dimanche 26 février 2012

Le ballon hurlant



À l'aube de l'Euro 2012 qui se déroulera en Ukraine l'été prochain, les autorités locales ont décidé de «nettoyer» les rues des quadrupèdes errants, notamment les chiens et les chats. Des milliers d'animaux sont donc sauvagement abattus sans motif valable autre que l'esthétisme des lieux. On comprendra des organismes de défense des animaux comme l'allemande ETN e. v. de se mobiliser pour influencer le cours des choses et limiter les ravages que subissent ces petites bêtes ukrainiennes. Le seul hic: ces organismes n'ont pas les moyens financiers pour lancer de grandes campagnes de sensibilisation. Comme bien des agences de publicité québécoises, elles doivent redoubler de créativité pour se donner une chance de rencontrer leurs objectifs. 

Pour ce faire, un créatifs allemand du nom de Christian Baur, également diplômé de la Miami Ad School, a conçu un ballon de soccer qui, lorsque manipulé, émet des sons de chiens qui hurlent. Sur le ballon se retrouvent un message concis et quelques manières de passer à l'action, dont un code QR et un numéro téléphonique. Le truc? Simplement laisser traîner ces ballons dans le centre-ville. Une tactique aussi simple qu'efficace lancée à Hambourg et qui pourrait faire des petits. La preuve qu'une bonne idée ne coûte souvent pas plus qu'un ballon. Qui plus est, quand le véhicule du «stunt» fait corps avec l'origine de la mobilisation, soit la présentation de l'Euro, c'est encore mieux. 

Il n'y a pas de morale à cette histoire, sauf peut-être l'importance de se donner le droit de réellement envisager toutes les solutions quand on veut changer les choses. La paresse intellectuelle ne rapportera jamais autant de dividendes que l'audace, et si jamais votre audace ne paie pas, rassérénez-vous en vous disant que vous aurez essayé, que vous incarnez le courage et que la prochaine fois sera probablement la bonne.

mercredi 22 février 2012

La stratégie de l'idiot


Quand les budgets sont restreints et que les objectifs restent ambitieux, la seule issue est la créativité, à défaut de quoi on se fond dans la masse en annonceur de second ordre. Plusieurs marques empruntent alors la voie de la controverse ou de la stupidité pour attirer sur elles les projecteurs et espérer augmenter leurs ventes. Peu réussissent à flirter habilement avec la fine ligne qui sépare le bon goût et le respect de la démagogie et du préjudice. La marque de vodka Wodka, particulièrement présente dans la région de New York, n'y va pas de main morte. Concept stupide infiniment déclinable pour un maximum d'exposition médiatique négative. De la publicité de lobotomisés qui vise les amateurs de vodka qui «goutte bon dans la bouche», mais pas cher pas cher.

La stratégie de création est assez simple: opposer la qualité du produit à son bas prix. On a ainsi comparé cette vodka à un homard et son prix à une bisque, idée facile. Ensuite, on est passé en deuxième vitesse en comparant sa qualité à celle de Noël, puis son prix à la fête juive Hanoucca, provocant à New York un tollé de protestations, notamment de la communauté juive, qui a mené au retrait des panneaux d'affichage extérieur. Mais ce n'était qu'un début. Wodka vient tout juste de récidiver avec une déclinaison misogyne et totalement vulgaire de son concept, comparant la qualité du produit à une escorte de luxe et son prix à une prostituée de rue. La preuve qu'un annonceur qui le veut vraiment peut toujours se dépasser…

Ici au Québec, la stratégie de l'idiotie est souvent empruntée par des marques relativement présentes dans les médias. Le hic, c'est qu'elles n'arrivent même pas à choquer et demeurent simplement nulles. Des exemples? Qualinet, Léon et Brault et Martineau, pour ne nommer que celles-ci. Est-ce payant de véhiculer une personnalité de la marque qui s'apparente à une maladie mentale? Peut-être si on vise une relation dans laquelle le client viendra acheter parce qu'il aura l'impression de berner une entreprise pas très dotée côté ciboulot, mais honnêtement, cette hypothèse reste étrange. Je persiste et je signe: de faire parler en mal de sa marque en se disant que ce sera suffisant ne tient plus la route. La réussite ne se résume plus à la position en tête de liste dans la tête d'un prospect. On vise ici une appréciation qualitative qu'aucune fréquence média ne pourra engranger, pas plus qu'une approche créative digne du paléolithique. En fait, la question est simple: aimeriez-vous projeter votre identité intime dans une marque qui vous renverrait l'image d'un ivrogne sans classe? La stratégie de l'idiot, globalement et à long terme, ne paie pas. C'est un mythe. Merci à mon vieux chum Jief pour le tuyau.


