lundi 26 novembre 2012

Les bonnes intentions



En publicité, nous nous attaquons souvent à modifier des perceptions pour les orienter favorablement en regard avec les objectifs des clients. Mais soyons honnêtes, ces fameuses perceptions ne représentent que très peu souvent la réalité. Dans un monde idéal, et c'est la démarche que nous empruntons à l'agence où j'évolue, il faut concilier la réalité d'un produit, d'un service ou d'une cause à la campagne de publicité qui sera déployée, pour que cette cohérence mène à une relation à long terme entre l'annonceur et ses clients. Les promesses qui ne sont pas remplies ne peuvent que générer des relations éphémères qui ne seront pas rentables pour aucune des deux parties. Mais qu'en est-il quand nous traitons d'une cause qu'il est physiquement impossible de valider à moins d'oeuvrer dans l'humanitaire sur le terrain? Qu'en est-il de nos préjugés sur la pauvreté dans certaines régions du monde, l'Afrique étant le meilleur exemple? Sommes-nous avisés ou plutôt englués dans des bons sentiments qui, au fond, ne servent personne sinon notre conscience, furtivement?
C'est dans cet esprit que le Norwegian Students' and Academics' International Fund a développé la campagne Radi-Aid (Merci à Nathalie Nassif pour le tuyau) devenue rapidement virale vendredi dernier, qui met en scène des Africains qui désirent venir en aide aux Norvégiens pour leur éviter de mourir de froid. Ce canular humoristique, pastiche évocateur de la célèbre campagne «We are the World» par USA for Africa en 1985, vise par une stratégie décalée à démontrer l'absurdité de plusieurs initiatives humanitaires tout en prônant des objectifs de communication clairs. Dénoncer les collectes de fonds basées sur des stéréotypes, prôner une meilleure éducation en ce qui a trait à l'état du monde, démontrer du respect pour les communautés dans le besoin tout comme orienter l'aide sur des besoins réels, représentent les assises communicationnelles de cette offensive surréaliste. C'est à mon humble avis un exercice tout à fait réussi qui exploite de manière très intéressante cet aveuglement volontaire dont nous sommes trop souvent affublés. Plusieurs médias européens ont repris la vidéo lors de leurs bulletins de nouvelles, du média mérité à son meilleur, du film publicitaire qui fait réfléchir, comme je les aime!
Combien de fois avons-nous fait du mal à un proche en voulant l'aider, animés des meilleures intentions du monde mais pas assez informés sur les enjeux réels? Combien de fois avons-nous cru tout comprendre alors que nous étions fixés sur la croute superficielle d'une situation? Aider requiert un investissement de soi, un recul, une cueillette sérieuse d'information, une lucidité et une capacité d'analyse. Ce que nous croyons percevoir comme la réalité n'est trop souvent qu'un mirage que nos bonnes intentions, seules, ne pourront dissiper.

mardi 20 novembre 2012

La transparence



Ça m'étonne toujours de constater à quel point le partage, l'altruisme et la transparence sont érigés en Saint Graal dans notre société alors que dans les faits, au quotidien, ça se joue plus souvent qu'autrement au plus fort la poche. Il semble impossible pour le commun des mortels d'admettre son égocentrisme. On préfère plutôt avoir l'air vrai pour que ceux qui vont se permettre de se projeter dans notre image ressentent de l'envie. L'honnêteté est devenue un jeu opaque et sombre où les pulsions sont cachées, réprouvées, où les aspirations individuelles sont enterrées au profit des intérêts du groupe, où l'ambition n'a de place qu'en de très rares moments. Nos vies représentent malheureusement trop souvent des scénarios glauques de jeux politiques inintéressants. Et là, décembre arrive avec son lot de bons sentiments surfaits, à grands coups de guignolées, de paniers de Noël qui débordent et de reportages sur la pauvreté… Je ne dis pas qu'il n'existe pas de bonnes personnes sur cette terre, disons que je doute simplement de l'authenticité de la majorité. Et surtout, loin de moi l'idée de me penser meilleur que vous, bien au contraire. Mais la réalité, c'est qu'on donne pour les mauvaises raisons, au mauvais moment.

Le premier pas vers un monde meilleur se retrouve probablement dans notre capacité à être lucide envers nous-mêmes. À délester un peu de cette pression sociale pour prendre un peu plus de plaisir à se retrouver avec nos qualités, nos défauts, nos angoisses et nos aspirations profondes. À trop vouloir être au sommet de la pyramide, on en devient déconnectés de l'évidence: chaque moment ne repassera pas une seconde fois. J'imagine que notre nature animale nous pousse parfois à écraser la concurrence, subtilement ou pas, mais quand on s'arrête un peu pour y penser, tout ça devient absurde, on se tire nous-mêmes vers le bas.

Cette petite publicité rigolote de HBO, qui vise à mousser les DVD de ses séries cultes, agit comme un révélateur de la nature humaine en rapport avec l'essence des émissions. Fourberie, tromperie, violence, peu importe, la télévision nous permet aussi de vivre nos fantasmes et pulsions inavouées par procuration. En fait, notre consommation culturelle en dit probablement beaucoup sur ce que nous sommes vraiment, au-delà de nos belles petites marques personnelles façonnées par nos statuts Facebook, par nos tweets, par nos photos retouchées sur Instagram ou encore par un «Check in» Foursquare dans un endroit branché. La transparence passe par soi. Par se regarder dans le miroir et tenter de s'accepter tel que nous sommes vraiment: tout sauf transparents.

vendredi 16 novembre 2012

L'autre


Les plus grandes souffrances sont infligées par les autres. Les blessures, qu'elles proviennent de l'enfance ou d'un traumatisme récent, qu'elles aient été volontairement provoquées ou infligées par les aléas de la vie comme la maladie d'un proche ou encore un accident bête, sont toutes reliées à l'autre, à notre réaction à l'autre. Nous sommes des êtres foncièrement sociaux. Nos bonheurs les plus grands comme nos déceptions les plus amères possèdent toujours ce lien avec l'autre, avec les autres. Certains diront que tout part de soi, et c'est vrai, mais au fond, c'est notre environnement qui se sert de notre corps comme d'un sac de sable sur lequel un boxeur se défoule à l'entraînement. Car à la base, si ce n'est de nos gènes et des probabilités diverses de développer différentes pathologies et maladies, nous sommes neutres. Cette évidence ne nous soustrait par contre en rien à notre plus grande responsabilité, celle de s'approprier notre destin, celle de l'estime de soi, dans la confiance intime en nos capacités. L'enfer c'est les autres, disait Sartre avec raison, mais ce qu'il omettait, c'était de dire que l'enfer était aussi et surtout le pouvoir qu'on accorde aux autres sur notre intégrité. 

Le thème de la violence conjugale est un sujet traité mille fois en publicité. La plupart du temps, les créatifs misent sur la violence et sur le choc déstabilisateur qu'elle engendre auprès de la cible. Parfois, et c'est le cas de la publicité mexicaine présentée en introduction (une création de Y&R Mexico) on mise sur la psychologie. Dans cette approche, rien de sensationnaliste. Simplement un dialogue, enfin, ce que l'on croit être un dialogue entre une victime et son thérapeute. Un dialogue introspectif qui dévoile l'essence de la culpabilité et de la fragilité intérieure de la victime. Cette posture psychologique, qui tend souvent à donner le bénéfice du doute à l'agresseur en diminuant sa propre estime de soi et en s'attribuant une partie importante de la responsabilité de la situation, me semble réellement névralgique. Mais plus encore, et c'est dans la finale qu'on le communique, la clé réside dans l'aide. Or, la solitude demeure trop souvent la prison des femmes violentées et de leurs enfants. Cette stratégie de création, une véritable diversion, dresse la table pour le positionnement de l'organisme annonceur en fin de message par le biais de son atout principal: la présence et le dialogue qui pavent la voie à la prise de décision des victimes d'enfin briser ce cercle vicieux.

