mardi 14 septembre 2010

Le «plaster»



Un bon ami à moi a récemment été hospitalisé à l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Mon grand-père est aussi passé par là à quelques reprises. J'y suis donc allé 5 ou 6 fois depuis 2 ans. L'urgence est superbe et digne de grands hôpitaux américains, mais tout le reste est pathétique. L'odeur y est insupportable. Tout est beige et terne. L'atmosphère est lourde. Et les infirmières qui oeuvrent là-bas font vraiment tout leur possible, mais elles manquent visiblement de moyens. Bref, l'état de la situation est assez préoccupant. Assez pour que mon ami, que je ne nommerai pas parce que je tiens à respecter son intimité, ait passé l'été dernier près de 3 jours sur une civière, dans un corridor, avant de se voir attribuer une chambre, et ce après que sa femme eut fait pression auprès de l'administration car le délai dépassait les règles du système de santé. Dormir n'est tout simplement pas possible quand vous souffrez d'une embolie pulmonaire et que vous devez endurer le bruit du corridor 24h sur 24. L'état de Sacré-Cœur n'est probablement pas pire ou mieux que celui des autres vieux hôpitaux de Montréal. Or, les besoins en recrutement d'infirmières sont urgents, partout dans le système, tout est mis donc mis en place pour séduire directement les nouvelles infirmières et réduire leur embauche à fort prix par le biais des agences privées. Particulièrement à Sacré-Coeur où l'on ne cesse d'innover: un lip dub primé l'an dernier, et cette année, le film viral montré plus haut qui simule un reportage télévisé d'un média chinois. Un film très habile.


La créativité déployée par cet hôpital et son agence de publicité pour recruter est réellement intéressante et innovante. Ce film est bien fait, drôle, axé sur les bénéfices, bref, il donne envie d'y envoyer son CV. Mais une question ne cesse de me tourmenter: combien d'infirmières quittent cet hôpital à court ou moyen terme après avoir été recrutées? Et pourquoi s'obstiner à communiquer une version teintée en rose de la réalité quand l'évidence contraire saute aux yeux après une visite? Pourquoi ne pas se concentrer en priorité à améliorer la qualité des lieux, les couleurs, les odeurs ou l'éclairage des corridors? Car lorsqu'une campagne publicitaire ou de recrutement est décalée à ce point de la réalité, c'est l'intégrité de l'institution qui est en jeu. On a beau en rire et prendre le tout au deuxième degré, la triste réalité concrète nous rattrapera toujours. Le prix à payer en perte de personnel en sera doublement plus coûteux. Quand le produit ne livre pas la marchandise, tout est toujours à refaire, et tout devient graduellement toujours plus difficile car les gens se parlent et ne sont pas dupes. Faudrait peut-être s'attaquer au vrai problème plutôt que de remettre un «plaster» sur le bobo, année après année...


Je dis souvent qu'en marketing, le produit est l'aspect le plus fondamental. C'est pourquoi des agences comme Sid Lee ou CP+G hésitent à traiter avec un client dont le produit est déficient. Avec un concept créatif, on peut toujours tronquer la réalité une fois, mais on ne réussira pas à le faire deux fois. Surtout pas quand on traite du quotidien d'un individu, d'une composante primordiale de sa vie: son travail.

ps: Merci au pote Thomas Bastien de m'avoir redirigé vers la vidéo dès son lancement lundi...

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