dimanche 15 janvier 2012

L'effet contraire



Vous êtes Educ'Alcool et vous produisez une publicité de sensibilisation aux effets de l'alcool, avec comme objectif avoué d'induire un changement de comportement chez votre cible, soit une réduction de sa consommation hebdomadaire d'alcool. Disons que je suis votre cible, nous sommes mardi, il neige et j'ai eu une sale journée. Petit réflexe en arrivant à la maison, je me verse un scotch. Normalement, je ne m'en verserai pas un deuxième, car je sais que la semaine sera longue, mais après le souper, en regardant le téléjournal, je tombe sur votre publicité, montrée en intro, qui m'explique que je ne devrais pas dépasser les 3 verres par jour, parfois me rendre jusqu'à 4 et tenter de ne rien boire du tout au moins une fois par semaine. Je n'avais rien bu lundi. Alors l'effet direct, concret, de la publicité en question à court terme? Simple, elle me donne le goût de me verser un deuxième scotch et me conforte dans ma normalité. Elle me dit que c'est correct de me rendre à 15 consommations dans la semaine. Alors je me verse un autre scotch sans culpabilité aucune et je le déguste les yeux rivés sur un épisode de Mad Men. Sérieusement, c'est un collègue qui m'a décrit cette situation, c'est donc un cas réellement vécu et je ne crois pas qu'il soit isolé. 

Est-ce une campagne réussie? Oui et non. Oui car on y adopte un ton et un discours transparents et clairs, que les animations sont sympathiques, qu'on ne prend pas les gens de haut et qu'on gère la réalité en se basant sur la science et non sur la culpabilisation. Non, parce qu'on communique implicitement qu'il est normal de consommer de l'alcool sur une base régulière, alors que ce ne l'est pas vraiment, même si une majorité d'entre nous le faisons sans sourciller, souvent moi le premier. On concède trop, selon moi, pour réellement induire un changement de comportement. On baisse les bras.

C'est malheureusement une campagne de publicité qui a, dans une certaine mesure, absolument engendré l'effet contraire à celui désiré. Doit-on consentir à ce qu'une campagne de sensibilisation puisse provoquer des effets collatéraux indésirables? Est-ce acceptable en bout de ligne de nuire implicitement à une minorité d'individus mous pour en sensibiliser et possiblement en aider une majorité?

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails