mardi 16 novembre 2010

Le visage de la réalité

Il est 19h08. Nous sommes mardi soir le 16 novembre 2010. La plus grande campagne virale de l'histoire du Québec a lieu au moment même où j'écris ces lignes. Le site Internet de l'assemblée nationale du Québec est débordé et son accès est limité. La plupart des grands médias ont déjà «spinné» la nouvelle, du Devoir à TVA. Des centaines de gens sur Twitter alimentent le virus. Le grand public s'emballe et le sujet s'installe dans les foyers. Plus de 100 000 personnes en une journée qui s'engagent à signer une pétition en fournissant leur nom, leur code postal et leur adresse courriel, pour signifier leur désapprobation, c'est tout sauf banal pour un peuple qui compte moins de 7,5 millions d'habitants. Aux États-Unis, toutes proportions gardées, on compterait pour une campagne semblable plus de 4 millions de signatures. Le motif de cette pétition? Demander la démission de Jean Charest, Premier ministre du Québec.


Philippe Leroux, président de l'agence interactive Phéromone, appelle à l'octroi d'un prix Boomerang pour souligner l'idée. Michelle Blanc la commente sur RDI. Cette campagne virale dépasse les allégeances et signifie probablement le début d'une nouvelle ère en ce qui a trait à la démocratie. Si la signature en ligne d'une pétition n'a pas et n'aura jamais la valeur d'un vote, le jour du scrutin, un vote qui nécessite un déplacement à un endroit donné et un enregistrement au préalable sur la liste électorale, on ne peut nier la signification de ce geste posé spontanément par des milliers de citoyens. Le Premier ministre interprète le tout comme une désapprobation, sur l'air du temps, de certaines politiques et décisions récentes de son parti. J'aimerais apporter une nuance: poser un geste de la sorte sur Internet, dans un univers où chaque clic est mérité et où l'attention des internautes est aussi éphémère qu'une orchidée rare, de surcroît dans un contexte où le site en question est débordé et nécessite souvent plusieurs visites, révèle une motivation profonde de la part de ceux qui y prennent part. Ces minutes investies expriment plus qu'une frustration du moment. L'équation ne serait pas rentable pour un usager normal si son bénéfice, l'expression d'une grave inquiétude et d'une contrariété marquée, n'était pas supérieur à l'énergie requise. C'est clair pour moi, ce n'est encore que le début et les résultats de la pétition, qui sera officiellement terminée en février, feront peur et auront l'effet d'une épine au pied du gouvernement libéral.


Peu importe mes allégeances politiques, nous avons tous à apprendre certaines choses en observant ce qui se passe en temps réel présentement. La démocratie revêtira à partir de maintenant un visage virtuel. Un nouveau visage qu'on ne pourra ignorer bien longtemps. Le visage de la réalité.

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