lundi 29 décembre 2014

Rentabiliser son Temps des Fêtes en 5 points. Le troisième pourrait changer votre vie (ou pas)

Le congé des Fêtes est névralgique à ma démarche de publicitaire. Voici pourquoi en cinq points. Et si vous n’avez pas congé pendant cette période, peu importe la raison, je suis désolé pour vous. Sincèrement, envoyez-nous votre CV à l'agence cette année pour régler cette question une fois pour toutes.

1- L’authenticité sociale
Être exposé à la famille, aux amis, aux amis des amis, échanger avec différents types d’individus, constater les tendances éphémères comme celles qui perdurent, cerner les préoccupations, encercler les déclencheurs… la vie sociale sur le terrain permet à tout créatif de s’imbiber des prémisses qui font que les campagnes fonctionnent. Pas de préjugés, que du vrai par des gens vrais et peu biaisés. Évidemment, nous pouvons en tout temps échanger avec les autres, mais rarement aussi sincèrement, avec autant de diversité et dans un contexte aussi propice à faire le point. La clé: parler peu et écouter beaucoup. Une occasion unique.

2- Redevenir la proie des médias
Mon quotidien repose sur l’atteinte de nos cibles et l’induction d’une perception ou d’un passage à l’action au profit d’une marque ou d’une organisation. Je n’arrête jamais de tout analyser ce que je vois dans les médias de masse de mon angle de créatif en déduisant les «briefs» reçus par les agences. Lorsque le Temps des Fêtes arrive et que je bois mon lait de poule teinté de rhum dominicain en regardant confortablement Le sapin a les boules, je redeviens celui à qui l'on veut vendre des téléviseurs toujours plus plats et des caisses de bière qui goûte l’eau. Cette posture me permet de me rapprocher de ce que vivent réellement ceux que je veux joindre. Essentiel.

3- Faire le ménage dans sa tête
Être créatif n’est pas un boulot, c’est une posture psychologique, c’est un état d’esprit. Or, le seul problème à ne jamais décrocher ou presque, c’est qu’on en vient à s’encombrer le ciboulot au point de ne plus savoir quoi faire de toutes ces images qui planent dans notre tête. Quand les seules tâches importantes de ta journée sont d’ouvrir des huîtres et de servir des bulles, ou encore de décider quelle bouteille de vin apporter lors d’un souper, un certain ménage se fait. À monter des Legos architecture avec fiston, à regarder une série suédoise sous-titrée ou à lire des romans comme l’excellent dernier Baricco, nous en finissons par réellement abandonner une tonne d’idées inutiles. Faire respirer sa psyché et faire le ménage de son hémisphère droit, c’est se donner la chance de pouvoir accueillir de nouvelles idées encore meilleures, le temps venu. Et il viendra vite. Névralgique.

4- Visualiser l’avenir et se faire un plan
Je le mentionnais plus tôt, le Temps des Fêtes est propice aux bilans et à un certain recul sain. Après quelques jours de ce régime fort en calories, à se vider la tête et à retrouver son essence, il est habituel de voir rejaillir cette quête et de rêver d’un avenir toujours meilleur. À quoi bon vivre dans un système capitaliste si ce n’est pas pour rêver à une agence encore plus grande, qui torche plus et qui en rend quelques uns jaloux? Mais rêver ne veut rien dire si nous ne pouvons pas établir un plan d’attaque qui nous permettra de convertir ces visions en réalités. Généralement, en s’approchant du jour de l’an, tout ça prend forme. C’est presque magique.

5- Boire plus et prendre des notes
C’est connu, la moyenne des ours consomme plus d’alcool pendant le Temps des Fêtes. Pourquoi refaire le monde en compagnie d’amis et de proches après quelques verres d'un bon Barolo pour ensuite tout oublier le lendemain d’une nuit de digestion ardue? Avoir près de soi un téléphone intelligent ne nous rend pas plus intelligents, mais ça nous permet néanmoins de prendre des notes. Et même si 90% de ces notes apparaissent incohérentes après coup, il se peut qu’une seule idée fasse la différence. Une seule. Alors prenez des notes et n’oubliez jamais que nous ne sommes jamais qu’à une ou deux idées près de la réussite. 

Sur ce, bonne fin de Temps des Fêtes, ralentissons le temps car il passe trop vite le reste de l’année!

lundi 15 décembre 2014

La chèvre


Cette année pour notre projet de Noël, nous avons décidé à l’agence de nous amuser un peu. Notre stratégie était aussi simple que puérile: utiliser une chèvre. Ne pensez pas plus loin. L’idée se résumait à une vraie chèvre, dans une agence de publicité, pendant une journée. Et vous savez pourquoi? Parce ce que nous passons notre vie à analyser, à valider des stratégies de création en fonction des cibles, à croiser des courants sociologiques avec des profils psychographiques et sociodémographiques, et que là, nous voulions simplement nous retrouver comme une bande d’ados sans trop se faire chauffer les neurones.  Eh oui, nous espérions humblement faire sourire, sans aucune prétention. Paulette la biquette, c’est notre équipe qui collabore, qui joue, qui chante, qui fait semblant de pleurer, qui ramasse des «Glosettes» sur le tapis de mon bureau, bref, c’est nous. Pour ce que nous sommes vraiment.

Mais Paulette, c’est aussi une diversion. En cette période déprimante de guerre religieuse, d’attentats, d’austérité et de régression généralisée, notre chèvre nous sort un peu des émotions à fleur de peau de certains et de la révolte de plusieurs. Rions à défaut de pleurer, car il n’y a possiblement rien d’autre à faire.

Finalement, d’un point de vue plus personnel, je termine cette année 2014 sur une note d’exaltation teintée de réalisme. Jamais je n’ai autant eu confiance en mon associée, en notre équipe et en mon entourage pour faire progresser l’agence dans une perspective totalement ouverte sur l’avenir. Mais tout ne se fait pas sans sacrifices. J’aurais aimé passer plus de temps de qualité avec ma famille, notamment avec mon fils, et je connais trop bien la nature humaine pour ne pas me méfier des nombreux pièges du succès, ne serait-ce embryonnaire, que nous vivons chez Défi. À 25 ans, j’aurais été en orbite sur la lune; à 43, je demeure méfiant et ne tiens rien pour acquis. Le bonheur est furtif entre les préoccupations, la fatigue et le stress de se surpasser dans un monde qui ne pardonne pas. Il est furtif, mais présent. Je vous souhaite, tout comme je me le souhaite, de bien le capturer pendant le temps des Fêtes.

À très bientôt en 2015 mes amis, Joyeuses Fêtes !

Mathieu

dimanche 30 novembre 2014

Mes deux certitudes

Hier, je suis tombé sur un billet qui m’a fait réfléchir sur la nature même du succès. Vous savez, la psycho-pop à 5 sous et les recettes en «5 points pour atteindre le bonheur» foisonnent sur le Web. C’est facile: vous lisez, vous vous emballez et ensuite vous oubliez. Mais hier c’était différent. Ça m’a touché et c’est ici

Je vous ai parlé il y a quelques temps de la refonte de la marque de l’agence où j’évolue depuis presque 10 ans. Et bien le projet avance à grands pas et nous en sommes à évaluer notre déménagement en 2015 vers un endroit qui pourra servir de véritable quartier général à notre modèle d’entreprise et à notre vision à mon associée Marie-Michèle et moi. Je suis présentement partagé entre l’excitation de ce qui vient et l’angoisse. Mais l’excitation et la conviction d'aller dans la bonne direction demeurent gagnantes, car j’ai deux certitudes:

1- Je crois en notre équipe, en notre chimie et en nos capacités.

2- Je suis convaincu que le succès s’achète, comme une vulgaire pomme verte à la fruiterie. Suffit par contre d’y mettre le prix. 

Le succès s’achète certes. Mais s’il demeure si rare, c’est qu’il exige un prix que peu sont prêts à payer. Celui de l’incertitude, du doute, du rejet, de l’insomnie, de la peur, de la nausée avant une grosse présentation; celui de la douleur psychologique tard le soir et physique le matin aux aurores, de l’isolement entre deux expressos bien tassés, de l’obsession des résultats, mais surtout, celui d’échecs par dessus échecs par dessus échecs sur plusieurs années. C’est un filtre si fin et si exigeant qu’il éliminera tous ceux qui ne se projettent que dans le rêve au détriment de l’abnégation. Pour réussir, il faut accepter d’avoir mal et de décevoir des gens, souvent jaloux, qui n’ont aucune idée des ressources dans lesquelles nous devons puiser pour s’y rendre. Il faut aussi se concentrer sur le moment et oublier tout le reste. Il faut tout donner en gardant son intégrité. Je crois être à mi-chemin, mais au fond je n’en sais rien. Je ne sais pas si je vais y arriver, mais je sais que jamais je ne rebrousserai chemin.

Sur une note plus légère, je vous laisse sur cette irrésistible publicité de la marque texane Poo-Pourri, qui ramène le Père-Noël sur un trône bien différent de celui sur lequel il siège généralement au Carrefour Laval le samedi après-midi… Une publicité «qui sent bonne» comme le temps des Fêtes.


dimanche 23 novembre 2014

Grandir

Le désir premier de tout entrepreneur ambitieux est de faire grandir son entreprise: grandir pour plus de pouvoir, pour que les profits soient multipliés, pour que des frontières soient franchies. C’est un réflexe normal. La croissance fait partie de notre culture car elle reflète le succès et bonifie apparemment notre estime de soi. Croissance en entreprise, croissance personnelle, ces concepts impliquent un mouvement vers l’avant et une prise de conscience qui visent à décupler notre potentiel. Mais qu’en est-il vraiment?

Je vois trop de gens autour de moi se faire des «trips» de croissance personnelle qui ne veulent rien dire de plus que l’obéissance sans discernement à des valeurs qui ne sont pas les leurs. Je vois également trop de gens d’affaire à plat ventre devant le concept de croissance de leur entreprise, souvent par simple appât du gain. Quand la croissance mine les familles, pousse de gens honnêtes à la dépression et dénature les individus, elle ne devient qu’un prétexte pour camoufler la cupidité et la faiblesse. Et ça, c'est très ordinaire.

Si je vous parle de tout ça, c’est que je fais présentement face au challenge de la croissance chez Défi. J’aime voir l’équipe grandir, j’aime voir les mandats se décupler, mais il m’apparaît primordial de se poser la question la plus élémentaire qui soit: pourquoi? 

Mon associée et moi avons clairement balisé les critères d’acquisition de nouveaux clients et de rétention des clients actuels. Nous avons aussi établi un plan de croissance qui vise tout simplement à optimiser le volume d’affaire au modèle de notre entreprise, tout en conservant notre culture, en amplifiant notre identité et en préservant notre ferment créatif. Bien sûr que les profits seront au rendez-vous si tout va bien, mais ils serviront avant tout à ancrer encore plus solidement les assises de l’entreprise et sa capacité d’innovation. Notre croissance s’amorce donc en connaissance de cause, tout en connaissant les paramètres qui dicteront sa fin. Grandir pour moi, c’est accepter qu’un jour nous serons assez grand pour notre propre bien. Certains désireront devenir des géants, mais à ce jeu, même si parfois, très rarement, les géants changent le monde pour le mieux, ils n'en demeure pas moins qu'ils en arrivent souvent au point où ils ne peuvent plus marcher un pied devant l’autre sans tomber. Je préfère pour ma part l’agilité et la pertinence. Mais plus encore, de voir grandir mon fils. 

jeudi 13 novembre 2014

La trêve


Nous avons tous, à tout moment, le pouvoir et la liberté de cesser la haine. Nous pouvons tous, à tout moment donné, décider d’aimer, d’apprécier, de complimenter, de voir le verre à moitié plein, de miser sur le bon côté des choses. La trêve est possible pour ceux qui le veulent vraiment, pour ceux qui désirent la paix, pour ceux qui misent sur ce qui nous rassemble et non sur la douleur qui divise. Ici au Québec, nous pouvons tous décider d’aimer qui nous sommes au lieu d’aduler ce que nous ne serons jamais. Nous pouvons décider, tous ensemble, d’aider ceux qui en ont besoin. Nous avons le pouvoir de refuser un certain confort en échange du sentiment incroyable qu’apporte la décision de faire la différence dans la vie d’un être. 

Personnes âgées, malades, femmes, enfants en déficit d’amour, hommes recroquevillés sur eux-mêmes, tous méritent une trêve. La trêve de la connerie qui représente les intérêts des entreprises avant celle des familles et des vulnérables, celle de la rancoeur qui place tous les hommes dans le même panier, celle de la peur qui anesthésie cette quête d’un pays qui sera nôtre et qui prônera nos valeurs, celle de la honte qui paralyse l’affirmation saine de notre vraie nature, peu importe l’orientation sexuelle ou les croyances; la trêve comme une étincelle d’humanité qui redonne aux gens la fierté d’occuper cette terre de la bonne manière, en tout respect, en communautés, j'en suis convaincu, nous devons la provoquer. 

