilier celui-là. Le client était très heureux, tout progressait, mais une petite voix me disait de faire attention. Le client changeait constamment d'idées, c'était un charismatique passionné, mais il manquait visiblement de focus. Là où il semblait réellement d'un niveau supérieur en inspirant ses troupes, il paraissait tout autant disloqué en terme de rigueur. Je le sentais de plus en plus mal. Voyez-vous, j'ai débuté mon parcours d'entrepreneur en 1994, j'étais au début de la vingtaine, alors les erreurs de gestion, les arnaques d’entrepreneurs douteux et les fausses promesses, j'avais tout expérimenté ça à mes dépends et à ceux de mon associé de l'époque, avec qui j'apprenais à la dure les rudiments d'être homme d'affaire. Après discussions à l’agence, nous avons décidé de continuer à collaborer avec ce client, mais je l'avais cependant à l'oeil.

Premier indice: un client qui, avant même de signer son premier contrat avec vous, vous harcèle pour que vous preniez une assurance vie visiblement étrange, c'est louche (faut pas mettre la charrue avant les boeufs et apprendre à se connaître). Deuxième indice: quand l'entourage dudit client vous semble sous son emprise, faut vraiment lever un drapeau. Rouge de préférence. Alerte gourou! Troisième indice: quand tout ce que le client avance n’est que du vent difficilement mesurable, que ses projets résident plus dans sa tête que dans la réalité et qu’il organise des événements visiblement trop ambitieux et disproportionnés où il jette visiblement de l’argent pour impressionner, faut rester songeur. Quatrième indice: quand votre associé, qui en a vu d'autres, pense exactement comme vous, voilà, c'est fait, faut reculer. Or, dans le contexte de concurrence intense de notre domaine d'activité, reculer devant de si beaux mandats, ça fait mal. Nous avons donc décidé de ne pas embarquer dans leurs polices d'assurance et de voir si le client resterait client quand même. Nous avons aussi bien fait attention aux comptes recevables et au niveau de risque que nous prenions.

Quelques semaines plus tard, les projets du client furent graduellement annulés ou reportés pour toutes sortes de raisons bidons, et il a tout tenté pour éviter de nous payer, nous faisant à plusieurs reprises sentir sa frustration devant notre refus de ses offres que nous jugions douteuses. Nous avons réussi, après maintes négociations, à sauver l'essentiel de ce qu'il nous devait. Même là, tout a été tenté pour nous arnaquer et nous avons dû négocier avec 4 personnes différentes qui ont su tester notre patience. Mais le pire avec ce type de client, et ils ne sont pas nombreux heureusement, c'est qu'ils savent jouer à merveille la carte de la manipulation. Ils s’accaparent le rôle de victime. C'était trop évident que quelque chose clochait chez cet individu et son organisation, lui qui avait la fâcheuse habitude de ne jamais regarder les gens dans les yeux.

Alors début 2010, dossier clos, nous avons continué notre petit bonhomme de chemin en nous disant qu'il y avait quelque chose de louche, mais bon, sans en être sûrs à 100%. Et puis voici cet article, publié le mois dernier, découlant de ce communiqué émis par l’Autorité des marchés financiers. Une radiation. Des victimes. Des employés lésés. De l’amertume dans les commentaires. Un journaliste qui compare la firme de notre ex-client à Norbourg... Il y a probablement des zones grises dans toute cette histoire, mais la chose à retenir, c'est qu'il faut toujours, en affaires comme dans la vie, écouter cette petite voix qui nous dit de reculer. Elle représente la synthèse complexe d'une multitude de facteurs reconnus et identifiés par notre subconscient, c'est ce qu'on appelle l'intuition. Les gourous savent généralement éviter ces barrières et nous faire passer à l'action. Il n'aura pas réussi avec nous. Dommage qu'il ait possiblement réussi avec d'autres. Car comme le dit si justement mon associé et président de l’agence, Claude Dutil : «en affaires comme en publicité, tout ce qui brille n’est pas de l’or.»

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