Le plus difficile pour un être blessé par l'autre, c'est justement de faire confiance à l'autre pour l'aider à trouver des voies de guérison. Rien n'est aussi naturel que l'isolement comme réponse à l'agression, tout comme rien n'est aussi contre-intuitif que l'abandon à l'autre pour résoudre une situation. En publicité, nous avons trop souvent tendance à considérer comme légitimes des pistes de création qui nous viennent intuitivement. Nous gagnerions tous à parfois se laisser tenter par le contraire de nos pulsions en envisageant, ne serait-ce que sur le plan fictif, des solutions aux antipodes de l'évidence. Je crois vraiment que le côté sombre regorge de possibilités inexploitées… 

lundi 12 novembre 2012

L'immersion


Les «stunts» publicitaires ont particulièrement la cote depuis quelques années. Ces événements, aussi uniques que surprenants, s'inscrivent très bien dans le programme de communication des marques, car ils permettent un contact direct avec les prospects dans un contexte qui provoque l'adhésion par la surprise. Ils représentent aussi une belle occasion d'affirmer la personnalité de la marque par la propagation de la portée de l'opération sur médias sociaux. Les «stunts» publicitaires demeurent des tactiques marginales, mais ce 5% de folie prévu au plan de communication représente selon moi un pari intéressant, surtout s'il est maillé de manière organique avec les stratégies publicitaires principales. Le meilleur exemple des dernières années demeure selon moi le magnifique Arctic Sun de Tropicana

Le cas du téléphone intelligent Sony Xperia, montré en introduction, représente une belle réussite à mes yeux. L'opération communique un avantage concurrentiel important du produit, soit le fait qu'il soit imperméable, dans un environnement choisi qui offre une surreprésentation de la clientèle ciblée, le tout harmonisé à l'expérience du film (Skyfall). C'est sans compter sur le souci du détail, comme d'avoir pensé à attacher le téléphone à la paille pour éviter que l'usager ne doive tremper ses mains dans sa boisson gazeuse. En résumé: de bonnes émotions, le bon ton, un peu de mystère et une exécution parfaite. Rien à redire. On devrait nous déstabiliser plus souvent au Québec avec des tactiques de ce type. Après tout, si ça fonctionne en Scandinavie dans un marché sensiblement similaire au nôtre, je ne vois pas pourquoi ça ne fonctionnerait pas à Montréal.

L'immersion d'une base de prospects dans l'univers d'une marque doit déborder le cadre de la publicité dans les grands médias. Le lien physique avec le produit, l'émotion générée par l'étonnement, l'envie chez les personnes autour, tout ça relève d'une volonté de sortir des sentiers mille fois battus par la publicité télé. Mais ça prend du courage, tant de la part du publicitaire que de l'annonceur, du courage et de la foi dans une bonne idée. Un «stunt», c'est une occasion unique, c'est un saut périlleux hautement risqué et nous devons assumer ce risque élevé. Si vous n'aimez pas l'adrénaline générée par une petite folie, c'est que vous n'êtes pas fait pour la publicité, tant du côté agence que du côté annonceur. À mon avis, il vaut mieux risquer une immersion et s'étouffer un peu que de demeurer noyé dans les mêmes petites recettes médiatiques, années après années.

jeudi 8 novembre 2012

La dépendance



Nous sommes tous programmés à en vouloir plus. Les églises ont été remplacées par les centre commerciaux, qui sont devenus nos temples. La consommation fait partie intégrante de nos marques personnelles, mais elle représente aussi pour la plupart d'entre nous le générateur d'adrénaline qu'on associe à tort ou à raison au bonheur. Celui d'anticiper une possession et de passer à l'action pour passer à la prochaine étape. Sans notre «fix» de consommation, nous devenons moroses, nous perdons nos repères. Nous sommes tous programmés à être dépendants. Condamnés à avoir soif et à subir l'insatisfaction. Tous dépendants, mais pas tous malades de la dépendance. L'alcoolisme et la dépendance aux drogues minent la vie de familles entières dont l'espoir réside dans la conscience et l'abstinence de ceux qui consomment. Si nous pouvons difficilement protéger nos enfants de l'omniprésence de la surconsommation, pouvons-nous tenter de prévenir et de conscientiser les jeunes pour ainsi désamorcer certains cas de dépendance potentielle à l'alcool et aux drogues? Et ce, sans faire la morale et tomber dans les tactiques puériles de peur?