Ce magnifique film publicitaire de Sainsbury’s, une chaîne de magasins d’alimentation britannique, évoque ce pouvoir de l’amour de l’autre au sens universel. Cette trêve a existé. Elle peut ressurgir. Elle doit ressurgir. Noël ou pas. Car nous méritons tous mieux que le bourbier dans lequel nous acceptons d’élever nos enfants à chaque matin. Cette trêve, au-delà de toute forme de rationalisation de ce qui nous tue, pour l’amour du genre humain, elle nous appartient.

jeudi 6 novembre 2014

La vie rêvée



Rien n’est plus vrai que la vie rêvée. Elle définit qui nous sommes, elle oriente nos aspirations, elle nous rassure, nous permet de nous endormir le soir; notre vie rêvée a marqué notre enfance et c’est le fondement même de Noël: ce dialogue imaginaire, cette incursion dans un univers singulier. La perte de cette vie rêvée représente probablement le choc le plus frontal que l’humain devra vivre avec la réalité froide de l’individualisme.

Le détaillant britannique John Lewis frappe encore un grand coup cette année avec ce message qui évoque autant l’empathie de l’enfance, l’importance de l’amour et oui, implicitement, le rôle de premier plan du monde imaginaire dans l’esprit de Noël des enfants. Au-delà du pingouin et du crescendo qui débute lors de la 60e seconde, la clé de cette publicité se révèle dans le réalisme du plan final, qui démontre à la fois la beauté de l’enfance dans ce qu’elle a de plus vulnérable et par effet inversé, notre capacité à nous, adultes, de croire encore à ce qui a déjà été vivant en nous. Probablement qu’elle me touche encore plus car j’y vois mon fiston, elle n’en demeure pas moins une réussite en tout point. Car même si le toutou s’avère inanimé, l’amour, lui, demeure vrai.

dimanche 2 novembre 2014

Tout donner.



Tout donner pour sa famille. Du lever du soleil jusqu’à tard le soir, du bain aux devoirs, des remontrances aux câlins, des premiers pas aux premiers coups de patin, jusqu’à ce qu’il vole de ses propres ailes et développe ses propres merveilles. Tout donner dans son couple, qu'elle se sente toujours belle, alimenter les étincelles et parfois s'appuyer sur elle. Tout donner au travail, pour le projet de sa vie, en idéation, en rédaction, en présentation, en obstination, en combats, pour gagner sans trop détruire, pour prospérer en conservant ses valeurs, en équipe, parfois pour le plaisir, parfois en perdant du sang, mais toujours à cent à l’heure. Tout donner pour sa communauté, pour ses amis, avoir à coeur le bien de tous, que les pauvres se couchent avec l’espoir et que les riches sèment le matin à redonner un peu de leur avoir. Tout donner pour son pays, pour le voir naître et prospérer, dans l’aspiration d’idéaux qui dépassent les individus, parce que notre somme dépasse tellement l’addition de nos unités. Tout donner parce que la vie est une occasion qui ne passe qu’une fois, croyance ou pas. Une magnifique occasion de faire sa part et de laisser sa trace, à construire des châteaux de sable ou à imprégner de nos pas la glace. Tout donner un jour à la fois. Sans s’attendre au retour d’ascenseur. Tout donner parce que nous aimons nos enfants et que nous détestons la peur. Tout donner à s’en vider les poumons, à s’en défoncer les articulations, à constamment défier les hauteurs. Tout donner pour de bon, simplement, parce que nous aimons.

lundi 20 octobre 2014

La refonte



Et oui, Gisele Bündchen, encore elle. Il y a quelques semaines seulement, elle endossait Under Armour à grands coups de pieds cathartiques sur un punching bag, mais ici, c’est bel et bien à sa version numéro 5 que nous avons droit: celle où elle incarne une association esthétiquement magnifique entre le pouvoir d’attraction de la femme à succès et la gigamarque au «C» flippé. 

Bien sûr, Chanel oblige, nous parlons ici d’un tournage à Fidji pour trouver la vague parfaite, d’une réalisation confiée encore une fois au lumineux Baz Luhrmann, et, fait intéressant, d’un enchaînement parfois tordu sur une refonte du classique de Grease: The One That I Want. C’est ici, pour moi, que ça devient vraiment intéressant.


Sauf tout le respect que je voue à notre très cher Baz, sans cette refonte musicale aussi lancinante que mélodique, rien ne tient. Cette réinvention de ce tube archiconnu favorise une sorte de reconnaissance inconsciente, une forme d’intimité immédiate entre le spectateur et un film publicitaire qui évoque une vie rêvée aussi incandescente qu’ostentatoire, forgée autour d’un chiffre en diamants et amplifiée par des regards perçants manquant cruellement de crédibilité. Gisele est à la fois mère, surfeuse, sulfureuse et écorchée, mais peu importe les invraisemblances, la musique cautionne les images et nous donne le goût d’y croire un instant. Un petit instant. Car elle nous relie inconsciemment au passé, insidieuse comme une petite madeleine de Proust et métamorphosée par la voix sublime de Lo-Fang. Le mirage est presque parfait. On y retournera cinq fois plutôt qu’une.

lundi 6 octobre 2014

L’origine de l’origine


Aucune tradition orale, aussi gonflée aux bonnes volontés et aux stéroïdes de l’imaginaire soit-elle, ne peut rivaliser avec la puissance brute d’une situation photographiée sur l’instant et exposée aux masses. La photo spontanée synthétise à la fois le moment tout en transmettant la perception de l’oeil derrière l’objectif. Cette vision, à la fois objective et subjective, a marqué les esprits et l’histoire au fer rouge depuis près d’un siècle. Des jalons, des époques, se sont vus incarnés en symboles uniques et hautement référencés. Ce qui nous paraît aujourd’hui comme un geste futile et souvent narcissique, possédait autrefois la noblesse, la liberté et le courage imbriqués en son coeur. Et à la base de cette émancipation de la photographie, de sa sortie du placard, ce studio dans lequel elle était alors enchaînée, se positionne l’allemande Leica.

Dans ce film qui témoigne du centenaire de la marque fétiche, une création de l’agence brésilienne F/Nazca Saatchi & Saatchi, Leica met en perspective de manière poétique et austère son rôle dans la démocratisation de la photographie. Elle se présente comme la mère de la photo, comme celle qui a donné naissance aux clichés obtenus «à la sauvette», avec ses appareils portatifs. Mais avant toute chose, elle témoigne de l’importance de la captation des émotions humaines, de la joie à la peur, du bonheur à la terreur, comme une mosaïque organique aussi exponentielle que révélatrice de notre état collectif. Elle personnifie la marque derrière l’art photographique, derrière le photoreportage; elle devient synonyme de tous les possibles, elle fixe le temps pour qu’il reprenne un peu de son sens.

samedi 4 octobre 2014

La rencontre


L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est plutôt la solitude que nous nous infligeons lorsque nous préférons ruminer notre tristesse plutôt que de relever la tête et humer les effluves de l’automne, malgré la pluie. Les autres nous permettent de nous apaiser dans notre légitimité; ils nous offrent bien plus qu’un point de comparaison ou une sorte de réflexion: ils nous font ressentir. Pourquoi prendre un café ou aller au restaurant, au bar ou errer dans la ville si ce n’est pas pour entrer en contact avec les autres, directement ou indirectement. Combien de moments de solitude sont agrémentés par la présence implicite d’humains autour de nous? Vendre du café en 2014, c’est vendre une rencontre potentielle, une émotion, celle du plaisir par le réconfort. 

Ce message de 72andSunny pour Starbucks mise exactement sur cet axe en y incorporant l’ADN de la marque de Seattle par le biais de situations filmées dans 28 pays, au cours de la même journée. Rarement la globalisation aura résonné de manière aussi forte, tous âges et toutes cultures confondus. La preuve que ce qui nous unit tous, peu importe notre bagage, c’est bien ce fil qui nous relie à l’autre et qui nous redonne un peu, malgré l’effroyable réalité qui afflige la planète présentement, de cette humanité, de cet espoir.

mardi 30 septembre 2014

La sensation


Volvo XC60 - The Swell from Grey London on Vimeo.

À trop être exposés à tout sur nos écrans, nous en venons à perdre le sens des vraies sensations: celle de dormir dans une tente un matin pluvieux, celle de tenir un roman entre ses mains le soir, celle d’un premier baiser langoureux. Nous voyons beaucoup de chose, trop de choses, violentes, excitantes, drôles, surprenantes, tristes et nos sens sont dopés artificiellement sur le moment, jusqu’au prochain manque. La réalité organique des choses nous échappe graduellement. Il n'y a rien de plus faux que le corollaire entre l’intensité de notre exposition aux images et notre volonté de vivre; au contraire, chez moi comme chez plusieurs, la paresse s’installe, insidieuse. La publicité n’échappe pas à ces impératifs: elle amplifie souvent son intensité, elle rivalise de créativité pour favoriser son potentiel viral, elle se positionne sur le champs des émotions, mais rarement elle ne provoque l’envie d’une réelle sensation comme dans ce puissant bijou de Grey London pour Volvo

