vendredi 21 mai 2010

Oui Misteur !



Misteur Valaire a lancé mardi dernier son deuxième album, Golden Bombay, dans un Club Soda survolté. Mais si je tiens à parler de MV ici, ce sera pour disséquer sa stratégie de commercialisation dans un univers musical houleux et en pleine mutation depuis plus de 10 ans. Car le monde n’a pas cessé d’aimer et d’écouter de la musique avec l’avènement du web, il a juste consommer sa musique différemment, trop souvent illégalement, à tort.

Golden Bombay est un excellent album qui représente selon moi un passage obligé vers les masses pour un groupe en pleine ascension: c’est un album de classe mondiale. Mais pour devenir un groupe global, et je crois qu’ils vont y arriver, il faut nettement plus que du talent dans cette sphère qui regorge d’artistes exceptionnels. Voici ma liste d’épicerie pour y parvenir :

  1. posséder un positionnement marketing et des cibles claires, c’est beaucoup relié au registre et au style musical, au talent, au fait d'être exceptionnel;

  2. communiquer une identité propre et différenciée, être une marque unique, on parle ici d’image et de projection du public dans celle-ci, de susciter le désir;

  3. prôner une stratégie innovante et adaptable en temps réel, c’est la commercialisation, le nerf de la guerre, les revenus en $$$$;

  4. finalement, il faut être excessivement bien entouré, rien ne tient sans ça.

Heureusement, les 5 gars de Misteur Valaire comptent sur une équipe solide en gestion, représentation et relation de presse, dont fait partie leur agent Guillaume Déziel que j’ai rencontré initialement l'an dernier lors d’une collaboration avec MV sur un mandat de Défi pour le CSSS de l’Ouest-de-l’Île. Le levier de leur succès réside aussi dans la virulence marquée de leur noyau d’adeptes, qui savent partager et communiquer leur passion pour la musique du groupe. Mais comment acquérir une base d’adeptes et que faire avec ceux-ci pour propager notre musique à un maximum de personnes? C’est là que la stratégie entre en ligne de compte.

La stratégie classique, si c’est une stratégie, consiste à vendre des disques chez les grands détaillants et sur iTunes. Il faut préalablement avoir signé avec une maison de disque et faire de la promo. D’autres ont essayé de vendre leur musique eux-mêmes sur le web uniquement, avec des résultats mitigés, car les dollars viennent avec la notoriété, et sans celle-ci, on piétine, c’est l’œuf avant la poule ou la poule avant l’oeuf. MV a plutôt opté pour une stratégie assez innovante qui résidait dans le fait de distribuer gratuitement sur son site web son premier album, Friterday Night
, en suggérant une contribution volontaire (Radiohead a fait de même). Leurs adeptes initiaux sont rapidement devenus des ambassadeurs et ont favorisé l’accroissement du noyau. La viabilité commerciale du groupe reposait essentiellement sur les revenus des spectacles et des produits dérivés. Cette base grandissante d’ambassadeurs a donc été la cible primaire de l’offensive stratégique du lancement montréalais du dernier album mardi dernier. Cette fois-ci, on invitait les adeptes à payer pour avoir accès à un téléchargement complet de l’album ou encore, pour ceux qui étaient prêts à mettre quelques dizaines de dollars de plus, pour télécharger l’album en exclusivité deux semaines avant tout le monde, avec en prime un accès au lancement (et une copie physique de l’album). Mais ce n’est pas tout, les 200 premiers acheteurs de cette prévente avaient aussi accès en priorité à un «afteur» party, situé dans un lieu secret, avec transport à la suite du spectacle. Une belle mécanique. Pensez-vous que ces gens vont encore une fois favoriser la propagation virale? Évident, les médias sociaux et la blogosphère en vibrent. Et c’est sans compter sur une couverture complète des médias traditionnels, d’une présence en direct avec Claude Deschênes aux nouvelles artistiques du Téléjournal de 18h de Radio-Canada à la une du journal Voir. La machine est donc relancée de plus belle, à la puissance dix!

Il n’y a plus de recette unique pour réussir. Les stratégies traditionnelles, prévisibles, linéaires, ne fonctionnent plus. Il faut revenir à des principes plus fondamentaux qui rejoignent à la fois le marketing, la psychologie et la sociologie et les imbriquer de manière organique et évolutive. MV a réussi à développer sa notoriété sans campagne publicitaire ni budget important de marketing. Les gars ont tout simplement compris le principe du bouche à oreille. Avec à l’origine une vision musicale unique et du talent qui leur sort par les oreilles. Pas plus compliqué que ça.

Note : si les détails de leur modèle économique vous intéressent, je vous invite à aller lire le billet de Michelle Blanc qui porte sur le sujet et qui regorge de données intéressantes en plus d’une entrevue avec Guillaume Déziel.

2 commentaires:

  1. Dans le fond quand tu regardes ça, c'est complètement absurde tout ça. Laissons tomber le marketing, la pub et les réseaux sociaux pour deux secondes. L'industrie de la musique est en crise pour seule raison : parce que nous sommes voleurs. Le principe est pourtant simple : Tu veux un Coke? Tu payes. Tu veux manger une barre Mars? Tu payes. Tu veux un char? Tu payes. Bon, techniquement, tu peux voler tout ça, mais vous voyez où je veux en venir.

    Si les gens avaient encore deux onces de respect pour les artistes, nous ne verrions pas ces offensives « géniales » pour vendre de la musique. Je suis d'accord pour réduire le prix des disques et c'est exactement ce que iTunes a fait. Un album complet à 10 $, ce n’est pas cher. Si tu trouves ça trop cher, écoute la radio! Nous sommes vraiment rendus au point où un artiste doit dire à son public : « Payez ce que vous voulez... merci beaucoup. » C'est ridicule.

    Vous tous qui travaillez dans une agence de pub, que diriez-vous si vos clients diminuaient au point votre travail que de vouloir payer ce qu'ils veulent? Serait-ce une révolution du modèle publicitaire? Ces mêmes clients pourraient inonder les réseaux sociaux en disant « ABC Marketing est vraiment génial! »

    Ça profite à tout le monde cette nouvelle tendance dans la musique, mais je me demande vraiment si c'est la solution. Pour moi, une chanson, un album, un spectacle et un chandail, ça se paye. Ce n'est pas à moi de décider du juste prix, mais à l'artiste de m'imposer un prix raisonnable pour avoir accès à son art.

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  2. @Seb

    Je suis d'accord avec toi sur le principe, mais bon, il y a une réalité qui prime, et on ne peut l'ignorer et couler par principe. La liberté de prôner la stratégie qu'on veut fait partie de notre économie de marché, et les revenus, qu'ils proviennent des spectacles ou des ventes de disques, demeurent des revenus. Préférerais-tu un groupe qui vendrait quelques centaines de disque au juste prix mais qui jouerait dans des salles vides ou des bars plutôt qu'un groupe qui donne son disque mais qui joue dans un Club Soda plein? Je comprends ton point de vue, ceci dit, et il y a un travail à faire collectivement pour redonner à TOUTES les formes d'art la valeur qu'elles méritent.

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