C'est ce que la Fondation Jean Lapointe tente de faire. L'organisme, qui mise essentiellement sur une approche lucide basée sur des statistiques et sur une compréhension étoffée de la posture psychologique des jeunes, cible les 12 à 14 ans en milieu scolaire en allant à leur rencontre, tout comme par le biais d'un microsite bien ficelé dédié au programme Mon indépendance, j'y tiens!  Une campagne de sensibilisation, dont la publicité montrée en intro fait partie intégrante, a été lancée la semaine dernière lors du grand événement de financement de l'organisme, le Grand Festin d'huîtres. 

Quand on connait l'incidence de la consommation précoce d'alcool sur le développement de l'alcoolisme, quand on tient compte des possibilités génétiques qui font qu'un pourcentage important de nos enfants peuvent devenir des bombes à retardement, la mission de la Fondation Jean Lapointe devient évidente de pertinence. Imaginer mon fils de 6 ans pris avec une dépendance intense à l'adolescence me tétanise. Mais quand je vois une organisation sérieuse faire un super travail de sensibilisation et de prévention, épaulée par une agence de publicité reconnue (Alfred), ça me rassure. Et là, c'est le père en moi qui parle et non le publicitaire. Le publicitaire, lui, apprécie la créativité stratégique, la justesse de la tonalité et la concision du message. 

Pris dans nos quotidiens, pris dans nos compulsions, nous ne réalisons pas toujours à quel point nous dépendons des intervenants et organismes voués à rétablir l'équilibre social des familles. Défi marketing, mon agence, développe présentement une campagne qui, nous le souhaitons, servira au printemps 2013 à démontrer la nature du rôle et de l'importance de certains intervenants. J'entends quotidiennement des politiciens parler de notre dépendance à l'économie, à sa vigueur. Ma réalité à moi me dicte de placer l'humain avant les dollars, dans un monde froid et trop souvent injuste. Je tente de me sevrer du Apple Store et c'est dur. Mais vous savez quoi? Je suis chanceux au fond.

lundi 5 novembre 2012

Les phallus



Nous le savons tous, j'en ai souvent parlé, la sexualité est un levier de création important en publicité. La pulsion sexuelle demeure malgré nous au centre de nos vies, car elle incarne notre mission première, bien au-delà du plaisir associé à l'acte, celle pour laquelle nous sommes programmés: nous reproduire. Malheureusement, cette corde est la plupart du temps utilisée de manière télégraphiée, trop souvent encore par l'exploitation gratuite du corps de la femme. D'arrimer une création axée sur le sexe à une stratégie de communication intelligente qui, au fond, se base sur des faits, relève de l'exploit. Mais quand on parle de sexe, pertinence ou pas, on se retrouve souvent en terrain glissant. Très glissant.

Dans le contexte de la journée mondiale des végétariens, qui avait lieu le premier novembre dernier, l'agence Fallon London, à la demande de son client PETA (une association à but non lucratif de défense des droits des animaux), a créé un message publicitaire aussi décalé et controversé que stratégiquement aligné. En se basant sur différentes études qui prouveraient le rôle de l'augmentation de la consommation de légumes sur la vitalité sexuelle, la publicité présente des hommes de différents âges et de différents milieux exhibant leur virilité renouvelée et particulièrement bien dressée, sous forme de fruits et légumes appelant l'image du phallus en érection. Le film est un peu trop long (mais c'est dans la thématique), la musique donne mal à la tête, mais je tiens à souligner la qualité de l'idée, aussi simple que pertinente.

Le sexe fascine autant qu'il indispose, c'est un objet à manier avec délicatesse. Environ la moitié des gens ayant regardé la publicité sur Youtube ne semble pas l'avoir appréciée. J'aimerais bien connaître la nature réelle des malaises qu'elle génère. Car selon moi, dans l'univers dans lequel nous vivons, si une transposition du sexe masculin suffit pour déstabiliser certains individus, c'est qu'ils ou elles n'ont aucune idée de la réalité sur le terrain. Nous ingérons des quantités phénoménales de viandes de toutes sortes sans souvent réaliser qu'il y a bel et bien des animaux bien vivants en amont pour fournir toute cette chair. Quand on y pense, de voir une banane ou un concombre servant de phallus à des hommes visiblement heureux, c'est rien pour écrire à sa mère. Et si ça peut en émoustiller quelques uns ou quelques unes, tant mieux! Vive les légumes!


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