Ici, qu’un élan de liberté, qu’une immersion totale alternée par des moments de répit, qu’une énergie pure de la mer, de son impitoyable mouvement, puis en finale, qu’une appréhension qui ne sera jamais rencontrée autrement que par notre imaginaire ou notre action. Et oui, une marque en renaissance qui se transpose sur une communication fondamentale des sens, dans un magnifique univers bleuté, dépouillé, où la caméra représente notre propre regard, notre propre aventure, notre propre quête imaginaire...

samedi 20 septembre 2014

Toucher



Toucher c’est s’exposer au jugement, au rejet. C’est furtivement s’immerger dans l’énergie de l’autre, dans l’inconnu. Certaines cultures se touchent beaucoup, d’autre moins. C’est pareil dans certaines familles où l’osmose fait partie du rituel quand chez d’autres, il demeure de bon ton de rester sur son quant-à-soi. Pourquoi certaines personnes s’investissent totalement dans une simple bise alors que d’autres peinent à subir un subtil frôlement de la joue, un peu comme si nous leur imposions le supplice de la goutte d’eau? Conditionnement ou dégoût? N’en demeure pas moins que l’humain a besoin de toucher et d’être touché, au propre comme au figuré. Certains des moments les plus charnières de nos vies auront été déterminés par le toucher, de notre naissance à notre premier baiser, ou même, tristement, en tenant la main d’un être cher juste avant sa mort. Alors que le toucher physique peut provoquer du réconfort, de la chaleur, du plaisir, celui plus délicat des émotions vient carrément arrêter le temps pour s’immiscer dans notre mémoire: c’est ce que nous appelons le frisson, quand les poils des bras se lèvent pour ovationner l’instant. C’est exactement ce que j’ai ressenti quand j’ai visionné la publicité en introduction, un bijou de la mythique Chiat\Day Los Angeles pour un partenaire depuis 24 ans de la Ligue de baseball majeur: Gatorade. Une réussite où le sujet principal s'investit à toucher ses fans, un à la fois.

L’utilisation du noir et blanc en symbiose avec la musique, avec l’histoire des Yankees de New York et avec le style de Derek Jeter, qui, après 20 ans, prendra sa retraite du club du Bronx le 28 septembre prochain et à qui la publicité est entièrement dédiée, me semble particulièrement judicieuse. La progression lente et irrésistible de l’intensité émotionnelle émanant d’une sorte d’hybride entre le «stunt» et le film publicitaire classique, où la réalité du lien entre la vedette et ses fans vient magnifier sa légende - l’expression visage de l’enfant à la casquette tenant sa balle autographiée à la seconde 58 vaut à lui seul le message en entier - évacue nos dernières résistances. L’ovation en finale, malgré le positionnement trop évident du produit, vient complètement nous achever. Jeter aurait lui-même collaborer au concept avec l’agence, voulant remercier à sa façon une communauté qui lui aura demandé beaucoup mais redonné tout autant sinon plus. Une annonce journal a également été produite, vous pouvez la trouver plus bas.

Ça m’a pris 15 ans pour comprendre pourquoi je n’étais pas spontanément enclin à toucher les autres. Par la suite, j’ai débuté la pub et maintenant j’en fais mon objectif principal. Toucher peut faire autant de mal que de bien, souvent les deux se confondent, mais toucher, au fond, c’est révéler notre humanité.


dimanche 14 septembre 2014

Les yeux fermés

Elle s’appelle Chandni, elle a 19 ans et de longs cheveux noirs. Et aux aurores de ce 24 avril 2013, elle se tire difficilement du lit de la chambre principale de ce minuscule appartement où elle et huit membres de sa famille vivent entassés comme des sardines. Nous sommes à Savar, banlieue pauvre d’une giga capitale paumée de plus de 15 millions d’habitants: Dacca au Bangladesh. Elle et son frère Rifat travaillent au même endroit depuis quelques temps, une manufacture de neuf étages où l’on exploite, pour un salaire d’environ 2 $ par jour, des milliers d’humains pour qui le seul impératif est la survie et le désir lointain d’envoyer leurs enfants à l’école. Tout ça pour quoi au juste? Pour que des vêtements distribués chez des détaillants de petite ou grande grande surface comme Benetton, Gap, J. C. Penney, Walmart, Loblaws, Carrefour ou encore Children’s Place, puissent nous être vendus à bas prix tout en dégageant des marges bénéficiaires accrues pour ces entreprises occidentales. 