dimanche 19 février 2012

Vingt-quatre mois


FacteurPub vient tout juste de célébrer discrètement son deuxième anniversaire. C'est à ce jour une compilation de deux cent quarante-quatre billets, produits un jour à la fois, un mois à la fois. Parfois des billets personnels, très même, qui témoignent de mon expérience de vie, parfois des critiques négatives, souvent très positives aussi, mais toujours beaucoup de découvertes. C'est devenu un amalgame qui représente assez fidèlement ma vision du milieu de la publicité et de ses enjeux. FacteurPub, c'est un lectorat en hausse constante, des commentaires pertinents, ici, mais aussi sur Twitter et sur Facebook. C'est une base d'ambassadeurs (vous vous connaissez) sans lesquels mes billets n'auraient jamais pu transposer le fameux concept de la «longue traîne» de Chris Anderson. Des billets qui ont, à ma grande surprise, parfois pavé la voie à certaines de mes collaborations à la télévision ou à la radio, qui ont éclaté les frontières, mais qui, et c'est ce qui me surprend toujours, vivent désormais par eux-même dans cet univers où les affinités et les goûts des internautes sont canalisés par les algorithmes de Google.

FacteurPub, c'est encore un bébé et je ne cesse d'être surpris par ce qu'il m'apporte, autant d'un point de vue personnel que professionnel. Ça me demande beaucoup mais je ne saurais vivre sans. Vingt-quatre, c'est plus que des mois, c'est un dénominateur, ça représente autant d'états d'âmes, d'apprentissages, d'émotions fortes, mais avant tout, un moyen privilégié d'avoir été mis en relation avec avec vous depuis deux ans, humblement, à ma manière. Merci d'être là. 

mercredi 15 février 2012

La société Zantac



Notre belle société est à l'image des publicités de Zantac. Elle croule dans ses mauvaises habitudes sans trop en ressentir les conséquences. Mais ne vous détrompez pas, elle pourrit de l'intérieur comme ceux qui s'empiffrent de restauration rapide et qui annihilent leurs brûlures d'estomac en s'enfilant des comprimés de Zantac comme des Smarties.

L'anti-intellectualisme fait rage. C'est le cancer du colon de notre époque. De la paresse systématisée. On se gave de raisonnements faciles et de cynisme. Pendant ce temps, on laisse un régime rétrograde et climatosceptique pourri par l'idéologie se payer des parties gratuites de Reaganomics et de Law and Order sur le dos des générations futures. 

Bientôt, le Zantac ne fera plus effet et les symptômes deviendront insupportables. Entre temps, célébrons ce soir avec nos imbéciles heureux conservateurs l'adoption de la loi C-19 abolissant le registre des armes d'épaules et anticipons avec enthousiasme le prochain gala dominical de Star Académie. Go Bryan Go!

lundi 13 février 2012

Plaisir astronomique


Rarement une campagne ne m'aura procuré autant de plaisir. L'utilisation de la dérision et du décalage humoristique en publicité, surtout quand c'est effectué en mode absurde, équivaut à jouer à l'équilibriste sur un fil instable, particulièrement quand on vend un produit de consommation courante. L'humour, on le sait, peut être le plus polarisant des registres. Alors quand vous y ajoutez une critique deuxième degré de l'univers télévisuel de la bouffe, un monde qui se prend souvent très au sérieux, et que comble de l'audace, vous mettez de l'avant des personnages féminins caricaturaux et naïfs, là, vous risquez réellement très gros. Vous risquez carrément l'opprobre. Mais Plaisirs Gastronomiques, après cinq ans d'absence (est-ce moi ou j'ai l'impression que la première campagne a été créée hier?), revient en ondes avec six messages encore une fois signés Sid Lee. La marque bonifie son approche à un niveau qui frôle le délire, au plus grand plaisir des téléspectateurs blasés par les publicités insipides de nombreux annonceurs obnubilés par leur nombril, au détriment de l'efficacité de leur marque. Ici, au contraire, on sent que la marque s'oublie au profit de sa cible. 

On a souvent, moi le premier, décrié l'utilisation de l'homme stupide et niais en publicité québécoise. Dans cette campagne, on a affaire à un faux cave, à un personnage qui joue grassement sur les allusions sexuelles et sur la facilité pour obtenir ce qu'il désire: des femmes. Et vous savez quoi? Il réussit! La facilité comme bénéfice directement lié à la séduction n'aura jamais été exploitée de manière aussi intelligente. Tellement gros que rien ne peut être pris au sérieux. Le genre de campagne qui, si elle avait été américaine, déferlerait présentement sur la planète comme un tsunami viral. 

