mercredi 2 novembre 2011

Le nombril



La concurrence est féroce chez les organismes caritatifs pour s'accaparer l'attention de la population. Ces causes sociales sont toutes valables. L'avancement de la science et de l'accessibilité aux soins et services dépend des dons perçus. Les causes qui réussissent le mieux sont celles qui savent attendrir les coeurs et stimuler la motivation. Or, au-delà des liens qui nous unissent naturellement à une cause, que ce soit par notre expérience personnelle ou par celle d'un proche ayant vécu une épreuve, nous sommes tous sensibles à l'image que nous projetons. La campagne Movember, qui vise à sensibiliser la population au cancer de la prostate, tout en levant un maximum de fonds, joue exactement sur cette corde. Vous, messieurs, devenez la vedette de la campagne. Enfin une partie de vous, votre moustache. Vous comprendrez que cette offensive est fondée sur les sommes recueillies par des hommes qui se laissent pousser la moustache.

L'une des clés de la réussite d'une campagne de levée de fonds réside dans l'implication des grandes entreprises et de leurs milliers d'employés. Ces «micro-campagnes» dans la «méta-campagne» permettent, en stimulant la concurrence entre employés, dans un contexte ludique, de maximiser le rendement tout en diminuant les coûts de déploiement. C'est une formule gagnante pour toutes les parties prenantes: les entreprises en retirent un certain capital de sympathie en affichant leur soutien pour ladite cause au grand public par l'entremise de leurs canaux de communication, les individus sont placés sous le feu des projecteurs et l'organisme engrange un maximum de capitaux. C'est exactement ce qu'a fait la division Rickard's Quebec de la brasserie Molson Coors en lançant une compétition entre moustachus sur les médias sociaux. Sympathique, très bien fait, un bel exercice.

Tout ça est bien beau mais me laisse perplexe. Les causes «performent» souvent en fonction de leur niveau d'innovation dans une jungle médiatique encombrée. Certaines peinent à tirer leur épingle du jeu, même si elles demeurent tout aussi méritantes, tandis que d'autres recueillent plus que leur juste part du pactole. C'est au plus fort la poche. Movember a vu décupler ses appuis depuis deux ans, mais est-ce pour les bonnes raisons? Je ne crois pas. Mais il faut convenir d'une chose: c'est très habile de faire de nos moustachus des vedettes des médias sociaux en jouant sur l'image. Ça demande un minimum d'implication et ça rapporte un maximum d'exposition. Tout à l'image d'une société axée sur l'image et la quête d'une gloire instantanée. Dans ma société idéale, ces organismes seraient inutiles car le gouvernement ferait son travail. Ce n'est malheureusement pas le cas. Nous préférons le bordel actuel. Nous préférons payer moins d'impôt et choisir nos causes. Nous préférons laisser à des entreprises privées centrées sur leurs objectifs de communication le choix de financer une cause plutôt qu'une autre, au gré du vent et des modes. Nous préférons présentement les moustaches, l'an prochain ce sera peut-être autre chose. Mais au fond, ce que nous préférons vraiment, c'est de rester centrés sur notre nombril.

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