dimanche 30 janvier 2011

Quand local rime avec banal



Dans tous les marchés du monde, il y a de la publicité développée localement et qui ne trouve sa pertinence qu'auprès des habitants d'une région donnée. Nous croyons souvent à tort que le marché québécois est le seul à montrer autant d'insipidités publicitaires, quand dans les faits, le même phénomène existe partout. Vous n'avez qu'à regarder les publicités de concessionnaires automobiles de Burlington sur les chaînes américaines pour vous en convaincre. Je crois, cependant, que cet état de fait fausse malheureusement la perception d'un bon nombre d'individus par rapport à la publicité, car ces inepties occupent trop d'espace et provoquent bien souvent les comportements de zapping et de zipping du consommateur. Car même si les publicités des marques nationales ne sont pas toujours transcendantes, elles proviennent généralement d'agences sérieuses et créatives qui ont développé leurs stratégies de création en se basant sur de la recherche et des observations pertinentes, ce que font trop rarement les annonceurs locaux. Qui plus est, ces derniers ont souvent recours directement aux stations de télé pour les assister dans la production de leurs messages, de là l'amateurisme conceptuel et les recettes qui ont usé notre patience à travers les années. Économiser en production est probablement la pire erreur à commettre. Trop le font encore aujourd'hui.


Prenons l'exemple de cette publicité de l'Institut linguistique présentée en intro, qui communique depuis toujours son fameux numéro 254-6011, en anglais. Combien investit cet annonceur en média sur une base annuelle? À vous de spéculer, mais cette présence est assez importante pour nécessiter une création pertinente, stratégique, déstabilisante, percutante, mémorable. Or, à l'instar de la Reine des sauces dont j'ai critiqué l'approche l'an dernier, tout ce qu'on trouve à nous montrer est une succession de clichés mal interprétés, sur fonds infographiques dignes du Bloc de l'Est du début des années 90. Franchement, l'annonceur mérite mieux et nous, les consommateurs, méritons infiniment mieux. Mais comment faire réaliser à certains annonceurs que leur publicité minent leur marque quand, pour eux, elle représente un générateur de nouvelles affaires? C'est là que se joue le drame. Ces mêmes annonceurs récoltent qu'une infime partie des dividendes que devraient générer leurs budgets publicitaires, mais ne réalisant pas l'opportunité de la création conceptuelle, ils se contentent de miettes et ne font qu'irriter toute une portion de leur cible qui pourrait éventuellement avoir recours à leurs services, au lieu de bâtir un capital de sympathie. Ils ne savent pas et ne veulent pas savoir. J'en ai rencontré plusieurs et il n'y a rien à faire, si ce n'est que collectivement leur signifier notre écoeurement de ces publicités, mais bon, je le sais, vous avez, et c'est tout à votre honneur, d'autres choses à faire.


Le Québec regorge de talents. Des dizaines de petites boîtes de production réussiront à faire des merveilles avec des budgets modestes. Des agences de publicité, dont celle où j'évolue, ne demandent pas mieux que d'offrir leurs conseils dans un cadre forfaitaire raisonnable. Il n'y a franchement pas d'excuses pour produire de la connerie publicitaire en 2011, si ce n'est que la paresse et la peur de sortir de modèles désuets, dépassés, désespérants.

jeudi 27 janvier 2011

Chérie, j’rentrerai pas tard…



J’adore les tactiques de terrain qui ne se prennent pas au sérieux. Des idées un peu folles qui rejoignent des situations porteuses et qui s’harmonisent à merveille avec la réalité. Prenons le cas de la bière argentine Andes présenté en intro. C’est délirant. De la construction de la fameuse cabine «télétransporteuse», insonorisation absolue comprise, en passant par les différentes ambiances proposées, l’opération est absolument ludique et positionne la marque comme une alliée des hommes oppressés par leurs copines contrôlantes. Une déclaration de guerre aux «Gère-mènes» de ce monde.


Je l’ai souvent répété, et je ne suis pas le seul : une marque ne vend pas un produit ou un service, elle vend un bénéfice ultime. Dans ce contexte bien précis, le bénéfice, c’est la liberté, celle de se retrouver entre amis autour d’une innocente petite bière blonde, à discuter de nos problèmes existentiels, de nos rêves, de nos émotions. Évidemment, je blaguais. Car la liberté implicitement véhiculée par l’opération relève aussi et surtout de la liberté de draguer, de l'attrait sexuel pur. Or, c’est un bénéfice assez difficile à véhiculer au premier degré, rectitude politique oblige, et qui est magnifiquement rendu à travers cette campagne. À toutes mes lectrices, sachez que même si la clientèle masculine est visiblement ciblée, le «télétransporteur» pourrait tout aussi bien être utilisé par une femme. JE présume qu’il vise les hommes, mais au fond je n’en sais rien, je ne suis qu’un humble mortel. Enfin, pas de danger pour l'instant qu'une bière québécoise puisse démontrer pareille audace. Ici, généralement, on se concentre à faire de la surenchère sur la froideur de la bière, ou sur la petitesse infinitésimale de ses bulles...


Du Philly onctueux…

Un proche collaborateur de l'agence m’a fait découvrir il y a quelques temps le site de l’album concept «Open Loops» de l’artiste hip-hop néerlandais Pete Philly. Stratégie de mise en marché intéressante: il a progressivement diffusé le matériel de son dernier album, à une fréquence d’un morceau par semaine durant 14 semaines, sur son site Internet, le tout absolument gratuitement. Les clips, réalisés en ultra ralentis vraiment esthétiques, sont de véritables œuvres d’art. À voir lentement pour découvrir toutes les subtilités. Je vous laisse sur ma chanson préférée. Bonne fin de semaine!


mercredi 26 janvier 2011

La nostalgie



Je suis opposé à la malbouffe, en principe, mais je suis aussi absolument en faveur du droit de choisir de manger ce qui nous tente quand ça nous tente. Or, quand vient le temps de choisir, c’est là que le marketing et la publicité entrent en ligne de compte sans qu’on ne le veuille vraiment. C’est comme ça. Quand on pense à McDo, il faut reconnaître qu’elle a plus souvent misé sur les bonnes stratégies que sur les mauvaises. Hormis le fait d’avoir été l’un des plus gros joueurs à comprendre la valeur d’une publicité culturellement pertinente, nous pouvons sans aucun doute affirmer que la stratégie la plus fumante de cette chaîne est sans contredit son approche avec les enfants. Le tout est d'une simplicité désarmante: on flatte les papilles gustatives de nos petits bouts de choux avec du gras, du salé et du sucré, on donne en prime un jouet stéréotypé en fonction du sexe de l’enfant et hop, le cycle d’achat est démarré, avec comme résultante pour la multinationale une valeur à vie chez certains clients qui doit dépasser les 10 000$. Pas mal.

Oui, c’est absolument discutable sur le plan éthique, d’ailleurs la ville de San Francisco a récemment interdit au cloune sympathique de donner en prime des jouets aux enfants si les repas ne respectaient pas certains critères nutritifs. Oui, ce conditionnement relève de la manipulation. Or, fait inusité pour ce géant, les générations X et Y délaissent graduellement le cloune. Tristounet qu’il est de voir ses anciens dévoreurs de Big Mac se retrouver chez Thaï Express ou ailleurs, il se lance dans les salades (tactique perfide pour répondre à la tendance santé, mais là n’est pas la question, enfin oui un peu, car aller manger santé chez McDo ne fait aucun sens sur le plan de l’expérience) et présente la publicité montrée en intro qui mise sur la nostalgie et qui est intitulée Souvenirs d’enfance.

Et bien, je dois admettre qu’elle est réussie cette publicité. Très réussie. Elle vient, dans un registre pas très subtil mais ô combien efficace, rappeler aux anciens supporteurs du gentil Ronald qu’il a déjà été leur ami. Cette publicité me rappelle ma scène fétiche de Mad Men que je vous ai déjà présentée. Ce n’est pas une grande publicité, mais c’est une publicité qui fonctionne car elle parle à ce que nous sommes au lieu de se limiter à nous vendre du suif incarné en hamburger au bacon. Ça ne fera peut-être pas sonner les caisses enregistreuses de manière délirante, mais ça en reconnectera certains avec leur passé. Dans un monde où ce qui s’est passé hier est déjà révolu, c’est déjà ça.

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Un gros merci à Normand Boulanger pour m'avoir refilé le lien de la publicité en question.

lundi 24 janvier 2011

La part d’ombre



En publicité, les personnes les plus brillantes que je connaisse en création s’en tiennent souvent à un grand principe : interpeler les aspirations, les rêves. Or, la quête existentielle de chaque individu est différente. Certains vivent heureux en réalisant de petits rêves quotidiens, tandis que d’autres restent malheureux en s’approchant infiniment près de leur grande aspiration, la frôlant presque, sans ne jamais pourtant l’atteindre. De concilier chez des auditoires assez vastes des visions parfois excessivement divergentes relève de la prouesse «sociologique». Pour ce faire, il faut simplifier, remonter le courant jusqu’à sa source, comprendre ce qu’on pourrait appeler les «métadéclencheurs». C’est ce qu’on retrouve dans les grandes tragédies grecques, tout comme, par exemple, dans Le Lac des cygnes transposé magnifiquement par Darren Aronofsky dans le film Black Swan. Dans ce dernier film, c’est la dualité, cette part d’ombre présente dans chacun de nous qui est traitée. Or, cette dualité représenterait un merveilleux outil de création publicitaire pour une marque dont le produit ou le service offrirait comme bénéfice ultime la liberté d’être réellement soi-même.

Si nous désirons véritablement communier avec le consommateur et bâtir un lien puissant de confiance qui mènera à la fidélité et à la propagation virale de la marque par le bouche à oreille, il est évident que le point de départ est de bien comprendre où notre marque s’insère dans la vie de nos prospects et clients. Où elle s’insère et avec quoi elle doit rimer. Une marque qui me donnerait d’une manière ou d’une autre la liberté d’être celui qui mijote secrètement en moi, avec tout ce que ça implique, se donnerait beaucoup de chances de me convertir, bien au-delà des discours creux favorisés en cette ère de rectitude politique lassante. Comprendre et parler à la part d’ombre de nos cibles, là repose un potentiel trop souvent inexploré en création publicitaire.

jeudi 20 janvier 2011

L'impuissance



Peu importe mes allégeances politiques, je crois que la publicité et les tactiques négatives en démocratie sont peut-être, par des détours sinueux, compréhensibles d'un point de vue électoraliste, mais ô combien discutables, voire même stupides d'un point de vue de la marque. Le Parti Conservateur du Canada a lancé cette semaine une campagne publicitaire négative et a opéré au Canada anglais une stratégie de convergence vers un microsite à la coordonnée Ignatieff.me. Ce microsite me dégoûte, même si je suis tout sauf un partisan d'Ignatieff. Il me dégoûte car il méprise l'intelligence de la population et joue dans l'anti-intellectualisme primaire. Il me rebute car j'attends de la classe politique, peu importe son idéologie, qu'elle fasse l'effort minimum pour m'inspirer et me communiquer l'essence de sa raison d'être. Je veux une vision claire. Je veux qu'on m'incite à adhérer à une aspiration qui dépasse mon nombril ou mon esprit partisan. D'un point de vue psychologique, le dénigrement, c'est la négation de soi à travers le prisme de la peur, de l'envie.


Vous avez sûrement autour de vous des gens qui deviennent automatiquement jaloux de votre succès, qui méprisent votre réussite, qui s'estompent ou jouent aux hypocrites lorsque vous accomplissez quelque chose de bien. Ces gens vivent votre succès comme leur échec. Au lieu d'être fiers de vous et d'être inspirés par vous, ces gens tenteront de miner ce que vous êtes, pris dans l'impuissance qu'il éprouvent sur le plan des émotions à se remettre en question. La publicité négative, pour moi, c'est ça. Un témoignage d'impuissance. Une preuve de faiblesse qui n'intéressera que les faibles d'esprit. Un jeu puéril qui ne plaira qu'à ceux qui veulent gagner, mais au bout du compte, tout le monde y perd.

mercredi 19 janvier 2011

Je sais que je ne sais pas


La publicité qui divertit, lorsque la marque y est bien présentée, associe tout simplement le plaisir aux messages stratégiques que nous désirons faire passer, pour séduire. Le problème, généralement, c’est de trop vouloir séduire. De trop vouloir divertir. D’en mettre trop et d’implicitement faire paraître la marque comme une personne qui veut réellement qu’on passe la nuit avec elle, sans aucune subtilité. Ce n’est pas en laissant transparaître sa vulnérabilité et en trahissant de manière trop évidente notre besoin d’être avec l’autre que nous réussirons à le charmer. Or, nous savons tous que le meilleur moyen d’arriver à ses fins en séduction, c’est de se faire désirer un peu, de cultiver certains silences stratégiques qui inciteront l’autre à projeter ses aspirations et ses idéaux en nous. La publicité peut faire ça. Mais parfois, elle s’éclate complètement, devient déraisonnable, excessive, hors norme, décalée, délirante… Et ça fonctionne aussi. Nous savons généralement quoi ne pas faire en création, mais si nous avions accès à une recette infaillible pour réussir nos missions, tous les publicitaires seraient milliardaires. Or, peu le sont.

Ceci étant dit, je ne pourrais pas trop rationaliser sur les raisons qui me poussent à croire que la publicité de Mini présentée en intro fonctionne. Le prétexte utilisée pour faire passer le message est grossier et trop racoleur pour être réellement crédible, l’effet humoristique est interminable, la musique est ultra clichée, les personnages sont repoussants et les situations montrées totalement premier degré. Mais ça marche! Un peu comme une blague vulgaire racontée par un «mononcle» un peu saoul la veille de Noël : la blague est mauvaise, elle est mal racontée, mais la situation dans son ensemble nous fait rire. Est-ce dû à l’intention sous-jacente, voire l’absence complète de prétention? Possiblement. Enfin, j’adore ce message. Et vous?

lundi 17 janvier 2011

Le recul

Pourquoi certaines personnes apparaissent crédibles et d'autres pas? Pourquoi certaines marques semblent attrayantes et d'autres pas? À cette époque où nous commentons en temps réel, moi le premier, nos humeurs, les assiettes des restos chics, des albums qui nous animent; à cette époque du présent, du moment, souvent de l'assouvissement de l'impatience et de la compensation de la peur du vide, pourquoi certains s'en tirent mieux que d'autres?

Quand nous débutons à collaborer avec un nouveau client à l'agence, nous faisons le travail classique d'analyse du marché, de la concurrence, etc. Ce travail est important, incontournable, primordial, mais il y a plus. J'entends de comprendre d'où vient l'organisation et où elle va, tant sur le plan opérationnel que par rapport à l'évolution des perceptions de la clientèle visée. Plus encore, au rapport entre la marque et les grands courants sociologiques et idéologiques. Cet aspect m'inspire au plus haut point et je crois qu'il est sous-estimé par plusieurs «marketeurs» et publicitaires pour qui des sciences sociales comme la sociologie et la psychologie ne représentent que du pelletage de nuage irrationnel. J'aimerais bien savoir à quoi pensaient les gens qui ont investi dans l'échec monumental d’une entreprise comme les beignes Krispy Kreme au Québec? Je parierais sur le fait que les analyses marketing étaient favorables, mais également sur le fait qu'on n’avait aucune idée de l'évolution des valeurs et des tendances de fond qui animent le peuple québécois, notamment par rapport à la santé.

La réponse à tous les questionnements énoncés précédemment, selon moi, c'est le recul. La perspective. De voir la forêt et non seulement les arbres. De communiquer sa vision du monde de manière cohérente, sur une longue période. De savoir d'où l’on vient, d'accorder un tant soi peu d'importance aux dimensions historiques, politiques et sociologiques qui façonnent nos sociétés. De respecter ne serait-ce qu'une seconde le fait que le passé renferme une grosse partie des réponses que nous cherchons et que nous ne sommes par les premiers à vivre certains cycles. De se reculer un peu pour voir plus large, plus loin, et par le fait même, sortir un peu de cette impulsion du moment qui fait grassement vivre des entreprises et des individus qui ne désirent d'aucune façon votre bien-être, mais plutôt votre bien, pour se l'approprier, point.