Ces six publicités, lancées simultanément, ont provoqué un effet très puissant. On sent la marque omniprésente, mais plus encore, on a l'impression de ne jamais en avoir terminé avec cette dernière. Le niveau de réalisation de Simon-Olivier Fecteau témoigne d'une grande maîtrise du punch et de la concision, aussi stratégique que déglinguée. La direction artistique est manucurée. Jamais la marque n'est signée de la même façon. Vous n'avez pas idée à quel point il peut être ardu de développer un univers cohérent, kitch et totalement versatile. Les situations valorisent les produits mais n'exploitent jamais vraiment leurs qualités gustatives, ce qui est aussi très rare en alimentation. Pas de prix, ni d'allusion à ce dernier. Que du divertissement. Pur. Réussi. 

Je suis convaincu que certaines personnes détestent ces publicités, c'est une évidence, car comme je le mentionnais, l'humour polarise. Mais si elles comblent autant que moi ne serait-ce que 70% de la cible, ce sera un pari absolument relevé car le lien émotionnel et la position en tête de liste seront assurés, ne serait-ce que pour avoir accès à une suite publicitaire avant cinq ans. Une base de clients passionnés, même si elle est réduite, vaut cent fois plus que l'indifférence relative de la masse. On parle ici d'ambassadeurs actifs de la marque. Enfin, bon visionnement, car vraiment, pour moi, c'est un plaisir astronomique.

Et vous, quel est votre message préféré? Oseriez-vous tenter de deviner quel est le mien?



mercredi 8 février 2012

Pas une option



Qui n'a jamais pensé, à un moment ou à un autre, d'une manière ou d'une autre, à un niveau ou à un autre, que de mettre fin à ses jours soulagerait sa douleur? Oui, cette douleur émotionnelle si intense, ancrée dans le refus de la canaliser, bloquée, cette douleur qui crispe les muscles et qui provoque l'impulsivité extrême à la soulager, peu importe comment, cette douleur qui semble si insignifiante perçue de l'extérieur mais qui avale toute l'énergie de ceux qui qui la subissent. Cette ceinture de souffrance située entre le coeur et le ventre est la plus insoutenable sensation que puisse endurer un être humain, car sa source est trop souvent floue pour celui ou celle qui la ressent, de là l'absence d'espoir. Une source tellement collée à la peau qu'il devient pratiquement impossible de se donner assez de recul pour l'identifier, la comprendre, lui donner un nom et peut-être, un jour, l'accepter et la désamorcer. C'est là que l'aide extérieure, objective, systématique, entre en ligne de compte. Ici, les proches n'y peuvent trop souvent rien. Mais un parfait étranger qualifié, professionnel, détaché, détient probablement la bougie d'allumage d'un mécanisme qui mènera le souffrant à trouver sa clé. Sa solution. Sa recette pour recommencer à respirer par le ventre, à expirer lentement, à sortir le méchant sans avoir peur du vide. Cet étranger est le psychologue.

Malheureusement, encore trop de gens qui souffrent de leurs émotions en viennent à passer à l'acte irrémédiable, le suicide, cet Hiroshima comme le dit si courageusement le père de Mathieu dans la vidéo montrée en intro, qui est signée par l'Ordre des psychologues du Québec. La campagne Pas une option, lancée par l'Association québécoise de prévention du suicide et qui s'inscrit dans le cadre de la Semaine de prévention du suicide qui se termine le 12 février, dans laquelle mon agence ou moi-même n'avons aucun intérêt, n'est pas un luxe: c'est une nécessité. Il faut en parler. Il faut y adhérer en signant en ligne sa déclaration. Il faut collectivement en faire un sujet qui dépassera la cause du mois. 

Des vies sont à sauver. Une à la fois, désamorçons ensemble ces bombes à retardement en incitant fortement, inlassablement, ceux que nous savons dépressifs et désespérés, à consulter, à demander de l'aide. La vie est plus qu'un dogme, c'est une responsabilité envers ceux qui nous aiment. C'est aussi une infinité de possibilités. Mais c'est surtout la liberté de s'affranchir de ses chaînes, lentement, un souffle à la fois.

lundi 6 février 2012

La symbiose


Ma publicité préférée du dernier Superbowl n'est pas la plus drôle. Ni la plus percutante. Ce n'est pas une publicité qui met en vedette un artiste de la musique pop ou une top modèle. Pas plus qu'un dénouement qui nous transporte dans une 4e dimension. Ma publicité préférée ne comporte pas de prouesse technique ni d'animation. C'est un exercice qui met à l'avant-plan les aspirations d'une nation à se sortir définitivement de la crise. C'est un message dont le coeur est aussi en osmose avec la nature même de ce qu'est un match de football, et par osmose j'entends les concepts de persévérance, de résilience, d'espoir, de solidarité, de fierté. Ma publicité préférée du dernier Superbowl est une publicité décriée par certains républicains, dont l'éminent stratège Karl Rove, docteur Evil pour les intimes. C'est là la preuve indubitable qu'elle fonctionne à merveille. C'est la publicité de Chrysler.

