jeudi 28 juin 2012

La pression sociale



Devenir avocat comme papa. Avoir les dents parfaitement droites à 16 ans. Porter des Manolo Blahnik lors d'un cocktail branché. S'entraîner à perdre haleine pour fondre de 5 livres quand on mesure 5 pieds 8 et que l'on en pèse 128. Jouer au football quand on préfère la danse contemporaine. Caler sa bière à en avoir les yeux qui coulent et vomir par la suite… Les exemples pullulent. La pression sociale est partout et ses effets sont pernicieux, voire même dévastateurs. Les marques investissent des milliards de dollars pour nous faire entrer dans un moule qui les dessert. Au détriment de notre santé. De nos aspirations intimes. De nos rêves débridés. Au détriment de ce que nous sommes, des êtres profondément uniques. 

Aux États-Unis, les filles pratiquent moins de sport que les gars à partir de l'âge de 14 ans, c'est un fait documenté. Avant ça, c'est pareil pour les deux sexes. Après ça, plus rien n'est pareil. Certains diront que c'est attribuable au caractère génétique féminin, que ça relève de notre évolution, que les hommes sont programmés pour chasser et les femmes pour materner. Je n'en crois rien. J'opte plutôt pour la théorie de Gatorade dans cette dernière publicité qui vise l'égalité entre les sexes dans la pratique du sport: les filles se désistent de manière importante à partir de 14 ans car elles consacrent beaucoup de temps à correspondre au modèle qu'on leur pousse dans la gorge. Elles s'investissent dans une mission complexe, celle d'être belles et désirables selon les paramètres qu'on leur dicte partout.

Ça fait 40 ans que la constitution américaine interdit toute forme de discrimination sur la base du sexe dans les programmes d'éducation soutenus par l'État. L'amendement à la constitution s'appelle «Titre IX» (http://fr.wikipedia.org/wiki/Titre_IX). Mais à quoi bon inscrire un droit dans une constitution s'il est attaqué de tous bords tous côtés? Lee Clow et sa bande chez TBWA/Chiat/Day Los Angeles viennent de lancer un contrepoids intéressant avec cette publicité. Le lien avec le chef d'oeuvre absolu 1984 est palpable. Leur paternité ne peut être niée.

Nous devons tous faire notre part au quotidien pour immuniser nos jeunes contre les signaux qu'ils reçoivent et interprètent comme la «normalité». C'est un travail de longue haleine qui arborera souvent le visage de l'échec, mais j'y crois. Les jeunes sont intelligents et même s'ils donnent souvent l'impression de rejeter nos apprentissages, la crème finit toujours par remonter à la surface. Résister à la pression sociale, c'est se donner une réelle chance de s'inscrire dans le continuum de l'évolution avec ce que nous avons de plus beau: notre singularité.

lundi 25 juin 2012

Le suicide publicitaire



La publicité est une arme à double tranchant. Autant elle peut alimenter positivement la demande en donnant une couleur, voire une aura unique à une marque, autant elle peut agir à la manière d'un yatagan sur la gorge d'un soldat ottoman. Dans ce contexte, la publicité sera pitoyable à tous les niveaux: tonalité inappropriée, interprétation bâclée, concept absent ou simpliste, enfin, vous me comprenez. Ces publicités sont souvent le fruit d'une planification stratégique qui relève de l'astrologie, car elle n'est fondée que sur une vague intuition ou sur les offres faussement alléchantes que certains médias mettent de l'avant pour combler leurs inventaires, en approchant directement des pme pas très futées en matière publicitaire. Le cas qui nous occupe ici semble faire partie de cette catégorie. 

Il s'agit d'une fausse bonne idée. C'est un assemblage maladroit et impertinent pour la cible visée constitué d'une référence à la crise sociale actuelle (les manifs de casseroles), jumelée à une tonalité empruntée à une vision obsolète de l'adolescence («Super hot, cool et sexy»). C'est tout simplement un gâchis sur tous les plans, de l'idéation à la rédaction en passant par l'interprétation et la réalisation. Voilà une preuve flagrante qu'on ne s'improvise pas publicitaire. Si vous possédez une PME et que vous ne pouvez pas vous empêcher de vouloir faire vous-même votre publicité, je vous propose plutôt de réécouter en boucle Claude Dubois vous chanter «j'aurais voulu être un artiste», tiré de son célèbre Blues du Businessman. Si la pulsion ne s'estompe pas après quelques écoutes, de grâce, allez consulter. Ce sera de loin le meilleur investissement de votre vie. Car la résultante de faire soi-même sa publicité vous coûtera assurément plus, infiniment plus. Vous n'avez pas idée. L'auberge Les trois tilleuls, un établissement dont la réputation a déjà été enviable, s'est pour sa part retrouvée avec une image «digne du motel Chez Yvonne», comme me le soulignait justement Claude Dutil, le président de mon agence. C'est toujours stupéfiant de voir des messages aussi malhabiles et franchement mauvais se faufiler jusque sur nos écrans. 

La publicité télévisée, avec la multiplication des chaînes spécialisées, n'a peut-être jamais été aussi accessible aux petits annonceurs et c'est parfait ainsi. N'en demeure pas moins qu'avant de s'investir sur cette voie, un travail objectif de professionnel doit être effectué en analyse, stratégie et négociation média. Pour le reste, si vous ne croyez à la pertinence de faire appel à une agence de publicité pour la création, ayez au moins la pudeur d'engager des pigistes qualifiés. Car voyez-vous, les suicides publicitaires représentent des expériences aussi pénibles à vivre pour les téléspectateurs que pour les entreprises qui en subissent directement les conséquences. Ce sont des précipices faciles à éviter même si certains, par souci d'économie ou par narcissisme, se sentent irrésistiblement attirés par la chute.

mercredi 20 juin 2012

Se fondre


L'Olympique de Marseille, club de soccer, l'OM pour les intimes, est une organisation culte à Marseille. Un culte comparable à celui de nos Canadiens. Le slogan des partisans, «Allez l'OM», a été magnifiquement véhiculé dans le film Le dîner de con. On ne badine pas avec l'OM. C'est du sérieux. 

Pour toute marque dont la clientèle ciblée est compatible avec celle de ce club de foot, trouver un moyen de s'accaparer le capital «émotionnel» du club représente une opportunité énorme. En cette matière, le maillage entre grandes marques et soccer professionnel est beaucoup plus visible en Europe qu'il ne l'est ici avec le hockey, et c'est particulièrement attribuable à la présence de logos sur les maillots, ce qui représenterait une hérésie pour un fan des Habs. Pour tout le reste, l'exploitation des partenariats relève de la créativité dans le cadre balisé des ententes entre les grandes entreprises et les équipes sportives.

Et là, déambulant lentement sur le pourtour de Marseille il y a une dizaine de jours, sur la corniche du Président John F. Kennedy pour être plus précis, le quartier du Vieux-Port étant en refonte complète, je tombe par hasard sur cette magnifique murale sur mesure de Coca-Cola, qui illustre parfaitement le potentiel que peut atteindre une exécution publicitaire étoffée en affichage extérieur. 

Contraste des couleurs pour attirer l'attention et fondre symboliquement le club et son univers de valeurs dans la bouteille, positionnement stratégique des logos, des slogans, illustration synthétisée de la réalité géographique de Marseille comme de l'engouement et de l'énergie que déploient les partisans, le tout surplombé par la bienveillante basilique Notre-Dame-de-la-Garde et sa bonne étoile, en parfaite harmonie avec la forme du bâtiment. Tout y est. Encore plus impressionnant sur place qu'en photo, croyez-moi.

En résulte une publicité qui intègre parfaitement le contexte culturel local à la marque Coke pour amplifier son rendement, en maximisant sa pertinence. De la personnalisation à l'échelle de cette métropole de Provence, spectaculaire illustration de ce que la pub peut faire quand elle prend la peine de se fixer sur la réalité de ceux qu'elle veut séduire.

dimanche 17 juin 2012

La soif



J'ai été foudroyé par cette pub lors de l'écoute du premier match de la France à l'Euro 2012 sur TF1. Enfin, c'était la version 15 secondes de ce film. Rien en pub ne s'y approche présentement. Parce que Perrier, dans un traitement aussi sophistiqué qu'efficace, manipule à son avantage un symbole phare de la vie, le soleil, et ce à plusieurs niveaux.

Premier niveau: il fait chaud, je suis déshydraté, Perrier étanche ma soif. Évocation du bénéfice produit primaire.

Deuxième niveau: dans un monde au climat déréglé, Perrier se fout des riches et des puissants, c'est une marque indépendante d'esprit, résolument française mais transculturelle dans ses marchés, une marque qui fera à sa tête tout en étant socialement responsable en bout de ligne.

Troisième niveau: Perrier est une marque puissante et tendance qui alimente l'estime de soi par association, une seule goutte suffit pour régler le sort du monde, on dépend d'elle plus qu'elle n'a besoin de nous. L'inversion du pouvoir se veut un incitatif inconscient. Ici, on fait tout sauf quémander l'achat au consommateur par des situations bêtes de la vie de tous les jours. La marque est au-dessus de la mêlée. 

Perrier est une femme forte, incarnation de la santé, de la minceur. C'est une beauté décidée, elle incarne la vie. Dans une allégorie qui rappelle autant Kubrick que l'esthétisme cinématographique français, Ogilvy Paris frappe un grand coup. De l'art commercial à son meilleur, qui évoque la toute-puissance culturelle de l'hexagone tout en positionnant la marque dans un champs qui lui est propre. Une publicité tellement léchée qu'elle nous donne soif de… Perrier.

Merci au pote Thomas Bastien de Morin Relations Publiques de m'avoir aiguillé sur cette version longue.

mercredi 13 juin 2012

La roue qui tourne

Revenir de vacances a toujours été pour moi une épreuve à surmonter, un cocktail pas très agréable de nostalgie, de mélancolie et d'angoisses. Car voyez-vous, j'ai la fâcheuse habitude de m'en mettre beaucoup sur les épaules, de là l'effet pas toujours agréable de ressentir à nouveau le poids de la charge après quelques semaines de légèreté. Je reviens de superbes vacances en Camargue et en Provence, entremêlées de plages sauvages, d'histoire, de bons vins, d'amitiés et de la fierté intense de voir mon grand garçon s'épanouir sainement. Et vous savez quoi? Je ne ressens pas ce poids, cette mélancolie des récents moments passés avec nos cousins français, cette peur de retomber dans le travail, non. Ce que je ressens, c'est une énorme motivation à pousser plus loin l'innovation et la créativité chez Défi et dans ma vie.

Défi marketing a connu un beau virage ces dernières années, une métamorphose qui a changé son visage: nous produisons maintenant du web de classe mondiale, plus de films publicitaires que jamais dans l'histoire de notre boîte, bref, nous prônons sur le terrain ce que nous prêchons avec conviction: le développement de marques et de campagnes totalement différenciées dans un contexte organique d'intégration stratégique de leurs canaux de communication. Nous croyons au rendement qui résulte du respect de l'intelligence du consommateur jumelé à une image claire et unique de ce que la marque est et offre. La concurrence de nos clients ne dicte pas nos actions, nos clients doivent s'établir ou demeurer des références claires et incontestées dans leurs catégories respectives. Et là, je reviens de vacances avec une conviction claire: nous devons aller encore plus loin. C'est ce que nous ferons à partir d'aujourd'hui. Nous tâcherons de pousser l'exercice encore plus loin. 

Les vacances, le travail, les succès, les remises en question, tout ça est une grande roue qui tourne parfois trop vite, parfois pas assez, mais ce qui est important, c'est de savoir qu'elle tourne dans le bon sens et qu'elle ne nous emporte pas. Je reviens avec cette confiance, celle du «lâcher-prise», du plaisir à faire ce que j'aime vraiment dans la vie, tout simplement.

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