mercredi 31 octobre 2012

Dans la gorge


Quand je me rends à l'agence le matin en prenant le métro, je suis dans ma bulle. Faut me comprendre, comme plusieurs d'entre vous, je ne suis pas une personne du matin. Mon humeur est très variable entre 7h et 11h. Par la suite ça s'améliore. J'ai toujours été comme ça. Donc dans ma bulle, concentré sur la translation de ma carcasse vers cet univers impersonnel mais si pratique (quand il n'y a pas de panne) qu'est le métro de Montréal. En arrivant sur le parvis de la station, ça se bouscule un peu. De longs autobus se mêlent aux autos pour alimenter la station en usagers, comme une fourmilière. Certains, comme moi, ont la chance de se rendre à la station à pieds. Le civisme doit régner quand autant de gens franchissent si rapidement les portes et les tourniquets, et il règne généralement, quoique rien n'est et ne sera jamais parfait. Donc je suis dans ma bulle, c'est plein de monde, seuls ensemble comme le chantait Daniel Bélanger, quand nous sommes tout à coup obstrués par des gens qui ont comme travail quotidien de nous distribuer des journaux gratuits ou des quotidiens offerts gratuitement pour la journée. Leur rôle est à la fois primordial pour les journaux et nuisible pour moi. Et je ne suis pas seul.

J'ai toujours cru à la logique implacable de la loi de l'intérêt en affaires. Sans intérêt, il n'y a pas de vente, pas de passage à l'action. L'offre de toute entreprise doit répondre à un intérêt, canaliser un besoin, bref, se fonder sur du solide. Le marketing et la publicité agissent comme des «facilitateurs», mais nous les publicitaires savons plus que quiconque que sans un produit ou un service solide en amont, aucun beau discours n'aura d'impact réel à long terme sur les résultats de vente d'une entreprise. On ne peut pas imposer un produit ou un service à un client, qu'il soit gratuit ou pas. Dans le monde des publications imprimées, bien au-delà des tactiques de distribution et de positionnement en points de vente, c'est cette même loi de l'intérêt qui prime. Si un journal ne répond pas à mes attentes et ne sait pas mériter mon attention, pour ensuite revendre mes regards à ses annonceurs, rien n'y fera. Pas même 4 ou 5 personnes qui me bloquent le chemin et m'obligent à refuser leur offre, ou encore pire, m'amènent implicitement à être rustre en les ignorant. Qu'ils soient dehors ou à l'intérieur de la station m'importe guère, je n'en veux pas de leur torchon et c'est mon droit! En connaissez-vous plusieurs catégories de produits qui forcent l'attention du consommateur en violant l'intégrité de sa bulle le matin? Je me considère, je nous considère comme infiniment plus que des têtes de bétail que l'on utilise pour vendre de la pub en gonflant des statistiques de portée et de distribution. Nous vallons mieux. Sommes-nous à ce point dénués de jugement? Si ces journaux ne peuvent pas survivre sans nous agresser, qu'ils crèvent!

Quand j'étais jeune, on pouvait choisir, je dis bien choisir, de prendre dans leurs présentoirs respectifs des journaux comme le Voir (toujours vivant), comme feu le Mirror et comme bien d'autres. Jamais je ne croirai que des présentoirs bien en vue et bien alimentés ne suffisent pas aux usagers du métro de Montréal. Il y a 20 ans, je choisissais de lire le Voir car son contenu me touchait, par intérêt. Là, en désirant me pousser dans la gorge l'un des journaux offerts dans les stations, j'ai l'impression d'être exploité. Or, ce pouvoir, j'ai décidé de ne pas le concéder. Mais ça me coûte injustement, à presque chaque matin, un instant de frustration qui frôle l'éternel.

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