Pourquoi?  Tout simplement parce qu'elle déborde du cadre de la marque pour s'arrimer avec le contexte sociologique et politique dans lequel nos voisins du sud évoluent présentement, avec tout ce que ça représente comme écueils. C'est une stratégie de création aussi arrogante que payante, car on s'attribue la reprise économique, on devient les manches que doivent se relever toute une nation, on se fond avec notre cible pour qu'elle devienne une composante essentielle de la marque. Or, la marque, ici, c'est plus que Chrysler, c'est le rêve américain avec tout ce qu'il contient de symboles et de valeurs. Cette stratégie reste également une diversion parfaite lors d'un événement où l'humour prime. Une magnifique occasion d'imprégner nos cibles d'une émotion unique.

Et pour transposer ce rêve, cette prise de conscience, ce positionnement irrésistiblement états-unien, qui de mieux que l'incarnation même de la virilité et de l'importance de demeurer les deux pieds sur terre ? C'est ça. Clint Eastwood incarne tout ça. C'est un républicain notoire qui s'élève au-dessus de la mêlée politique en devenant la voix rassembleuse de l'ensemble du secteur automobile, mais plus précisément celle de Chrysler, qui avait déjà l'an dernier annoncé ses couleurs avec une publicité vibrante qui mettait en vedette un Eminem sobrement efficace. «Importé de Détroit», c'est plus qu'une signature, c'est un rehaussement immédiat de la perception des véhicules conçus à Motor City par l'entremise d'une allusion indirecte au prestige des voiture importées. On dira à raison que cette entreprise sauvée à coups de milliards par les fonds publics et pratiquement avalée par l'italienne Fiat, se la joue plus authentique que sa réalité. N'empêche, avoir été le stratège de marque de l'entreprise, c'est exactement là où j'aurais aimé l'amener: en symbiose avec son marché, au-delà du goût du jour ou du dernier modèle à la mode, au-delà des considérations environnementales ou technologiques, au delà du design, bref, directement dans les tripes de l'Américain moyen.


jeudi 2 février 2012

Le bal des hypocrites


Le Superbowl XLVI arrive à grands pas ce dimanche. C'est probablement la plus grande vitrine publicitaire des marques américaines et globales. C'est aussi un univers où les attentes du consommateur vis-à-vis de la créativité sont très hautes, car on a élevé l'événement au rang de Saint-Graal de la publicité. Un pinacle que peu de marques peuvent se permettre, à 3,5 millions de dollars le 30 secondes. Un club très sélect façonné par des sagas publicitaires, de la fameuse 1984 de Apple à la The Force de Volkswagen l'an dernier, en passant par les très référentielles et incontournables publicités de Bud Light, années après années. Le Superbowl reste donc plus qu'un événement sportif: c'est une grande publicité pour le secteur de la publicité en soi. Un metaévénement qui dépasse nettement les frontières du sport télévisé.

Mais qu'en est-il du reste de l'année? Des sempiternelles publicités plates diffusées dans les réseaux américains au jour le jour? Pourquoi la clientèle du Superbowl, très diversifiée et pas nécessairement plus éduquée ou raffinée que la moyenne, aurait-elle droit à la crème de la crème tandis que les autres doivent se résigner au petit lait? Pourquoi les publicités dites «créatives», s'estompent-elles pour des versions insipides le dernier coup le sifflet terminé? Est-ce qu'une présence publicitaire lors du Superbowl ne représenterait finalement qu'un énoncé de puissance de la marque aux yeux du consommateur, une puissance affirmée par des millions de dollars en investissement média et par une fortune investie dans la production même du message? Une sorte de leurre superficiel fondé sur les moyens et un humour percutant?

Ça me fait toujours un peu rire de constater cet intérêt soudain pour la publicité de la part de plusieurs personnes qui n'en n'ont rien à cirer le reste de l'année. Après tout, le Superbowl, c'est la saveur du mois, comme Noël, comme un spectacle de U2, comme la canicule en juillet. C'est aussi l'apologie du consumérisme maquillé, voire même le bal des hypocrites pour toutes ces marques pour qui le divertissement publicitaire ne représente qu'une robe qu'on ose porter qu'une fois par année, entre deux pointes de pizza rotées à la suite d'une ingestion massive de bière «cheap», le tout sur un fond bien gras de nachos gratinés laissés trop longtemps au four et dont la salsa ne mérite même pas le nom. Mais bon, allons, rions, c'est l'heure!

Je vous laisse sur ma sélection de quelques publicités intéressantes qui devraient être diffusées ce dimanche, une gracieuseté de mon pote et collègue Normand Boulanger. Et pour ceux que ça intéresse, je devrais discuter de ce sujet sur le ondes de LCN ce dimanche vers 13h…







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