mardi 30 novembre 2010

Le doux confort de l’indifférence

On m’a demandé à plusieurs reprises de commenter la possibilité de voir certaines entreprises ou marques commanditer les lignes du métro de Montréal. Avant de le faire de manière plus approfondie, je me suis réservé une petite gêne et j’ai laissé passer quelques jours. Être ou ne pas être d’accord, selon moi, ne relève pas réellement de la question superficielle de l’encombrement publicitaire dont nous sommes tous victimes d’une manière ou d’une autre, que nous soyons automobiliste ou usager du transport en commun. Cet encombrement persistera tant que les élus n’imposeront pas de balises plus sévères concernant le respect de l’espace public. Et puis, selon Yves Devin, directeur général de la STM, ces commandites seront discrètes et n’affecteront pas réellement les utilisateurs du métro: les noms des lignes ne changeront pas (oubliez la ligne Pages Jaunes), la STM ayant établi des paramètres passablement restrictifs si on en croit les paroles de M. Devin. Tout ça générera des revenus additionnels substantiels, dans un contexte à long terme – on parle ici d’ententes de 10 ans, et contribuera à rétablir l’équilibre budgétaire d’une société dont la nature même représente d’une certaine façon l’essence du progrès montréalais. Alors pourquoi être contre? Parce que c’est une très mauvaise idée, une idée insidieuse qui déplace le débat pour nous imposer subtilement une présence du privé dans les finances d’une société publique. Or, cette présence n’est ni nécessaire, ni souhaitable.

Qu’arriverait-il le jour où la valeur des dites commandites serait évaluée à la baisse par les annonceurs à la lumière d’analyses tangibles? Qu’arriverait-il si d’une manière comme d’une autre l’un de ces commanditaires éprouverait des problèmes financiers ou cesserait ses activités? Quelles seraient les autres solutions si le financement public, même après comptabilisation de ces revenus de commandite, s’avérait insuffisant quand même? Pourquoi se placer en état de dépendance financière par rapport à l’entreprise privée quand la réalité est toute simple: le réseau souterrain montréalais est sous-financé. Cette situation chronique, politique, alors que nous comptons investir des milliards pour maintenir nos infrastructures routières sans réellement imposer de vision innovante et de solution intégrée et visionnaire en matière de transport, me révolte au plus haut point. Pourquoi se servir des utilisateurs du métro comme de simples têtes de bétails qui consomment, en capitalisant sur leur présence en terme «d’audience média», et ne pas faire de même sur les réseaux autoroutiers du Québec avec les automobilistes? À quand la commandite «subtile» d’une autoroute, d’un tronçon, d’un échangeur ou d’un pont? Les usagers du métro feraient-ils partie d’une caste inférieure de celle des automobilistes? Au lieu de trouver une solution permanente, nous préférons nous en remettre à la solution du diachylon, qui ne relève pas du gros bon sens comme voudraient le faire croire plusieurs personnes, mais bien de l’ignorance et d'un manque de vision. Mais que voulez-vous, nos différents paliers de gouvernement ne semblent pas trop se parler ni se comprendre, on préfère bâcler des solutions puériles maintenant plutôt que de réellement régler les problèmes. Cette question de la commandite des lignes de métro m’apparaît comme un autre symptôme d’un problème ultra-évident: le respect de l’environnement est une question primordiale pour la majorité des Québécois, tant que nous ne bousculons pas leurs petites habitudes et que nous ne les forçons pas à quitter, ne serait-ce que quelques instants, leur doux confort insignifiant. Oui à une structure de financement permanente qui favorisera la croissance, dans l’intérêt de tous, du transport en commun. Oui à des alternatives efficaces pour les automobilistes, dans le respect de leur réalité. Non à une structure de commandite aussi déplacée que ridicule.

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