dimanche 18 décembre 2011

Noël: amoral?




Musique douce de Noël, feu qui crépite dans le foyer, narration par une voix masculine humaine et mature

«Une fête religieuse basée sur la commémoration intime de la naissance de Jésus; une fête familiale, de partage, sincère; une rencontre empreinte d'humilité où la messe de minuit, solennelle, au centre, comme un passage obligé, nous projette dans une forme de recueillement aussi mélancolique qu'authentique. Une rupture avec la course du quotidien, une pause salutaire, un moment pour inspirer, expirer, pour prendre le temps. Une célébration de l'enfance, de l'innocence, de l'émerveillement. Des décorations lumineuses et vives, des cadeaux signifiants, un arbre et un père Noël aussi vrai que furtif. Des souvenirs qui se perpétuent chez nos tout-petits. La joie.» 

Effet sonore de scratch d'une aiguille sur un microsillon, reprise de la narration, mais dans un registre plus angoissé, avec comme trame sonore de fond le bruit cacophonique d'une foule:
«Trente minute d'attente sur la voie de service qui mène à l'entrée du Carrefour Laval, 45 minutes pour trouver une place de stationnement, il fait chaud, les allées sont bondées, la liste est longue, il débute par une visite au Apple Store, ensuite chez La Baie, puis Lacoste, pour terminer chez Zara. Nous sommes le 3 décembre. Il recommencera ce manège au moins 2 fois, pour un total de 2400$ en cadeaux dépensés, enfin reportés sur la carte de crédit platine ou sur la marge bancaire qui intègre l'hypothèque de la maison de 800 000 $ située à Val des Arbres au prêt sur la Range Rover noire au moteur Supercharged. Ces dépenses s'additionneront aux frais d'abonnement de ski au Mont-Saint-Sauveur pour toute la famille, à un voyage à Riviera Maya en couple en février, au complet Tom Ford acheté 2600$ chez Harry Rosen sur Peel en novembre et à la soirée bien arrosée entre amis de jeudi dernier chez Bremner dont il aura réglé la note, 687$, incluant le pourboire de 18% laissé par le biais de ces magnifiques petites machines sans fil où l'on peut fixer le pourcentage du service sans se tromper, même quand on est un peu pompette. Il semble heureux mais croule intérieurement sous la tristesse qui l'afflige. Noël arrive. Fin.»

Loin de moi l'idée de porter un jugement sur Noël ou de vous faire la morale sur la société de consommation à laquelle nous contribuons tous, moi le premier. Mais si Noël doit nous servir qu'à une chose, seulement une, ça devrait selon moi être le déclenchement d'une prise de conscience. De consommer et d'en être conscient est une chose, de rester emporté dans un tourbillon sans même le réaliser en est une autre. C'est à ce moment que Noël devient amoral, quand nous ressemblons à des robots compulsifs qui dépensent pour combler un vide sans fin. Le film d'Unicef montré en introduction est tendancieux et manipulateur, mais une phrase de ce Père Noël est trop vraie pour être ignorée: «I don't do poor countries». Eux ils crèvent.

Cette année, plusieurs personnes en arrachent. L'avenir n'est pas très prometteur. Mais tant que nous conserverons cette faculté d'émerveillement, ce potentiel d'agir, ce pouvoir de changer les choses, cette metaconscience, l'espoir perdurera. 

Joyeux Noël, bonne année, je vous aime tous et on se revoit tout début 2012 après cette petite pause que je m'accorde pour terminer 2011. Ce sera encore une grosse année pour moi, les projets se bousculent, j'ai hâte de partager tout ça avec vous et de continuer pour une troisième année ce parcours particulier, celui de FacteurPub !

Sincèrement, Mathieu xx

mercredi 14 décembre 2011

Enfin!



