mercredi 27 avril 2011

Le quartier général

Une marque digne du 21ème siècle ne communique pas en silos. Chaque stratégie doit mener à une autre. Par exemple, une publicité télé ou radio mènera à un site «expérientiel», qui redirigera à son tour le consommateur vers un processus d'affaire qui entraînera finalement une transaction si tout va très bien. C'est le principe de l'entonnoir. Rien n'est laissé au hasard. On donne un maximum de possibilités au consommateur de s'exprimer, on l'immerge dans un environnement ludique où les valeurs et spécificités de la marque seront bien véhiculées, bref, on l'englobe, on le chouchoute, on s'assure qu'il parlera de nous en bien. Le site Internet d'une entreprise, dans ce contexte, joue un rôle de premier plan. C'est en quelques sortes le quartier général de la marque, un carrefour incontournable.


Combien de sites d'entreprises trouvez-vous plates et totalement sans intérêt? Si vous êtes comme moi, vous direz une très grande majorité. Et là, je ne parle pas de technique, de compatibilité, de graphisme, mais bien d'expérience. En clair, peu de sites Internet tiennent compte de l'état psychologique des usagers qui s'y retrouvent. En fait, la majorité des sites web traduisent parfaitement les préoccupations de leurs dirigeants, mais trop peu s'attardent à la réalité que vivent les usagers. Quand on visite le site d'une entreprise, on veux savoir très rapidement l'essentiel, on veux comprendre ce qu'elle peut nous apporter concrètement de plus qu'une autre, on veut saisir en filigrane sa vision, bref, on ne veut pas se faire compter fleurette. La concision et la pertinence doivent primer. Le consommateur aime ça «short and sweet». C'est donc assez navrant de constater qu'on met trop souvent à la disposition des prospects des pages et des pages et des pages de textes ennuyeux et que l'ergonomie reflète une structure d'information qui n'intéressera que le gérant du magasin, bref, qu'on ne sache pas se mettre dans la peau de l'autre. Ce sont des sites qui plaisent aux techniciens qui les programment mais qui laissent de glace monsieur et madame tout le monde.


Tout ça pour vous annoncer que nous avons refait notre site Internet à l'agence. Pour être honnête avec vous, c'est un peu mon bébé, même si c'est le fruit de toute l'équipe de Défi Marketing, dont je suis très fier (de l'équipe, pas juste du fruit). Il reflète notre volonté de développer entièrement à l'interne des outils qui serviront nos clients dans la perspective de leurs propres clients. En fait, j'espère vraiment qu'il plaira à nos clients et nous tâcherons d'être à l'écoute de leurs commentaires. Car des questions aussi simples que «Qui, quoi, comment, pourquoi?» sont trop souvent évacuées du quartier général des marques.

dimanche 24 avril 2011

Le syndrome de l'homme niais

Soyons clair dès le début, je trouve le mouvement masculiniste absolument inutile et puéril. Il révèle selon moi une incapacité flagrante de certains hommes d'affirmer sainement leur pouvoir dans un monde en constante évolution. Je crois également que le féminisme a encore sa place pour plusieurs raisons que j'ai énoncées ici lors de la Journée internationale de la femme. Je ne me sens pas brimé, mais alors là d'aucune manière, dans ma situation d'homme au Québec. Je ne crois pas que nous soyons castrés. La femme québécoise est forte, parfois difficile d'approche, mais elle tient la société québécoise à bout de bras depuis toujours. En clair, je n'ai pas de passif contre les femmes, je les adore. J'aime aussi les hommes québécois, pour d'autres raisons. Je trouve par contre qu'ils ont le dos large, mais c'est vrai que nous sommes trop souvent à la remorque. Il y a par contre une chose qui m'irrite au plus haut point, c'est le rôle que l'on donne aux hommes dans la publicité québécoise. Un rôle de lobotomisé campé dans les pires stéréotypes, un rôle en adéquation avec la réalité, ma réalité et celle de tous les hommes de mon âge que je connais.


