jeudi 25 octobre 2012

Le syndrome Rush



J'ai partagé la vie d'une fille compliquée comme c'est pas possible pendant plus de 7 ans. Ça m'a pris des années pour réaliser que j'associais à défaut sa présumée complexité à l'ampleur de notre amour, quand dans les faits, nous n'étions juste pas faits l'un pour l'autre. Mais voyez-vous, à la fin de ma vingtaine et au début de ma trentaine, je n'avais pas la maturité nécessaire pour discerner l'authenticité de la complexité. Car si une chose m'apparaît évidente aujourd'hui, et je sais que je me répète parfois, c'est qu'une chose n'est pas plus vraie si elle est compliquée. Au contraire, les personnalités alambiquées masquent souvent leur insipidité en générant le flou, en déformant la réalité à leur avantage, à doses fréquentes d'émotions irrationnelles et de névroses pas trop assumées. 

La semaine dernière, j'ai été invité dans une loge du Centre Bell au spectacle du groupe Rush, monument canadien du rock progressif. J'y suis principalement allé en tant qu'accessoire pour ma conjointe, accessoire aussi heureux d'y être que consentant et curieux de savoir si le groupe que je détestais le plus sur la planète rock pouvait me réconcilier avec quelques uns de ses airs, dans une ambiance survoltée. J'étais positif, je voulais me laisser convaincre, plusieurs personnes présentes étaient de véritable fans finis, bref, je vous assure de ma bonne foi. Et vous savez quoi? J'ai vaguement apprécié deux chansons sur 28. Deux. J'aurais préféré le supplice de la goutte, voire même celui du pal, à cette succession de métaphores stupides entrecoupées par des feux d'artifices et des solos de batterie inutiles. Mes oreilles saignent encore. Chaque pièce semblait une longue agonie sans fin. Rush est pour moi l'incarnation même de la complexité qui masque l'insipidité. Rush, c'est mon ancienne blonde. C'est moi dans une ancienne vie. 

En publicité, parfois, on arrive à marquer des points avec des concepts tarabiscotés. Mais généralement, plus l'approche créative est complexe, plus l'énergie demandée à la cible pour la décoder sera importante et, en bout de ligne, elle abandonnera avant de comprendre et d'être séduite. Si vous n'êtes pas capable d'expliquer votre concept en quelques lignes, en quelques secondes, si le client ne le comprend pas, ne le visualise pas, si l'idée repose uniquement sur des effets de réalisations, c'est peut-être que vous êtes dans le champs. La notion la plus importante en création, c'est de bien comprendre que nous ne sommes pas nos idées. Que nous avons la capacité d'en générer à volonté. De s'attacher émotionnellement à une idée trop compliquée serait l'équivalent de composer une toune de Rush. Et comme Rush qui fait vibrer sa tribu de musiciens de garage des années 70 et 80, vous n'auriez comme bénéfice que celui d'exciter certains maniaques de la réalisation. Pas votre cible. Sachez décrocher d'une idée pour rapidement vous enticher d'une autre, meilleure, plus simple. Le syndrome Rush existe. Il est partout. Dans votre vie amoureuse, à votre travail, dans votre famille. Je préfère désormais m'en tenir à l'essentiel.

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