lundi 21 janvier 2013

Les nuits fauves



Une marque majeure doit impérativement se positionner dans la quête existentielle de sa cible primaire. Si elle arrive à étancher ne serait-ce qu'une parcelle de cette soif de vivre, c'est qu'elle se sera placée au centre, décuplant ainsi la valeur à vie des clients, teintant leur identité et leur quotidien. 

Nous sommes tous ombre et lumière, à l'image des jours et des nuits qui façonnent nos vies. Nous sommes pulsions et réflexions, accumulations et relâchements. S'imbiber de l'énergie de la nuit, c'est accepter et assumer sa noirceur. La jeunesse se gave de la nuit, les nourrissons la défient, les insomniaques la subissent: je n'ai pas beaucoup d'affinités avec ceux qui l'abandonnent systématiquement au sommeil en se suffisant du soleil. J'aime la nuit contrastée, colorée par les revers de fortune et les perversions, par les envies et la désintégration des inhibitions. La nuit trahit ce qui nous rend humain: nos imperfections et nos vulnérabilités. Elle projette aussi en ombres chinoises notre besoin primaire de briser la solitude de notre corps, de le combler, de le placer au centre, décuplant ainsi la valeur de chaque seconde qui passe, teintant violemment les instants comme les fauvistes d'un trait de couleur assassin. J'aime la nuit, de Braque à Derain.

Avec cette publicité lancée il y a pratiquement un an et qui était passée sous mon radar, Puma lance un appel criant de vérité en faveur d'une réappropriation de la nuit. La jeunesse qu'elle vise, dans un contexte de contre-culture propre à la marque, se sentira parfaitement interpelée, en rupture évidente avec les dictats des médias sociaux d'un monde masquant mal sa superficialité. La tonalité est habile, la progression assez contenue mais néanmoins efficace; la direction artistique et le traitement de l'image transmettent avec talent et réalisme l'esthétisme de la nuit. Une belle exécution, aussi pertinente que performante, que seules les marques assez établies pour évacuer leur produit peuvent se permettre en certaines occasions.

Cette pub de Puma m'a rappelé un certain Cyril Collard, qui louangeait avec une lucidité exceptionnelle sa part d'ombre dans Les nuits fauves, son film phare et autobiographique de 1992, avant de mourir, à 35 ans, 3 jours avant la consécration de son oeuvre aux César du cinéma. Ma génération a été profondément troublée par la nuit et ses dangers, mais même si je suis rendu à 41 ans, je n'accepte pas de l'abandonner aux jeunes. La nuit est pour moi synonyme de créativité, de liberté, c'est beaucoup ma vie.


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