De Monsieur B au personnage de Claude Meunier dans les publicités de Pepsi, en passant par André-Philippe Gagnon dans les publicités de GM dans les années 80, et dans de nombreuses exécutions depuis une dizaine d'années, l'homme québécois en publicité a pratiquement toujours eu le rôle du du niais de service, de l'imbécile, de celui sur qui on frappe, bref, du crétin des Appalaches. Certains diront que c'est normal, que ça relève d'une règle de création de publicité, celle qui implique qu'on peut ridiculiser un homme mais presque jamais une femme, parce que ça ne passerait pas. Or, je n'en crois rien. Si la créativité publicitaire doit impérativement s'accorder avec le contexte sociologique et psychologique des cibles, comment expliquer que l'on ridiculise directement ou indirectement la moitié des consommateurs québécois? Prenons l'exemple de la Place Rosemère montré en intro avec son dernier concept qui vise à communiquer l'étendue de la palette de produits et services que nous pouvons y retrouver. Comment s'y prend-on? En infantilisant les hommes avec un titre aussi subtil qu'un 2X4. Sûrement avec le prétexte qui implique que c'est «cute» d'infantiliser les hommes, parce que les femmes, la cible principale, s'y retrouveront… Mais c'est faux. Aussi faux que de croire que le hockey n'intéresse que les hommes, aussi faux que de croire que les femmes ne boivent pas de bière, bref, c'est ignorer la potentialité marketing et la réalité d'un segment pour qui l'autre sexe existe réellement en équivalence. On rétorquera que tout ça n'est qu'une blague, qu'il faut la prendre au deuxième degré… Non! Si cette blague n'est pas valable d'un côté, à savoir que nous ne pourrions pas la faire en parlant des femmes, je ne vois pas pourquoi elle serait acceptable si elle traite des hommes.


Tout ça pour dire que l'égalité est un défi de tous les instants. Que les effets de balancier qui nous mènent graduellement, probablement trop lentement, à l'équité entre sexes ne doivent pas dépasser pour les uns les limites évidentes clairement établies pour les autres. J'ai déjà décrié le sexisme et l'utilisation du corps de la femme ici, mais je ne saurais laisser passer les exercices de création publicitaire qui minent le modèle masculin, par respect pour l'esprit des combats menés par les femmes depuis plus de 50 ans et tout simplement parce que je ne veux pas que mon fils grandissent là-dedans.

vendredi 22 avril 2011

Le mentor

En ce vendredi saint, un petit billet personnel. Nous vivons tous, à un moment ou un autre dans la vie, des mauvais moments, voire même des périodes sombres où rien ne fonctionne. C'était mon cas il y a de ça environ 7 ans. Ma vie professionnelle tournait en rond. J'avais été entrepreneur durant une dizaine d'année et là, je devais me retrouver un emploi. La nature de mon expérience était vaste, trop vaste. Pas assez concentrée pour me rendre attrayant pour un poste à la hauteur de ce que je recherchais. Fallait que je trouve une personne qui me ferait confiance et qui me pousserait à me centrer. J'ai trouvé rapidement, toujours été chanceux au fond. Il s'appelait et s'appelle toujours Claude, Claude Dutil.


Je me débrouillais assez bien en communications, mais pas en marketing. C'était pas ma tasse de thé. J'avais accumulé pas mal d'expérience en gestion d'entreprise, mais je n'étais pas systématique, je ne comprenais pas toutes les dimensions d'une entreprise, encore moins leurs interrelations. J'avais par contre beaucoup de flair, d'énergie, et assez confiance en mes moyens. Tout ce qu'il me fallait, c'était un mentor. Claude dirigeait Défi depuis 13 ou 14 ans, oui avec des hauts et des bas, mais avec une stabilité exceptionnelle à plusieurs égards. Des clients stables, un roulement d'employés très très faible, un niveau d'engagement de l'équipe élevé, une expertise reconnue et une réputation sans taches. On n'arrive pas à ça sans avoir du talent et beaucoup de respect. Du respect pour les clients, pour les membres de son équipe, bref, beaucoup de sérieux et un réseau. Mais au-delà de tout ça, Claude est à mes yeux un gourou en marketing et une personne très sensible aux autres. Il m'a graduellement appris un tas de choses, il m'a inspiré, il m'a poussé à aller chercher de la formation pertinente, à m'impliquer dans des organismes, bref, il m'a montré la voie. Tout ça sans jamais ne me mettre de pression malsaine sur les épaules. Toujours en subtilité, en me donnant la marge de manoeuvre et l'autonomie qui m'étaient si importantes. Il a aussi su gérer mon tempérament et m'accepter comme je suis tout en me faisant prendre conscience des choses que je devais changer. Et au bon moment, nous sommes devenus associés. De la bonne façon.