Sans le savoir, machinalement, Chandni et son frère se dirigent vers ce que seront les derniers instants de leur existence. À 9h, le matin de ce 24 avril 2013, ils seront tués par l’effondrement des neuf étages de ce complexe rafistolé, le Rana Plaza, dont la structure ne pouvait plus soutenir le poids de l’équipement. Deux morts parmi les 1134 personnes. Une fourmilière entière écrasée en quelques secondes. Des humains traités comme des bestioles, qui meurent comme des bestioles, n’attirant le feu des projecteurs de la planète que quelques instants pour mieux divertir les compulsifs que nous sommes, le temps de passer à la prochaine nouvelle. Des ces 1134 morts, environ 80% étaient des femmes. Ils sont plus de 4 millions à vivre ainsi. Vivre n’est probablement pas le bon mot.

Ici au Québec, quand nous parlons de simplicité volontaire, d’achat local, du respect de l’environnement ou encore du partage de la richesse, nous sommes rapidement catalogués au rang d’idéalistes de gauche, car c’est toujours plus facile de catégoriser que de réfléchir. Les Walmart continuent à vendre leur bas prix de tous les jours, pourquoi s’en priver? Et pourquoi pas ces pyjamas chez Children’s Place en paquets de trois pour 22,99$? Qui sommes-nous pour réinventer le monde? Pire encore, qui sommes-nous pour faire la morale à cette classe moyenne des couronnes qui passe sa vie à dénoncer son étranglement fiscal? Et bien nous sommes humains. Et conscients. Et convaincus que tout humain a droit à la dignité. Mais plus encore, nous sommes, je suis, absolument dégoutés que nous laissions volontairement des barrières culturelles, des milliers de kilomètres ou des réalités macroéconomiques nous fermer les yeux sur le terrible sort que vit présentement l’humanité. Nous sommes tous responsables de notre aveuglement. Nous fermons les yeux en toute connaissance de cause. Nous nous forgeons de belles excuses, aussi alambiquées que ces neuf étages du Rana Plaza tombées en ruine comme un révélateur terrible de la cupidité humaine, pour bénéficier à notre manière de cette misère. Nous fermons les yeux et demeurons complices pour notre petit bien, en profiteurs lâches d’une globalisation qui nous aura immunisés à la misère d’autrui. Les yeux fermés et le coeur barré à double tour par le déni, au volant de notre mini-fourgonnette, nous nous rendons au Supercentre le plus proche, sans clignoter et en roulant en diagonale dans le stationnement, trop pressés d’arriver pour acheter. Le jour où les rôles seront inversés, où l’ordre établi ne sera plus en notre faveur, qui sera là pour nous?

Crédits photos et fonds d’indemnisation
L’émouvante photo montrée en introduction a été récompensée du 3e prix dans la catégorie «Fait divers» lors du dernier World Press Photo. Ce cliché, tout comme celui présenté plus bas, sont tous deux de la photographe activiste Taslima Akhter. Pour en savoir plus sur son oeuvre et son engagement, c’est ici. Pour en connaître plus sur l’offensive Clean Clothes Campaign qui vise à bâtir un fonds d’indemnisation de 40 millions de $ pour les familles des victimes, c’est ici. Fait à noter, plus de la moitié des marques qui exploitaient le Rana Plaza, donc Benetton et J. C. Penney, n’ont pas encore versé un sous au Fonds à ce jour.

P.-S.: Les prénoms des victimes et leur lien ont été inventés pour mieux transposer le drame.

samedi 6 septembre 2014

Le doigt d’honneur d’Under Armour



Les réseaux sociaux communiquent généralement, en temps réel, des perceptions simplifiées et polarisées dont la pertinence n’a d’égal que la volonté de leurs auteurs à tristement vouloir attirer l’attention. Je le sais car j’en suis parfois. Ceux qui s’expriment croient réellement détenir un pouvoir d’influence alors qu’ils ne font que s’embarrasser eux-mêmes, vautrés dans une illusion puérile qui relève de leur désir intime de vedettariat. Seuls les vulnérables tombent dans le piège de vouloir rectifier les choses en ne donnant au monstre que ce qu’il désire: un petit moment sous la lumière. 

