dimanche 5 juin 2011

Le syndrome de l'homme niais - prise 2

J'ai lu pendant mes vacances ce billet de Patrick Lagacé, en réponse à une analyse de Robert Darlington, professeur en psychologie au collège de Saint-Jérôme et aussi directement en lien avec ce billet du mois dernier, qui m'avait valu plusieurs commentaires, tout comme une entrevue sur les ondes de CHOI à Québec. Ça concerne le rôle qu'on donne aux hommes dans la publicité québécoise. Je pense que Patrick a sensiblement raison sur le fond, mais je crois aussi que, dans son élan de réalisme, il a évacué certaines notions fondamentales et sous-estimées concernant le rôle du publicitaire en 2011, soit l'éthique et l'honnêteté, et là je ne parle pas de bons sentiments, mais bien d'intérêt brut. Dans un environnement si encombré de publicités insignifiantes, les marques ont grand intérêt à être respectueuses de l'intelligence du consommateur. Elles gagnent à être plus responsables. Le mot-clé ici, c'est INTÉRÊT. Car je serais bien naïf de croire à une vocation à saveur sociale des publicitaires québécois, moi le premier.


Montrer des filles dénudées de 18 ans et un jour qui ont l'air d'en avoir 16, pour vendre des jeans, quand on vise des jeunes filles de 13 ou 14 ans, c'est à peu près légal. On peut très bien le faire. On peut très bien véhiculer des modèles hypersexués et nier une certaine responsabilité envers les mineurs, comme on peut montrer systématiquement des hommes dingos ou des pères rabroués, sans jugement. Je le redis, tout ça n'a rien à avoir avec les lois. Est-ce qu'on pourrait tout autant diffuser des représentations plus justes et constructives? Absolument. Est-ce qu'on pourrait plus souvent montrer des filles équilibrées et saines qui aiment le hockey, par exemple, comme c'est le cas dans mon entourage? Oui. Est-ce que les hommes pourraient être montrés globalement comme ils sont? Oui encore. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas grossir certains traits à des fins humoristiques. En fait, je crois que l'efficacité publicitaire est directement reliée à la faculté du consommateur de se projeter dans certaines situations ou de se mettre dans la peau d'un protagoniste, de l'envier, et non de rire d'une situation où un individu est rabroué. C'est là je crois que ça se joue. De respecter l'intelligence du consommateur, c'est lui envoyer implicitement un signal clair: «je suis ton complice, je te comprends, je connais ta réalité et mon produit en tient compte plus que tout autre, il te rend différent, en mieux, aux yeux des autres». Donc, en gros, c'est rentable d'être responsable. Je parle d'éthique et d'intérêt. De pragmatisme.


Pourquoi alors continuer à voir sur nos écrans des publicités qui demeurent à l'âge de pierre sur le plan sociologique et psychologique? Je crois que c'est dû principalement à de la paresse intellectuelle, tant de la part de certains créatifs que de certains annonceurs qui n'y comprennent pas grand chose et qui préfèrent perpétuer des pratiques, des «recettes», qu'ils croient rentables car certains indicateurs semblent le démontrer. Cette peur de faire autrement leur fait perdre une opportunité de faire sonner les caisses d'autant plus, mais c'est une avenue trop peu souvent empruntée. On ne parle pas de dire ou non la vérité, la publicité maquillera toujours celle-ci et Patrick a entièrement raison sur ce point, mais bien de jouer le jeu avec un peu plus de jugement, de discernement, en faisant usage de créativité sensible, dans l'intérêt de tous. À débuter par celui de nos enfants.

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