Tout ça pour dire que le talent ne suffit pas, que d'avoir des idées n'est pas assez: il faut connaître sa voie. Pour y arriver, que ce soit prévu ou pas, certaines personnes se posent parfois sur notre chemin. Claude s'est posé implicitement comme mon mentor et il a changé ma vie, m'a permis de renaître. Et en ce vendredi saint, je tenais à te dire merci Claude.

mercredi 20 avril 2011

Le contrat implicite

Le consommateur accepte généralement la publicité de manière implicite en échange d'une contribution de la marque à son quotidien. À la télé, c'est assez évident: sans publicité, il n'y aurait pas de contenu. Même chose à la radio où les animateurs et les stations sont financés par la publicité. Mais en affichage, c'est plus nébuleux. Car la contribution de l'affichage extérieur, pour ne nommer que celui-ci, n'est jamais clair. En quoi l'affichage extérieur profite-t-il au consommateur en échange de son attention, de son regard? En rien, si ce n'est bien indirectement en revenus soutirés par les municipalités et les gouvernements. Tout ça pour dire que le degré d'irritabilité du consommateur par rapport à la publicité est directement lié à la teneur du contrat implicite qui le lie au média.


Prenons l'exemple du Bixi, le seul petit baume sur la grande noirceur qui règne chez notre administration municipale. Ce grand succès lancé en 2009 et exporté ailleurs, vient d'être reconduit pour une troisième année, avec par contre quelques petits ajustements. De un, la durée d'utilisation de base a été augmentée à 45 minutes, elle qui était fixée à 30 minutes l'an dernier. De deux, on a élargi les zones, entre autres en rendant le Bixi disponible dans des quartiers comme Ahuntsic. De trois, de la publicité est apparue sur la roue arrière des vélos. Des grandes marques comme Desjardins, Telus et Rio Tinto peuvent donc maintenant profiter d'affichage mobile, la fourmilière de Bixi représentant une visibilité relativement importante. En sachant que l'opération Bixi fut profitable en 2010, alors comment justifier cette publicité? Par l'augmentation de la durée d'utilisation de base ou l'élargissement des zones couvertes. Mais est-ce suffisant? De plus, est-ce que la raison d'être du service relève de la génération de profits, sachant qu'ils seront au rendez-vous avec ou sans cette nouvelle publicité, qui fera des utilisateurs des hommes-sandwich publicitaires en quelque sorte?


Je trouve désolant le mouvement de graffitis sur les publicités des Bixi actuellement. Désolant mais compréhensible. Le contrat implicite a été modifié, oui en compensant par un bénéfice, mais il évacue une notion fondamentale, soit celle de la perception de la publicité par les consommateurs. Sans tomber dans un registre manichéen qui ferait de la publicité l'incarnation du mal capitaliste, il faut admettre qu'il y a une marge entre accepter une affiche publicitaire à un stand Bixi et en véhiculer une à la sueur de notre front en pédalant, et ce à quelques centimètres de notre corps. Qui plus est, rien ne nous confirme que cette étape est finale, alors qu'elle pourrait très bien constituer le premier pas vers une placardisation publicitaire des vélos. C'est sans compter que cette nouvelle publicité révèle une dichotomie évidente entre les valeurs perçues de la marque et celles de ses usagers. Idée intéressante suggérée par ma collègue Marie-Michèle Jacques: pourquoi ne pas offrir ces espaces publicitaires à tarif préférentiel à des entreprises culturelles ou sociétales de Montréal afin de concilier les intérêts de chacun? Enfin, selon moi, le Bixi vient de perdre une partie de son charme, un peu à la manière d'une fille distinguée (ou d'un homme) qui lâcherait un rot retentissant pendant un cocktail dînatoire chic. C'était pas nécessaire et s'en est d'autant plus dommage.


Pour en savoir plus sur la grogne, c'est ici.

Pour rejoindre le groupe Facebook qui dénonce l'opération, c'est ici.


Crédit photo: Yves Provencher, Métro

dimanche 17 avril 2011

La publicité est-elle de l'art?

La réponse facile, automatique, c'est bien évidemment non! Comment une discipline qui vise essentiellement la promotion et la vente de produits ou services par le biais de stratégies manipulatrices peut-elle être, ne serait-ce qu'un instant, associée à la liberté d'expression absolue que représente l'art? Poser la question c'est y répondre, selon la très grande majorité des gens. Je crois que ce raisonnement est trop facile.

Quel est le but de l'art, quel qu'il soit, si ce n'est de communiquer sa vision de la société, sa perception de la vie, de l'amour, bref, sa conception du monde? Certains le font par le biais d'affirmations brutes et évidentes, d'autres par des questionnements plus subtils, mais un fait demeure: pourquoi communiquer si on ne veut pas être compris? Or, être compris, c'est aussi vouloir indirectement convaincre de sa légitimité. Rares sont les artistes qui évoluent sans se soucier de l'opinion des autres. Rares sont les artistes dont l'oeuvre est repliée sur elle-même au point de ne pas considérer la perception d'autrui. Les stratégies de communication utilisées par les artistes sont probablement inconscientes, les messages plus ou moins clairs, les cibles floues, mais croyez-moi, je ne connais aucun artiste qui ne veuille pas séduire.

D'un autre côté, nous avons la publicité, futile exercice mercantile la plupart du temps, avec des exécutions majoritairement stupides qui meublent notre quotidien. Avec des marques de merde comme Léon et tant d'autres qui forcent dans la gorge du consommateur des monologues tellement abrutissants qu'ils en viennent à provoquer bien malgré eux un syndrome de Stockholm chez ce dernier. Mais d'autres marques, plus évoluées, décident volontairement de respecter l'intelligence du public et de donner à leurs agences de publicité une latitude créative qui relève pratiquement de l'art. Entre une chanson formatée de Coldplay ou une toune comme celle de la marque Converse rapportée la semaine dernière, laquelle relève plus de l'art avec un grand A? Une fois écumées, les univers publicitaires et artistiques se rapprochent étrangement.

La publicité n'est généralement pas de l'art. Ce n'est pas sa fonction. Mais une vague de fond vient depuis quelques temps affecter ses fondements. Des liens sont créés avec les consommateurs d'une manière plus inusitée, esthétique, directe, mais aussi par pragmatisme parce que l'authenticité vend. Plus que jamais, des réalisateurs, des graphistes, des ingénieurs de son et des rédacteurs laissent libre cours à leurs instincts créatifs à des niveaux qui relèvent pratiquement de l'art. À une question posée, je vais toujours me méfier des réponses trop faciles, tout en continuant à carburer à l'idéal d'une publicité éthique, efficace, belle, artistique.

vendredi 15 avril 2011

La ferveur

Dans le cadre d'un mandat de l'agence, nous tournons présentement une dizaine de petits films qui présenteront les lauréats des Prix Florence 2011, un événement de l'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec qui récompense des infirmières et infirmiers québécois exceptionnels. À Québec pour quelques jours, nous avons eu la chance de nous entretenir jeudi avec la Soeur Marie-Paul Ross, infirmière, sexologue, psychothérapeute et j'en passe. Peut-être vous rappelez-vous l'avoir vue à Tout le monde en parle en 2008. Enfin, cette femme m'a touché à plusieurs niveau, je tenais à partager ça avec vous.


La ferveur est souvent associée à la religion, au fanatisme. Qu'en est-il de la ferveur de vivre et d'aider nos proches à atteindre leur plein potentiel? Cette ferveur saine est présente chez Marie-Paul Ross. Dès que nous avons débuté le tournage, j'ai été stupéfait par le niveau d'énergie et d'engagement qui était transmis dans chacun des mots qu'elle utilisait pour décrire son oeuvre, notamment la mission de l'Institut de Développement Intégral qu'elle a fondé en 2003, tout comme sa carrière, sa vision. J'ai également été surpris par la simplicité des fondements de son approche et des prémisses sur lesquelles elle se base: le corps est témoin de tous les maux, l'anxiété tout comme la détresse psychologique sont avant toute chose des manifestations physiques que l'on peut dénouer par différentes techniques, dont la respiration et différents exercices qui visent à nous recentrer sur ce que nous sommes. Chez elle, pas de prêchi-prêcha tendancieux, mais plutôt une réelle compréhension de la douleur psychologique et une empathie sincère. Elle place la sexualité comme un fondement de l'équilibre et de l'épanouissement personnel. La sexualité qu'elle décrit est belle comme un tableau de Lemieux.


Sur le plan des communications, sa voix est riche et ses yeux sont tellement allumés qu'on ne peut demeurer indifférent. Elle parle clairement, elle parle vrai et elle résonne en nous mille fois plus que la plupart des politiciens qui pratiquent la langue de bois ces jours-ci. Sa résilience face à la misère humaine me fascine, moi qui fonderait littéralement en larmes devant les cas difficiles, voire même atroces qu'elle traite quotidiennement. Sa vie a un sens clair, son élan est unilatéral, chez elle, pas d'ambivalence, simplement une volonté inébranlable d'aider son prochain. Elle est la preuve vivante que le cynisme est l'apanage des paresseux et que l'action entraîne le changement. Une ferveur comme la sienne ne se mime pas, elle se propage comme un virus positif. Je crois en être atteint.

mercredi 13 avril 2011

Se faire entendre



Le rôle principal du publicitaire est de faire des liens, des connexions, émotionnelles, rationnelles, entre des marques et des individus, pour vendre, fidéliser et vendre encore plus. Les marques qui s'adressent principalement aux jeunes doivent de surcroît tenir compte de l'aspect éphémère des modes, de la vitesse fulgurante à laquelle passent les courants technologiques, bref, ils doivent conjuguer avec l'instant présent. Or, rien ne ramène plus à l'instant présent que la musique, qui restera toujours le meilleur moyen pour les jeunes de se «positionner» socialement. Qu'une marque comprenne ça est en soi très très louable.


La marque Converse demeure une marque mineure si on la compare à des géants comme Nike, Adidas ou Reebok. Elle représente néanmoins un avantage marqué en ce sens qu'elle est associée de près depuis longtemps aux courants alternatifs, elle relève donc plus de la contre-culture que de la culture pop dite «mainstream». Porter des «Converse noirs» signifie un certain état d'esprit, une prise de position en faveur des arts, bref, une ouverture. Cette force, car c'est une grande force selon moi, c'est de transcender son produit, de véhiculer un héritage, une histoire, qui est aujourd'hui véhiculée par plusieurs artistes pour qui le célèbre logo «Converse All Stars Chuck Taylor» signifie l'unicité, la liberté. Ce qui nous ramène à la musique. Car une tactique prônée depuis l'automne dernier par cette marque fondée en 1908 consiste à tout simplement choisir des artistes musicaux connus mais clairement dans le ton de la marque, et de leur faire produire une chanson unique, accompagnée d'un clip interactif où l'on peut, en empruntant un microsite dédié et la plateforme Facebook, littéralement s'y intégrer. Le produit est réellement derrière, la musique prend toute la place, mais la signature finale est sans équivoque. La chanson, lancée il y a deux jours, est une collaboration exclusive de Paloma Faith, de Graham Coxon (Blur) et de Bill Ryder-Jones qui faisait partie du groupe Coral. J'aime bien la chanson, mais ce que j'aime encore plus, c'est l'idée qu'une marque puisse faire suffisamment confiance à l'instinct des gens et à l'association naturelle qu'ils font entre la musique, leur apparence et leur «positionnement» personnel. Assez brillant.


À cette époque où la vidéo règne, il ne faudrait jamais sous-estimer le pouvoir de la musique. Plus qu'une génératrice d'émotions, la musique peut inspirer, soulager, bref, fédérer différents segments autour d'une marque. Parfois, il faut faire confiance à l'ouïe des gens, même si tout de notre époque nous mène à vouloir en mettre plein les yeux pour convaincre les éternels sceptiques.

dimanche 10 avril 2011

La plus simple expression

Comme le disent nos voisins du Sud: «less is more». C'est particulièrement vrai en créativité publicitaire. Là où la tentation des annonceurs de tout dire, de tout expliquer, en se basant sur la prémisse, fausse, du consommateur avide de lecture et de publicité, en mène plusieurs à diffuser des exécutions que je qualifie affectueusement de «pizza toute garnie avec des anchois», d'autres, sages, savent donner à leur marque une saveur unique en utilisant un minimum de mots et d'images. La clé est la synthèse. Mais résumer les valeurs, la philosophie, les bénéfices ultimes, tout en séduisant, dans un cadre minimaliste, demeure un défi très exigeant, possiblement le plus exigeant que rencontreront les créatifs durant leur carrière.

Prenons le concept de la célèbre marque de bière noire irlandaise Guinness, montré en introduction et développé par l'agence BBDO New York. C'est en fait une affiche qui est actuellement installée dans la plupart des bars qui offrent la Guinness à New York. Aucun logo. Aucun nom de marque. Aucun titre. Mais tout est là et bien identifiable de la part des connaisseurs et adeptes: la nature du produit et sa célèbre mousse, la pinte classique dans laquelle il est versé et la joie qu'il procure. Sans compter que l'utilisation de la synthèse créative est en soi un message au deuxième degré, celui de la pureté et de la modernité de la marque, de la complicité, du respect de l'intelligence du consommateur.

Toutes les marques doivent aspirer à la concision, peu importe qu'elles soient de consommation courante ou qu'elles relèvent du grand luxe. Guinness en fait la démonstration éloquente. En fait, les flashs créatifs synthétisés n'émergent pas toujours, mais une chose simple que tous les annonceurs peuvent faire, c'est de toujours se demander ce que l'on peut enlever sans diminuer l'efficacité. De remettre en question chaque mot, chaque élément, pour s'assurer que rien n'est superflu. Le temps que l'on exige du consommateur pour bien décoder notre publicité doit être minimal, car peu importe comment nous aimons ce que nous sommes, de prendre pour acquis une sympathie et une attention qui n'existe pas serait une grave erreur. Être authentique et séduisant, c'est communiquer à sa plus simple expression.

NB: Merci pour le tuyau à Benoît Favreau.

jeudi 7 avril 2011

Pas touche



Je suis comme vous. Si mon enfant se faisait agresser, je deviendrais totalement fou et les pires idées me passeraient par la tête. Les émotions me feraient faire des choses que je regretterais et qui, sur une longue période, n'auraient pas contribué à la guérison psychologique de mon enfant. Dénoncer les agressions sexuelles et s'en remettre au système de justice québécois, même s'il n'est pas parfait, demeure la seule et unique solution. Dénoncer est LA solution. Surtout quand on sait que la majeure partie des crimes sexuels sont commis par des proches et entraînent un silence qui mine des vies, quand il n'engendre pas tout simplement le suicide. Faire de la publicité de sensibilisation sur un sujet aussi délicat relève d'un travail d'équilibriste. La nouvelle campagne du gouvernement du Québec, montrée en introduction, ne fait pas l'unanimité.

J'ai souvent parlé de dissonance cognitive, soit du microtraumatisme psychologique que peut engendrer un message perturbant et de ses effets potentiellement dévastateurs sur la rétention du message ou l'action que nous voulons déclencher chez le récepteur. La vraie question, la seule question que nous devons nous poser en regardant ce message, est celle-ci: m'a-t-il incité à dénoncer un agresseur ou va-t-il me convaincre de le faire un jour si la situation se présente? À cette question, je dois répondre non. D'un point de vue purement psychologique, si je n'ai pas vécu une situation de ce genre, ce sera trop douloureux de me projeter dans la situation présentée (je n'ose imaginer le sentiment ressenti par une personne ayant vraiment vécu ce type d'agression en voyant le message). Cette distance entre ma situation réelle et celle montrée transformera un message puissant en simple anecdote que j'oublierai facilement. Il aurait fallu qu'on me place dans la situation d'une personne qui dénonce, qu'on m'expose implicitement aux motifs qui la font hésiter. Il aurait également été plus judicieux de montrer la dénonciation, dans un contexte valorisant, puissant, évocateur, ouvert sur la liberté et où le bénéfice pour la victime aurait été bien senti. Cette publicité est perturbante, déstabilisante, très bien faite, épurée, mais demeure stérile, car nous en restons à l'agression, et là n'est pas la question. Nous savons tous à quel point une agression est horrible et la campagne précédente évoquait justement de manière très directe les effets à long terme ressentis par les victimes. Le manque de recul de l'annonceur me semble évident. On ne s'attaque pas à la bonne question et la dissonance cognitive désamorce les résultats. L'intention était bonne toutefois. Dommage.