Qui peut douter que la réalité tangible des choses, qu’elle soit politique, personnelle ou encore commerciale, n’a que très peu à avoir avec celle véhiculée sur Twitter? Les résultats aux dernières élections provinciales, les rendements commerciaux des oligopoles du pétrole ou encore la popularité de la plupart des artistes préfabriqués de la scène pop en demeurent des preuves irréfutables: que des convaincus se chamaillent par grappes d’affinité ou encore se confortent entre eux ne contribue en rien au progrès social. Oui, les outils permettent une diffusion plus immédiate de la réalité et permettent de sentir un certain pouls, mais ceux qui ignorent ces véhicules demeurent probablement les esprits les plus sains de notre société. J’aimerais faire comme eux. 

Dans ce message de l’agence new-yorkaise Droga5, la mannequin et actrice brésilienne Gisele Bündchen et la marque Under Armour font carrément un doigt d’honneur symbolique et sain à cette ère du commentaire futile, pour valoriser le réel pouvoir qui devrait dicter nos actions: celui de notre volonté et non de notre vulnérabilité aux regards des autres. Ici, pas de robe sexy, pas de Louboutin, pas de gloss irrésistible: qu’une hargne bien sentie et ancrée dans la pertinence de l’expérience. 

D’une facture dénuée d’artifices, de musique, où des projections évocatrices viennent amplifier les coups de pieds comme un défoulement par procuration, ce message propulse la marque de manière assez pure dans un registre aspirationnel à mille lieues des clichés habituels sur le dépassement de soi. La marque navigue dans l’être. Gisele l’incarne parfaitement. Absolument bien fait.

lundi 1 septembre 2014

De l’intérêt et la passion

En cette fête du Travail, j’ai décidé d’écrire sur un sujet qui m’habite depuis quelques temps mais qui n’a que très peu de lien avec la publicité ou le branding, alors bienvenue à une petite séance de philosophie de salon sans prétention...

En observant un peu le monde dans lequel je vis, un monde à la fois politique, commercial, amical, amoureux; un monde qui évolue et qui régresse simultanément selon les conjonctures, les ruptures et le niveau de volonté investi, je constate deux notions maîtresses qui scindent cet univers: l’intérêt et la passion. 

Ces deux notions habitent les individus mais sont rarement présentes à parts égales. En fait, j’ai la conviction qu’elles déchirent nos sociétés en s’affrontant sur différents fronts, car l’intérêt et la passion émanent de différentes motivations. La peur anime l’intérêt: peur de ne pas y arriver, de l’échec, peur inconsciente de la mort, de la solitude, du rejet, de la précarité. Alors que la principale source de motivation de la passion demeure la quête. Oui, cette quête d’absolu, de dépassement, de réaliser le moment. Là où la peur a poussé certaines personnes à des réussites absolument délirantes, la quête, apparemment souvent irrationnelle, a pavé la voie aux plus grands changements dans nos sociétés.  

Les notions d’intérêt et de passion représentent en soi deux modes opératoires, deux registres, deux tonalités. L’intérêt évoque un but précis, un calcul, une planification et un ordre d’accomplissements graduels qui mèneront à l’atteinte de différents objectifs comme la sécurité, le confort et le pouvoir, qui viendront tous à leur manière donner l’illusion d’annihiler la peur. La passion viendra pour sa part évoquer une profonde conscience du moment présent, une joie dans l’accomplissement, un ressenti omniprésent et une action orientée qui se suffit en soi. La passion peut impliquer un grand objectif abstrait, mais elle n’abandonnera pas sa conscience et ses valeurs au profit de ce dernier. L’intérêt carbure souvent dans la douleur pour arriver à ses fins, en projection dans le futur, tandis que la passion n’a pas de fin précise et s’oxygène au présent. 

Il est facile d’imaginer ces deux concepts transposés dans différents contextes: affaires, politique, culture… Gates et Microsoft incarnant l’intérêt, Jobs et Apple incarnant la passion. Un politicien comme Harper symbole de l’intérêt alors qu’un Gérald Godin représenterait la passion. Ou encore un McCartney surfant sur l’intérêt et un Lennon sur la passion. Mais au fond, il n’en est rien. Ces deux composantes animent probablement chacun d’entre nous dans différentes portions et s’affrontent tout autant dans nos espaces mentaux que sur les fronts politiques et du milieu des affaires dans nos sociétés. Il est facile de prétendre être au-dessus de ses peurs, mais rien n’est plus faux. J’aspire personnellement à me défaire de mes peurs, c’est le contrat d’une vie, en alimentant ma passion au jour le jour. J’espère avoir réussi à inverser les proportions qui m’animent et à polariser cette énergie saine qui, rassemblée, me permettra de m'accomplir pleinement. Car pour moi, vivre par intérêt, c’est exister par défaut. Et vous, qu'en pensez-vous?

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