J'ai souvent mentionné la puissance de la pulsion sexuelle basique comme déclencheur en publicité. J'ai aussi souvent parlé de l'insipidité des bières d'ici au petit écran, tout comme de leurs tentatives aussi stupides que maladroites à associer le produit à la quête sexuelle. Respecter l'intelligence du consommateur, ce n'est pas renoncer au pouvoir de séduction de la sexualité en publicité, c'est plutôt l'utiliser à bon escient, intelligemment. C'est exactement ce qu'Heineken fait avec sa nouvelle publicité «Sunrise» montrée en introduction.

Le buveur de bière un tant soit peu doté d'un alignement normal de neurones actives n'entend pas se projeter psychologiquement dans un personnage en rut, totalement dénué d'esprit de discernement et centré uniquement sur la recherche d'un coït pornographique. Il désire plutôt avoir l'impression, nous le désirons tous, d'être «spécial». C'est ce que j'appelle le «Syndrome de la vedette rock», en ce sens que plusieurs d'entre nous, secrètement, abstraitement, irréalistement, rêvons d'être adulés et de posséder ce pouvoir d'attirer les projecteurs sur nous, voire de séduire par notre essence même. Vieillir, c'est un peu beaucoup de faire graduellement son deuil de ce rêve, mais c'est aussi, parfois, d'y revenir brièvement, ne serait-ce en quelques flashs brillants dans un party où l'on se sent particulièrement bien. Se projeter dans un personnage à la fois charismatique, brillant et bien dans sa peau devient donc tout à fait naturel et accessible à tous. Heineken réussit à associer le contrôle de soi, la conscience, la responsabilité, des concepts autrefois associés à des comptables beiges, à cette fameuse soif de séduction, aussi sexuelle qu'amoureuse. Sans négliger la poésie du plan final et le thème qui s'apparente à un certain romantisme chic. Une approche très inspirante qui ne néglige pas l'esthétisme et le plaisir de boire pour autant. L'aube n'aura jamais été aussi porteuse que dans ce message qui démontre que ça peut rapporter de se comporter décemment. Efficace et totalement réussi.

Cette stratégie de création fait du bien et se démarque clairement des inepties de nos marques canadiennes qui misent sur l'absurdité de l'extrême froideur du produit (identifiée en groupes de discussion) ou encore sur des stéréotypes totalement déconnectés de la réalité de la moyenne des ours. Heineken se positionne plutôt, depuis quelques temps déjà, comme une bière intelligente. Elle présente dans ses publicités des hommes et des femmes qui divertissent, qui séduisent et qui attirent le feux des projecteurs sans toutefois se prendre au sérieux. Ça marche. Enfin!

Merci au pote Normand Boulanger pour le tuyau!

dimanche 11 décembre 2011

Faire pencher la balance


Le Fêtes approchent. Nous allons tous beaucoup manger et la plupart d'entre nous n'auront pas courage de dépenser les calories en trop. La surcharge pondérale fait partie intégrante du mode de vie nord-américain, l'obésité est un fléau médical, particulièrement aux États-Unis, tandis qu'on nous bombarde de stéréotypes de mâle parfaitement bâtis ou de filles totalement taillées au couteau. Un gros paradoxe. Ici au Québec, les deux grandes entreprises d'entraînement, pour ne pas les nommer, font leurs choux gras de notre culpabilité, au début de chaque année, sachant fort bien que pour la plupart des gens, quelques visites au gym suffiront à leur donner bonne conscience, alors qu'ils auront chèrement payé un abonnement annuel, cédant sur place à la vente sous pression. Tout ça est un peu pathétique. L'équilibre, la santé, l'estime de soi, c'est un mode de vie, surtout pas un vide à combler. Il existe ici une belle opportunité de respecter l'intelligence du consommateur et de s'élever au-dessus de la mêlée.

J'ai rarement commenté des publicités imprimées cette année car je crois, généralement, que tout est présent en un coup d'oeil, que et le commentaire devient superflu. Et là, bang! Une publicité turque me frappe en plein visage, elle n'est rien de moins que géniale: Pilates with gerda.

Premièrement, le titre est minuscule et laisse toute la place à l'image, ce qui devrait toujours être le cas. Ensuite, on transpose la surcharge pondérale en une action - le fait de tenir un sac - qui s'opère à l'extérieur du corps, comme si la graisse ne faisait pas réellement partie de notre intégrité physique normale. On amène implicitement l'idée que ce poids excédentaire pourrait être largué par une simple question, «Carrying too much weight?» et non par une affirmation culpabilisante et moralisatrice. L'illustration est parfaitement réalisée. La publicité est intrigante au point de nous forcer à identifier qui la signe. Absolument brillant. Un flash qui me rend vraiment jaloux.

Quand je dis à mes clients qu'il faut simplifier le message, que les meilleures idées s'imposent d'elles-mêmes, quand je cite le maître David Ogilvy qui prônait le mantra «Moins d'éléments, plus d'impact», c'est à ce type de publicité que je fais référence, de la publicité qui fait pencher la balance du bon bord, celui de l'intelligence. 

Je vous laisse sur la déclinaison qui montre les fesses...


mercredi 7 décembre 2011

Les idéologues


Les idéologues se réfèrent à un système d'idées habilement construit en fonction de l'atteinte d'un certain idéal. Cet idéal, souvent extrême, aveugle autant qu'il ne stimule les tenants d'une doctrine à la mener à bien. Que ce soit politique, économique ou religieux, ils ont mené la Shoah, ont pulvérisé l'économie du Chili, les tours jumelles aussi, ont conquis une partie de la planète et ont rejeté, voir torturé des millions d'individus pour leur orientation sexuelle ou leur déficience intellectuelle. Plus près de nous, certains prônent l'annexion du Québec aux États-Unis tandis que d'autres, sur le Plateau par exemple, font tout en leur pouvoir pour miner la libre circulation des résidents en auto. Les idéologues ont presque tous une chose en commun: un manque chronique de sensibilité et de flexibilité. Nul autre système que le leur ne doit prévaloir, la divergence doit être aplatie, point de salut pour les opposants. Et vous savez, parfois, les idéologues font de la publicité. Souvent chez nos voisins du Sud, particulièrement en période électorale, mais parfois ici même au Canada, dans un journal d'envergure comme le National Post, le 29 septembre dernier par exemple, tel que montré ci-contre.

La beauté de la liberté d'expression et de la loi de l'offre et de la demande, c'est qu'elles laissent parfois place à la communication implicite de l'intolérance crasse. Dans le cas exposé, on demande à la population de remplir une pétition qui exige du Premier ministre ontarien qu'il retire des programmes scolaires toutes mention relative à l'homosexualité ou à la transexualité. Le tout présenté par un concept parfaitement racoleur qui implique une prémisse aussi tordue que stupide: l'homosexualité pourrait être induite en mentionnant oralement son existence. L'orientation sexuelle des gentils enfants serait donc embrouillée par ces enseignements immoraux. Mais qu'elle est jolie la toute petite... Jolie, mais n'en faites pas une lesbienne!

Que ce soit par de la propagande pure ou de la publicité manipulatrice, les idéologues ne tentent pas de nous séduire mais bien de nous pousser leurs pseudo-évidences dans la gorge. Cette technique ne fonctionne pas vraiment. Enfin pas ici ni maintenant. Le détecteur de «boulechitte» de la population est trop aiguisé, on les entend arriver avec leurs gros sabots des kilomètres à la ronde, mais les dommages qu'ils engendrent demeurent. Dans ce cas-ci, dans une période où l'intimidation est en tête des sujets sociaux à l'ordre du jour, comment pensez-vous que ce sentira un jeune homosexuel pas encore assumé en regardant cette publicité? C'est exactement ça. Et les idéologues n'en ont que faire. Parlez-en aux familles des victimes du drame de la Polytechnique exposés hier au mépris du Gouvernement Harper…

Trouvé via le site Gawker exposé sur ma liste Twitter par un usager dont je n'ai pas noté le pseudo et à qui je m'excuse d'avance...