Je suis déçu qu'on ait manqué à ce point de vision. L'objectif est tellement clair, les possibilités créatives tellement nombreuses, pourquoi alors s'en remettre à la sempiternelle publicité choc? Est-ce que la volonté de l'agence de gagner un prix ou de susciter la controverse a supplanté la nécessité de demeurer aligner stratégiquement? Enfin, j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.

mardi 5 avril 2011

La candeur



En publicité comme dans la vie, rien ne bat l’authenticité et la candeur. Je dirais même plus, on pardonnera bien des maladresses stratégiques et créatives à des marques qui osent se présenter à nous en toute humilité. Tout comme on pardonnera un mot de trop à un ami dont on sait qu’il n’a aucune mauvaise intention. Le «boulechite-ô-mètre» de la population est tellement sensible qu’on préférera parfois une publicité mal tournée à une publicité professionnelle, si on y sent la bonne intention et la transparence. C’est exactement ce que je reprochais récemment aux concessionnaires Honda du Québec, dont on sent la créativité s’étioler avec le temps, l’émotion semblant de plus en plus provoquée. Mais il ne faut pas confondre candeur et amateurisme, ce dernier entraînant irrémédiablement la médiocrité.

Prenons en exemple la publicité de Super Timor présentée en intro. Un classique. Est-elle mal filmée? Absolument. Est-ce que l’intention est bonne? Absolument. Est-elle candide? Aucun doute là-dessus. C’est l’exemple parfait de la publicité «ratée-réussie». D’un autre côté, regardons la publicité de la Reine des sauces ou, pire encore, celle de Ski Town que j’ai critiquée en janvier. Dans les deux cas, on tente maladroitement de provoquer des émotions, mais il n’y a pas de candeur. Tout est faux. L’intention n’est pas là. Tout ce que l’on sent, c’est une volonté de l’annonceur d’économiser en court-circuitant la chaîne de création pour des raisons incompréhensibles, car tout ce qu’il obtiendra en retour sera un rendement nettement inférieur à la moyenne pour ses investissements médias.


Est-il possible d’évoluer avec une agence de publicité et de conserver cette candeur? Je crois que oui. Il suffit de travailler avec les bonnes personnes, de se créer un microcosme créatif où les responsabilités sont bien établies et où le seuil de l’excellence sera posé à un niveau élevé. Ensuite, il faut respirer par le nez. Il faut laisser les bonnes idées surgir. Mais plus encore, il faut impérativement conserver, lors des étapes de réalisation et de production, l’énergie initiale, la collégialité, l’esprit de corps entre les individus, clients, créatifs, réalisateurs, équipe technique. La majorité des gagnants du dernier gala des prix Créa semblaient fonctionner dans ce mode. Être stratégique ne signifie pas être ratoureux, ça veut tout simplement dire d’orienter les créatifs sur les bonnes pistes, pour ensuite faire confiance à leur enthousiasme. La candeur fait rire, pleurer, mais avant tout, elle fait «connecter», car on y croit, car on s’y projette. Croyez-moi, c’est la voie que tout annonceur veut emprunter. Et surtout, n'oubliez pas, Super Timor est vraiment le plus fort!

dimanche 3 avril 2011

Le dilemme

Faire ce qui est bon, ce qui est bien, versus se laisser mener par les diktats des résultats à très courte échéance. Prôner une vision intégrant sa philosophie, ses valeurs, une image unique, versus tomber dans le goût du jour et dans les modes, les tendances, les courants. Ces dilemmes, ces choix, font partie du quotidien des publicitaires et des directions marketing et communication d'entreprises, d'organismes, d'individus et de partis politiques. Pragmatisme et idéalisme peuvent-ils cohabiter sainement? Prenons le contexte de la campagne électorale fédérale actuelle en exemple.

Le truc facile et éprouvé par nos cousins américains, c'est la publicité négative. Un maximum d'impact, de rendement, un minimum d'implication, on attaque, on déforme certains faits tout en en dissimulant d'autres. C'est une manipulation plus ou moins marquée de la réalité. Pas ou peu de créativité. Absence de concept. Utilisation maximisée de la peur à des fins opportunistes. Réalisation de publicités reposant essentiellement sur des séquences d'adversaires montrés hors-contexte et sur une narration à la tonalité dramatique. Une approche percutante, qui attire l'attention et qui convaincra vite. Malheureusement. À l'image de notre époque. C'est une recette.

D'un autre côté, il y a la méthode longue et honnête, qui consiste de miser sur l'avenir, au-delà d'une simple élection. D'utiliser la créativité autant sur le plan stratégique que conceptuel pour allumer des feux de propagation virale fondés sur la vérité, sur la réalité, sur des aspirations sociales assumées, bref, de construire et non de se faire élire. De déclencher un réel bouche-à-oreille. De stimuler des échanges, une vraie conversation, de savoir écouter et évoluer. Car être élu, nous l'avons trop souvent constaté depuis quelques temps, ça ne veut rien dire. Être élu pour les bonne raisons, c'est se voir donner un mandat clair basé sur notre vision. Le contraire n'est que le pouvoir pour le pouvoir. Ne me parlez pas de changement, ce mot galvaudé par les pires politiciens. Parlez-moi de bâtir. Il n'y a pas de recette quand on emprunte cette voie.

Ce dilemme s'applique à toutes les marques, à tous les individus, ce n'est pas un dilemme entre le bien et le mal, mais plutôt un choix entre la patience calme génératrice de fondation solide et l'impulsivité égoïste qui n'entraînera que du vent. Pour moi le choix est évident. Entre vous et moi, les publicités honnêtes en politique ne sont pas toujours celles que l'on croirait...

Le printemps est de retour...
Je viens tout juste d'être témoin d'un nombre étourdissant de manoeuvres dangereuses sur la route. Comme à tous les printemps lorsque la température monte et que la chaussée devient sèche, certains jeunes thons comme d'autres pas si jeunes, se prennent soudainement pour des pilotes de F1. Ils sont aussi stupides, narcissiques qu'irresponsables. Parlez-en à vos proches, à vos enfants, il faut dévaloriser socialement ces comportements de deux de pique.

vendredi 1 avril 2011

Oui aux Créa, non à la langue de bois!

Hier soir se déroulait le gala annuel des prix Créa qui célèbre la «créativité» des agences de publicité québécoises. Évidemment, pendant ces interminables 150 minutes de la remise des prix, nous avons revu les meilleurs coups des meilleurs créatifs. Rien à redire sur les campagnes en lice ni sur les choix du jury qui, bien qu’étonnants à prime abord dans certains cas, dont celui du Grand Créa attribué à Taxi pour le flambeau olympique de Bombardier, se révèlent après réflexion comme très justes et centrés sur les idées.

J’aimerais revenir sur les 150 minutes de la remise de prix, car il faut avouer que ce fut une torture psychologique intense. Primo, la sonorisation était nulle et nous a fait manquer les subtilités de l’ensemble des discours. Peu importe d’où provenait le problème, que ce soit des techniciens, de la nature de la salle ou de l’enlignement des astres, il faudra réellement régler ce problème en vue de l’an prochain car ça compromet réellement la qualité de l’expérience. Deuxièmement, même si tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, il y avait vraiment trop de discours creux et répétitifs où la créativité québécoise était louangée à peu près toujours de la même façon. Nous évoluons dans un milieu créatif, et la créativité, c’est aussi de sortir de la pseudo langue de bois qui prévalait chez certains individus qui lisaient un texte qui n’intéressait personne. La créativité, c’est avant tout le message, or, ce «flattage» de bedaine collectif devenait lassant même si chacun des individus en cause, et là je ne parle pas des gagnants, étaient plutôt sympathiques. À un moment donné, je me sentais mal pour les membres du jury invités à se présenter sur la scène comme des piquets pendant que leur président nous livrait un message intéressant mais long (surtout quand on ne saisi que la moitié de ses mots). Bref, la soirée dans son ensemble était réussie mais la remise de prix était moyenne, très moyenne, et manquait de rythme. J’espère qu’on acceptera ma critique comme celle d’un client intéressé mais un tantinet déçu d’entendre le mot «créativité» galvaudé trop souvent.

Je termine en vous parlant brièvement du prix «Coup de cœur» décerné au Monde de Cossette pour la campagne artisanale de la bière Korrigane, montrée en intro. Quelle belle idée que celle d’avoir mis à contribution les talents d’étudiants pour réaliser plus de 1000 publicités totalement faites à la main dans le journal Voir de Québec pour cette bière artisanale ! Un bel exemple de la forme qui devient le message qui transcendera à son tour le caractère différenciateur du produit. Superbe. Enfin, bravo à tous les gagnants, bravo à l'agence LG2 qui a réellement supplanté la concurrence de manière évidente par un volume impressionnant de concepts gagnants. L'édition 2011 était-elle un grand cru? L’avenir nous le dira. Mais c’est réjouissant de voir un concours récompenser les bonnes idées sans trop se laisser berner par l’ampleur des moyens. La créativité c’est avant tout un état d’esprit, et le jury 2011 l’a visiblement saisi au vol. L’ensemble des publicités et campagnes gagnantes sont disponibles ici.

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