jeudi 13 janvier 2011

La chaleur



Je constate ces jours-ci que certains joueurs en communication au Québec parlent de «Consomm'Acteur», de passage à l'action, d'engagement. Tout ça est bien beau. Mais la polarisation de l'engagement ou pas d'un consommateur envers une marque ne dépend pas uniquement des stratégies marketing qu'une agence mettra de l'avant pour arriver à ses fins. Aussi bonne et innovante soit-elle, aucune stratégie intégrée n'arrivera à séduire, si tout un champ de valeurs et une tonalité particulière, ce qu'on appelle aussi le USL (Unique Selling Language), ne sont pas préalablement communiquées au consommateur. Ce champs magnétique de la marque, dans lequel les prospects pourront et voudront se projeter psychologiquement, ne peut être accomplis sans se compromettre par une communication évocatrice et, oui, souvent, dans un certain mode unidirectionnel. Je suis franchement lassé des formules superficielles et des astuces inutilement compliquées que certaines agences mettent de l'avant pour tenter d'emballer et de figer dans le temps la mouvance actuelle que nous vivons tous. Être vrai, échanger, converser et donner tous les moyens au consommateurs de poursuivre le processus d'achat, c'est amplement suffisant selon moi. De pousser, de vouloir en faire trop, c'est en soi de se compromettre et de tomber dans la manipulation poche, dans le mirage, qu'il soit ou non rehaussé par des véhicules technologiques. Les bonnes idées sont simples, la créativité requiert du talent, pas des recettes.


Prenons le cas de Heineken avec ce film publicitaire sans prétention, réalisé de superbe façon, qui emprunte une tonalité qui donne le goût d'en boire une, ou du moins d'être en compagnie du protagoniste. La stratégie de création est simple. Le produit agit comme un figurant, l'approche est irrésistiblement séduisante, décalée, et la marque nous englobe doucement comme le ferait un vieux fauteuil capitonné. C'est un bon point de départ pour faire jaser. On a pas nécessairement besoin d'une application iphone pour décupler l'effet viral. Juste avoir confiance dans le potentiel de sa créativité. Et oui, donner des moyens au consommateur de nous parler, d'échanger, sans être racoleur pour autant. Un client deviendra un vecteur de la marque s'il se sent valorisé de le faire, pas s'il sent qu'on le manipule dans un processus qui camoufle une stratégie marketing aussi froide et déconnectée que l'URSS de Brejnev. Le marketing perceptible est froid. Le consommateur a besoin de rêve, de chaleur.

mercredi 12 janvier 2011

Les ambassadeurs



J’ai souvent souligné sur ce blogue l’importance, avant toute chose, de bien servir ses clients, voire même de les chouchouter au point d’en faire des ambassadeurs de la marque. Il est bien évidemment cent fois plus efficace de disperser la bonne nouvelle par la vérité de notre caractère exceptionnel que d’entamer un monologue publicitaire aussi unidirectionnel qu'hasardeux dans cette mer qui encombre quotidiennement le consommateur de milliers de stimuli publicitaires. Vous conviendrez avec moi que l’opinion favorable d’un proche qui partage son expérience de marque avec vous vaut infiniment plus qu’une publicité à la télé, aussi bonne soit-elle. Une évidence.

C’est dans ce contexte que des marques comme KLM l’automne dernier, et plus récemment Spanair, ont décidé d’en donner un peu plus à leurs clients pour s’assurer de faire parler d’eux favorablement. Cette dernière a poussé l’audace jusqu’à donner des cadeaux de Noël sur mesure à ses clients d’un vol reliant Barcelone à Las Palmas le soir du 24 décembre dernier. Quelle surprise, autant pour les grands que pour les petits, de voir des cadeaux bien emballés apparaître à leur attention en même temps que leurs bagages! Évidemment, l’agence ibérique Shackleton
en a profité pour réaliser un petit film résumant l’opération (présenté en intro), production qui décuplera l’effet de portée de l’idée tout en séduisant par le fait même une partie du grand public et des «influenceurs».

Toute cette stratégie, que je trouve très intéressante et stimulante, ne tiendra la route que si la marque livre une expérience impeccable en amont, et ce à travers l’ensemble de ses interactions avec ses clients. Je demeure quand même convaincu que le ratio résultats/coûts de cette opération dépassera largement celui de toute campagne de publicité visant à mousser la notoriété de la marque. Stimuler, et pourquoi pas provoquer le bouche à oreille, c’est là que les réels enjeux communicationnels se jouent présentement.

lundi 10 janvier 2011

The devil is in the details

Être publicitaire, c'est accomplir des missions: diagnostiquer un problème, trouver les stratégies et tactiques pour le résorber, être créatif en cours de route, pour finalement récolter les dividendes. C'est aussi la mission de vendre nos idées au client, de démontrer en quoi elles seront efficaces pour recevoir son l'aval. Mais l'aspect le plus difficile de la mission, selon moi, n'est pas d'avoir de bonnes idées, d'innover ou encore d'identifier des stratégies porteuses: c'est de livrer. Quand je dis livrer, j'entends réussir avec un minimum de problèmes le passage de la théorie et la pratique, le saut qui transformera nos idées en éléments concrets sur le terrain. Ce passage à la réalité nécessite de la rigueur, une cohésion entre les membres de l'équipe, un lien de confiance à plusieurs niveaux et un esprit critique intraitable, car parfois, malgré les meilleures intentions du monde, certains aspects négatifs se révèlent dans la vraie vie, aspects qu'il est pratiquement impossible d'identifier lors du processus d'idéation.

La majorité des publicités moyennes, pas les médiocres, juste les moyennes, celles dont l'idée n'est pas mauvaise mais dont l'effet n'est pas très réussi, relèvent d'un mauvais passage du théorique au concret. La différence entre une campagne exceptionnelle et une campagne ordinaire réside dans les détails d'exécution. Je donne souvent en exemple le contraste entre une équipe de hockey junior et une équipe de la Ligue Nationale. Les joueurs qui évoluent au plus haut niveau junior patinent vite, lancent fort, sont agiles, les gardiens sont capables de prouesses, bref, ils sont absolument remarquables à tous points de vue. N'empêche, ils échoueront invariablement contre les joueurs professionnels. Deux éléments sont responsables, à part évidemment l'épuration du talent: le niveau d'expérience et la minutie sur le plan de l'exécution, tant collective qu'individuelle. Comme le disent nos amis anglophones: «The devil is in the details» ou encore pour les jovialistes «Le bon Dieu est dans le détail» (dixit Gustave flaubert) . Les situations à problème en publicité proviennent souvent d'une lacune subtile dans l'exécution: casting mal préparé, sens critique déficient lors de la réalisation du film publicitaire, connaissance approximative du contexte global et de la concurrence, manque de rigueur au niveau typographique, mauvaise connaissance des paramètres de la marques, etc. L'idée initiale est rarement le problème.

La clé? Très certainement la qualité et la cohésion des intervenants qui évolueront sur le dossier. Et là, je ne parle pas de faire travailler uniquement des «seniors», mais plutôt de bien équilibrer les profils pour obtenir un maximum de dynamisme tout en conservant la lucidité et le sens critique nécessaires à la réussite. Vous comprendrez que la taille de l'agence n'y est souvent pour rien, car au bout du compte, un client négociera avec des gens. La morale de cette histoire? L'avocat du diable qui nous tape tous sur les nerfs et qui donne parfois l'impression de n'être qu'un «éteignoir» se révélera souvent un atout crucial pour réussir. Suffit de ne pas l'impliquer à un degré trop élevé pour ne pas miner l'enthousiasme des troupes. Un bon leader, souvent le directeur de création, saura concilier tout ça et fera en sorte que chacun puisse élever son niveau au profit du produit final. C'est cependant plus ardu qu'il n'y paraît, suffit de constater la quantité de publicités ordinaires sur les ondes...

vendredi 7 janvier 2011

Fermez les yeux…



Certains créatifs redoublent d’astuce pour rendre l’expérience publicitaire mémorable et marquante. Je ne suis pas un fan des trucs techniques, je préfère de loin la qualité créative d’un concept pur et percutant, mais force est d’admettre qu’on a défié certaines règles physiques, un peu à la manière d’un illusionniste, pour faire de cette publicité de BMW un exercice qu’on oubliera pas de sitôt.

L’obsession ultime des publicitaires est qu’on se souvienne de leurs publicités. Mais avec l’encombrement média que le citoyen normal subit quotidiennement, il faut se rendre à l’évidence, la commande est lourde. Alors on fait quoi? Simple, élémentaire : on imprègne la marque, littéralement, dans la tête des gens. Comment? On leur projetant subtilement pendant le film publicitaire, de puissants faisceaux de lumière qui arborent la forme des lettres BMW, à certains moments précis. On leur demandera tout simplement, à la fin de la projection (c’est une publicité diffusée dans les salles de cinéma), de fermer les yeux et de constater, clairement, dans le noir de leur vision, la marque BMW écrite de façon évidente à leur insu. Génial pour une expérience, mais à ne pas faire auprès de larges publics, car ça deviendrait carrément de l’intrusion. Je me questionne sur la qualité émotive du lien que cette image engendre entre le prospect et la marque. Je ne crois pas que ce soit aussi marquant et évident qu’on le laisse croire dans la vidéo explicative. Il ne faut pas confondre la technique et les émotions, ce sont deux choses distinctes que seule la créativité conceptuelle peut rallier selon moi.

Je n’ai pu m’empêcher de penser à toutes les possibilités perverses et insidieuses qu’une technique du genre pourrait permettre à des esprits mal tournés. Une chance que l’effet s'estompe rapidement… Imaginez-vous passer le reste de votre vie avec le nom de votre ex dans la tête? Moi non plus.

mardi 4 janvier 2011

La magie magie magie du temps des Fêtes



Vous rappelez-vous de la hargne de Kathleen Turner et de Michael Douglas dans le film La Guerre des Rose en 1989 ? Probablement pas. Mais ils auraient représenté la distribution parfaite des rôles principaux de mon prix Orange de la meilleure publicité du temps des Fêtes 2010, Le Grand livre des crabes, la version longue, publicité de Vidéotron signée Sid Lee.


Le temps des Fêtes, au Québec, est synonyme de tolérance, de compromis ; nous acceptons toujours à un moment ou à un autre la présence d'un «mononcle» un peu raisin, d'un ami légèrement débile léger après quelques verres, ou encore d'une tante crinquée par la religion. C'est aussi la fête des enfants. Et celle des couples dans une certaines mesure. De voir cet esprit abrasif de compétition dans un couple aboutir à un match nul qui incarne un compromis noble est à la fois ingénieux et sociologiquement pertinent dans le contexte actuel. D'utiliser l'humour avec autant d'intelligence et d'ingéniosité sans tomber dans l'astuce de réalisation relève de la créativité mature. De constater un dénouement qui met en vedette des enfants pour ramollir le ton et nous ramener à un peu d'humanité au premier degré, transpire le recul et une auto-dérision saine. Cette publicité est drôle, intelligente, son format long est bien rythmé, elle est bien interprétée, le produit est au centre sans toutefois empêcher le concept d'évoluer par des plogues inutiles, bref, c'est très très bien fait. Bravo!


Je tiens à donner une mention honorable à la publicité de Familiprix diffusée pendant le Bye Bye. Très drôle, elle exprime toute la versatilité de la plateforme dévoilée en octobre dernier par l'agence lg2 pour cette bannière. Drôle et un tantinet sadique, une pub qui expose au grand jour les effets collatéraux de ces fameux mononcles raisins.


La glace est brisée!

Voilà, c'est fait, j'ai finalement livré ma première chronique à l'émission l'Extra sur V en compagnie de Gildor Roy et de Marie-Andrée Poulin, qui ont su mettre à l'aise le novice que je suis à la télé. Vous pourrez suivre la suite de mes aventures le 17 janvier prochain. J'ai décidé de parler de publicité qui fait réfléchir, alors toutes vos suggestions seront considérées, simplement m'écrire à facteurpub@gmail.com. L'appel est lancé! Pour ceux que ça intéresserait, ma chronique de lundi est disponible ici.

dimanche 2 janvier 2011

On repart les moteurs !

En ce début d'année, pourquoi ne pas redémarrer ce blogue en décernant cette semaine mes prix «Citron» et «Orange» du temps des Fêtes? Pendant cette période trop courte, j'ai fait l'effort particulier de ne pas m'attarder aux publicités. J'entendais, je regardais, mais je ne me permettais pas de critiquer ou d'analyser, alors mes choix ont émergé d'eux-mêmes sans trop d'efforts, tellement ils me semblaient évidents... Débutons donc aujourd'hui avec mon prix «Citron».




Ski Town: l'expression de l'incompétence

Pour qu'une publicité m'irrite vraiment, sans que je n'y cherche de bibittes au préalable, elle doit être authentiquement exécrable. Je ne peux donc m'empêcher de décerner mon prix «Citron» du temps de Fêtes à cette merveilleuse publicité de Ski Town. Premièrement, on reconnaît souvent l'amateurisme en pub au casting improvisé et à la déficience en direction des comédiens, surtout quand ces derniers ne font pas partie de l'UDA, ce qui semble visiblement le cas. D'ailleurs, les fausses larmes de la comédienne qui feint l'émotion à la 9e seconde sont réellement aussi crédibles que Bush qui annonçait la présence d'armes de destruction massive en Irak. En deuxième lieu, on remarque l'absence de concept, ou de vrai concept, car d'afficher des mimiques stupides sur un fond blanc en HD ne représente pas réellement un concept, c'est un truc, une idée puérile, rien de plus. J'imagine facilement le pseudo-créatif se raconter candidement qu'il allait transposer le bénéfice ultime, soit le bonheur intense ressenti quand on entre à la Ville du ski. Il aurait cependant dû savoir que sans direction précise des comédiens, dont le garçon de la publicité de la Reine des Sauces qui récidive, cette idée déjà faiblarde tomberait à plat. Finalement, ils se sont réellement dépassés à la toute fin du message en vantant la diversité des produits, la qualité du service et les bas prix. Wow! Bravo! Quel positionnement différenciateur! Je ne sais pas pour vous, mais la première chose que j'attends d'un magasin de ski, c'est le choix et des prix corrects, non? Quand on prend la peine de me communiquer l'évidence, je me permet de douter. Plus encore, tout dire équivaut à ne rien dire, c'est le contraire des fondements du principe de «postitionnement» en marketing. C'est un peu comme une personne nouvellement rencontrée qui ne cesserait de vouloir nous prouver son honnêteté: c'est louche. Et là, j'évite de vous parler de l'utilisation agressante et complètement hors-tendance de la musique tout comme de l'esthétisme transcendant du logo... Enfin, jugez par vous même. C'est selon moi l'expression parfaite de l'incompétence qu'on diffuse à grands coûts dans les médias. La preuve flagrante qu'économiser dans la production d'un message peut être la pire erreur stratégique pour un annonceur. Je vous reviens sur une note plus positive ce mercredi avec mon prix «Orange».


Une nouvelle collaboration sur V

Vous aurez l'occasion de me voir en direct sur V à l'émission l'Extra à partir de lundi matin, et ce probablement aux deux semaines. On m'a donné l'opportunité de faire des chroniques sur la publicité, notamment la publicité qui fait réfléchir, et c'est un défi que j'entends relevé avec enthousiasme en 2011. C'est évidemment aussi une une expérience totalement excitante et un peu stressante, mais bon, mes attentes sont réalistes car je suis encore un novice à la télé. J'entends toutefois y livrer le fond de ma pensée comme je le fais ici et, idéalement, susciter des débats stimulants tout en ayant du plaisir.


En terminant, je vous souhaite à tous et toutes une superbe année 2011 à la hauteur de vos attentes, je me permet également de nous souhaiter de la vraie bonne publicité: celle qui vend en faisant un peu de bien et qui ne nous prend pas pour des imbéciles heureux!

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