dimanche 4 décembre 2011

Les apparences


La loterie de la vie est injuste. Certains naissent différents des stéréotypes associés à la beauté, à un moment donné. C'était le cas il y a 60 ans et ce l'est encore aujourd'hui. Trop gros, trop maigres, trop petits, les yeux trop écartés, les lèvres trop minces, la poitrine absente, le bassin trop évident, et j'en passe. Moi c'était une dépression congénitale entre mes pectoraux, qu'on appelle «Pectus Excavatum». La loterie de la vie est injuste, mais notre ferveur de vivre, d'aimer et d'être aimé, persiste. Ce feu réside en nous, résidait en moi, y perdure toujours. L'apparence reste avant tout une question de différence. Or, la société véhicule des valeurs qui tendent à nous uniformiser vers un idéal inaccessible. On érige la beauté extérieure véhiculée par les magazines en Saint-Graal, alors que notre véritable apport se situe au contraire dans cette énergie particulièrement unique qui nous a été donnée. Avec la résultante que nous évoluons seuls ensemble, souvent gênés et psychologiquement isolés par notre différence; à socialiser, à sourire, à dire ce qu'il faut pour faire partie de la masse, pour se fondre. Avec en arrière-pensée ce sentiment désagréable de n'être en quelques sortes qu'un imposteur. Nous en sommes tous.

La publicité contribue pour beaucoup à façonner notre perception de ce qui est beau et attirant. Cette publicité n'a pas d'âme. Même quand elle se donne des airs de bien-pensante, comme Dove par exemple, en ne montrant que de la marginalité esthétique. Cette publicité à laquelle nous sommes tous exposés des dizaines de fois quotidiennement, mise avant tout sur notre plus grande vulnérabilité: cette honte relative de notre différence. Pourquoi? Simplement pour vendre par milliards des produits plus souvent qu'autrement inutiles. Elle nous dit de perdre du poids, de se faire corriger une bosse sur le nez, de se faire augmenter la taille du pénis ou des seins, de blanchir nos dents, elle nous disait naguère d'engraisser de 15 livres pour enfin plaire, elle joue dans la tête de nos adolescents lorsqu'ils et elles en sont à une période névralgique de définition de leur identité, elle rend certaines femmes complètement hystériques à l'idée de voir des rides apparaître autour de leur yeux, elle dit aux hommes qu'ils sont des «mononcles« lorsqu'un ventre apparaît, bref, elle amplifie et entretient un certain déficit d'estime de soi que la majorité d'entre nous traînons comme un boulet, en appuyant injustement sur le bon déclencheur, sur le bon piton. Tout ça pour satisfaire aux objectifs de croissance communiqués aux actionnaires par des conglomérats de l'apparence froids et dénués d'empathie. 

La publicité demeurera toujours associée à la vente. Ce n'est pas le problème. Le réel enjeux se situe dans la nature des stratégies de création mises de l'avant pour arriver à ses fins. Quand on exploite de manière concertée des failles psychologiques, ce n'est rien de moins que de l'abus. La publicité n'est pas la seule coupable, mais son rôle est indéniable. De voir des jeunes autour de moi être exposés à ces messages me trouble. Je sais ce que ça peut faire de se sentir différent. Je sais tous les réflexes compensatoires que la douleur psychologique peut induire. Et j'aimerais que ça change. C'est pourquoi je n'emprunte pas cette voie dans ma pratique de publicitaire et que j'entends en parler à chaque occasion qui me sera donnée. À quand une publicité inspirante qui atteindra ses objectifs de ventes tout en valorisant réellement l'importance de la différence dans l'apport de l'individu à la mosaïque sociale? À quand la pulvérisation totale et permanente de ce sentiment d'imposture qui torture trop de personnes sensibles? À quand une mise au rancart de cette culpabilité de n'être que ce que nous sommes? 

L'image a été obtenue via Retronaut, merci du tuyau à Marie-Claude Dubois.

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails