vendredi 16 novembre 2012

L'autre


Les plus grandes souffrances sont infligées par les autres. Les blessures, qu'elles proviennent de l'enfance ou d'un traumatisme récent, qu'elles aient été volontairement provoquées ou infligées par les aléas de la vie comme la maladie d'un proche ou encore un accident bête, sont toutes reliées à l'autre, à notre réaction à l'autre. Nous sommes des êtres foncièrement sociaux. Nos bonheurs les plus grands comme nos déceptions les plus amères possèdent toujours ce lien avec l'autre, avec les autres. Certains diront que tout part de soi, et c'est vrai, mais au fond, c'est notre environnement qui se sert de notre corps comme d'un sac de sable sur lequel un boxeur se défoule à l'entraînement. Car à la base, si ce n'est de nos gènes et des probabilités diverses de développer différentes pathologies et maladies, nous sommes neutres. Cette évidence ne nous soustrait par contre en rien à notre plus grande responsabilité, celle de s'approprier notre destin, celle de l'estime de soi, dans la confiance intime en nos capacités. L'enfer c'est les autres, disait Sartre avec raison, mais ce qu'il omettait, c'était de dire que l'enfer était aussi et surtout le pouvoir qu'on accorde aux autres sur notre intégrité. 

Le thème de la violence conjugale est un sujet traité mille fois en publicité. La plupart du temps, les créatifs misent sur la violence et sur le choc déstabilisateur qu'elle engendre auprès de la cible. Parfois, et c'est le cas de la publicité mexicaine présentée en introduction (une création de Y&R Mexico) on mise sur la psychologie. Dans cette approche, rien de sensationnaliste. Simplement un dialogue, enfin, ce que l'on croit être un dialogue entre une victime et son thérapeute. Un dialogue introspectif qui dévoile l'essence de la culpabilité et de la fragilité intérieure de la victime. Cette posture psychologique, qui tend souvent à donner le bénéfice du doute à l'agresseur en diminuant sa propre estime de soi et en s'attribuant une partie importante de la responsabilité de la situation, me semble réellement névralgique. Mais plus encore, et c'est dans la finale qu'on le communique, la clé réside dans l'aide. Or, la solitude demeure trop souvent la prison des femmes violentées et de leurs enfants. Cette stratégie de création, une véritable diversion, dresse la table pour le positionnement de l'organisme annonceur en fin de message par le biais de son atout principal: la présence et le dialogue qui pavent la voie à la prise de décision des victimes d'enfin briser ce cercle vicieux.

Le plus difficile pour un être blessé par l'autre, c'est justement de faire confiance à l'autre pour l'aider à trouver des voies de guérison. Rien n'est aussi naturel que l'isolement comme réponse à l'agression, tout comme rien n'est aussi contre-intuitif que l'abandon à l'autre pour résoudre une situation. En publicité, nous avons trop souvent tendance à considérer comme légitimes des pistes de création qui nous viennent intuitivement. Nous gagnerions tous à parfois se laisser tenter par le contraire de nos pulsions en envisageant, ne serait-ce que sur le plan fictif, des solutions aux antipodes de l'évidence. Je crois vraiment que le côté sombre regorge de possibilités inexploitées… 

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