lundi 29 avril 2013

Le plaisir télécommandé


Les marques communiquent surtout des concepts, des images, des mots, des émotions, bref, de l'abstraction. Mais avant toute chose, elles proposent une expérience concrète: celle du produit, avec les attributs qui s'y rattachent. C'est le premier des fameux «4P» du marketing mix, mais aussi ce qui garantit tout le reste: fidélisation, bouche-à-oreille, succès. Car peu importe la qualité de la marque sur le plan communicationnel, si le produit ne livre pas, il n'y a point de salut. C'est l'aspect concret des choses. Livrer la marchandise est une obligation qui transcende toutes les promesses de la marque. 

Pour une marque de condom comme Durex, livrer la marchandise, c'est maximiser les sensations et garantir une sécurité absolue, car on parle ici de vie et de mort, de contraception et de prévention des ITS. Mais que faire de plus quand notre marque livre la marchandise et que sa pub innove et transpose l'expérience? Un seul mot: recherche.

La recherche, c'est avant tout d'exposer votre tribu à votre vision à long terme. C'est de placer l'innovation au centre de la démarche produit pour demeurer à l'avant-garde et solidifier son positionnement et sa différenciation. Les fabricants automobiles le font avec leurs prototypes. Même chose pour les grands joueurs de la technologie. La recherche, c'est un levier qui permet de donner de la valeur à la marque en misant sur ce qu'elle sera. C'est un voyage dans le futur qui apporte une valorisation personnelle aux clients dès maintenant. C'est donc un formidable agent de fidélisation pour l'entreprise. Et c'est sans compter sur le bruit médiatique que ça procure auprès de prospects chauds.

Alors quand on voit Durex proposer une capsule web qui démontre la nature d'un projet visant à permettre le toucher, le vrai, à distance par le Web, alors on se dit wow! Fundawear, c'est l'incarnation d'une superbe idée qui répond à un besoin tangible par le biais d'un contexte interactif absolument total. C'est un monde qui s'ouvre et ce monde devient implicitement associé à la marque Durex. Rien de moins qu'une révolution des préliminaires amoureux. Qui dit mieux?

lundi 22 avril 2013

Crétins ''R'' Us


Quand vous avez des enfants, que vous désirez les gâter un peu (à tort ou à raison, anniversaire ou pas) et que vous détestez Wallmart pour une des millions de raisons pour lesquelles on peut détester Walmart, il vous reste la section «enfants» de quelques grandes chaînes de magasins, des boutiques spécialisées de quartier chères ou encore la bannière Toys ''R'' Us. Et parfois, car nous sommes humains et que la solution la plus facile est la plus attirante, nous nous retrouvons chez ce dernier, un peu malgré nous. Vous ne m'y reprendrez plus.

Chez Toys ''R'' Us, je l'admets, il y a un certain choix. Oui, les prix sont bons. Il y a de tout en fait, autant de «scrap» que de jouets de qualité. Et des accessoires et trucs pour bébés. Et une section dédiée au jeux vidéos. Le seul hic? Le service. Un gros hic. Un hic qui transforme toute expérience d'achat chez Toys ''R'' Us en véritable séance de torture psychologique. Ne cherchez pas l'aide ou encore moins le conseil d'un commis. Les prix sont souvent mal indiqués. Et quand vous arriverez pour payer, par un samedi après-midi occupé, combien de caisses trouverez vous ouvertes? Deux, parfois trois, jamais plus (même dans le temps des Fêtes). Vous serez alors englué pendant d'interminables minutes à l'intérieur d'une file de plusieurs personnes, voire des dizaines. Et le rythme de traitement des clients sera lent et vous fera perdre votre calme, simplement parce que les prix ne sont pas toujours entrés correctement dans la base de données et que la caissière doit vérifier auprès d'un commis pas très débrouillard. Alors quand votre tour sera venu, que vous entreverrez la fin de ce cauchemars, que constaterez-vous? De un, que les employés sont interpelés par leurs supérieurs en anglais (du moins au moment où j'y étais à  la succursale de Laval). De deux, qu'ils sont peu avenants (et probablement sous-payés). De trois, qu'on vous demande de contribuer financièrement à une cause, sachant que la plupart d'entre nous se sentirons coupables de gâter leurs enfants (bien oui, vous savez, c'est notre fond de culpabilité judéo-chrétien). Mais ce n'est pas tout. En terminant, on nous indique que pour chaque «J'aime» sur la page Facebook de l'entreprise, un dollars sera donné à la même cause jusqu'au 30 avril. Là, c'est le bout du bout (pour être poli et ne pas utiliser de sémantique fécale). On fait tout pour décourager les clients de revenir, pour ensuite leur quémander vulgairement leur amour en échange de dollars sonnants et trébuchants. J'ai jamais vu une entreprise instrumentaliser une cause et ses clients aussi bêtement. 

Quand une marque a l'occasion de bâtir avec moi une relation fondée sur l'intérêt et qu'elle bâcle sa part du marché implicite conclu, en me croyant captif, c'est loupé. Au lieu de se donner des airs d'engagement social, qu'elle se concentre sur l'essentiel: rémunérer et former adéquatement ses employés et en faire travailler suffisamment pour répondre à la demande sur le terrain. Qu'elle aménage aussi un comptoir de distribution des gros items qui ressemble plus à un entrepôt bien organisé qu'à un débarras bordélique. En bref, qu'elle s'attarde à mériter notre respect plutôt qu'à se servir de causes pour gonfler artificiellement son nombre de fans sur Facebook, pour ainsi faire plaisir au directeur marketing de Toronto. Cette pratique d'affaire qui consiste à nous prendre, nous et nos enfants pour des idiots, doit cesser. Car là, tout ce que je comprends, c'est que «Les Crétins ''R'' Us». No more for me.

Vivement les petites boutiques où la qualité et le service sont au rendez-vous. Achetons moins, mais achetons mieux. Mais surtout pas dans ce piège à cons.

vendredi 19 avril 2013

L'alchimie



Le marketing de la musique est en constante évolution. Différents modèles de commercialisation ont été testés ces dernières années et une tangente semble émerger: les revenus liés directement aux albums ne reviendront jamais aux niveaux de jadis. Plusieurs ont traité de ce sujet, notamment Guillaume Déziel, une référence qui a exploré différentes avenues dans le cadre de la mise en marché du groupe Misteur Valaire et qui prône la gratuité des albums. Mais comme cet écosystème est vaste qu'il existe encore de grands labels qui persistent à vendre des albums pour des super vedettes en moussant leurs fruits aseptisés par des campagnes tout aussi insipides sur le plan stratégique, aucun consensus ne fait l'unanimité, si ce n'est que la baisse du prix des albums, attribuable à la fraude et au mode de distribution des plateformes Web dont celle du iTunes Store, semble irréversible. Et c'est pas rien. Je payais mes albums près de 20$ plus les taxes en 1997. Maintenant, je ne débourse rarement plus de 10 $. La moitié. 

Mais comme le prophétique Chris Anderson le décrivait il y a plusieurs années, la multiplication de l'offre a décuplé ma consommation de musique et mes achats, tout comme le plaisir que je ressens à écouter de la musique qui me rejoint vraiment. En bref, ma musique me coûte moins cher et j'en achète plus, d'artistes moins connus, qui me propulsent encore plus profondément dans des zones totalement inaccessibles auparavant, car aucun HMV de ce monde n'avait de superficie suffisante pour m'offrir ne serait-ce que le dixième de ce à quoi j'ai accès en ligne présentement. Un exemple? Jamais je n'aurais pu acheté l'album du jeune «beat maker» australien Flume dans mon ancienne vie. 

Et là, dans ce contexte de fragmentation de l'offre, les robots de Daft Punk arrivent avec leurs gros sabots, propulsés par Columbia, et me servent des accroches relatives à leur prochain album avec une parcimonie qui relève d'un algorithme mystérieux. De petits films qui démontrent l'implications de collaborateurs hallucinants comme Giorgio Moroder (le gars derrière le fameux «I Feel Love» de Donna Summer) ou encore Nile Rodgers (David Bowie, Duran Duran, Madonna, Chic), à de courts extraits du premier simple (dont un clip diffusé lors du festival Coachella), en passant par une confusion savamment entretenue quant à la date de sortie de l'album (entre temps confirmée pour le 21 mai): tout est parfaitement mis en branle pour secouer la blogosphère, la twittosphère, voire même l'atmosphère. Toujours la même séquence musicale. De la fréquence. Et ça marche. Et j'adore. J'ai même été exposé à une publicité télé de 60 secondes à la suite de la défaite des Canadiens contre les Penguins mardi. Des médias de masse à youtube, l'entonnoir est exploité à fond pour engranger des résultats. 

Le simple «Get Lucky» a été lancé sur les plateformes commerciales à minuit ce vendredi et jamais je n'ai autant lu, vu et entendu parler d'une toune au même moment. La preuve que tout peut être recyclé et amélioré, même les plus vieilles techniques de vente et l'utilisation des médias de masse. Notre univers du marketing est en mutation et à un défi donné, des centaines de possibilités sont réellement envisageables. Il ne s'agit plus de trouver LA bonne stratégie, mais bien d'évacuer celles qui n'ont aucun potentiel pour ensuite identifier le mix le mieux adapté au contexte et à l'identité de la marque. Et ça, ça relève de l'alchimie.



mardi 16 avril 2013

Le décalage


Être victime du décalage horaire est un sentiment désagréable, c'est une brume cérébrale, un fonctionnement très partiel de ce que nous sommes. C'est une perte de contrôle, une fatigue par vagues, c'est aussi être irritable, à fleur de peau. Et si, dans le même ordre d'idées, nous étions tous en décalage existentiel? Que notre perception du monde et la réalité objective de ce dernier soient réellement en rupture? Et si ce que nous croyons être, physiquement, mentalement, moralement, si notre image mentale de nous-mêmes était réellement divergente de celle que les autres ont de nous? Évidemment, il y a autant de perceptions et de réalités qu'il y a d'individus, mais ce que j'implique ici, c'est que nous soyons pour la plupart systématiquement biaisés négativement quand il est question, entre autres, de notre apparence physique. Simplement par instinct de conservation ou par peur de souffrir du rejet des autres. Parce qu'il est plus facile de se croire «ordinaire» et de recevoir des compliments à l'occasion que de se penser très très belle ou beau et de devoir tomber de haut. 

Selon Dove, seulement 4% des femmes se trouvent belles. Ce chiffre est ahurissant et démontre un autre décalage: celui entre ce que nous croyons être la beauté, soit souvent celle véhiculée par les magazines et les vedettes, et ce qu'elle devrait être: une réflexion singulière de ce que nous sommes et qui marque de manière unique notre passage furtif sur terre. Mais ne mettons pas tout sur le dos des magazines, l'estime de soi est un projet ambitieux que peu de gens osent aborder. Souvent le projet d'une vie. Mais surtout, une décision et un pouvoir que nous devons reprendre.

Dans le film publicitaire montré en introduction, Dove démontre clairement le décalage des perceptions. Ce film incarne et transpose habilement ce que la recherche menée par la marque a apporté aux stratèges comme axe de création: les femmes ne se sentent généralement pas belles. Mais ne soyons pas dupes. Dove, c'est le conglomérat Unilever, donc c'est aussi la marque Axe, qui compte parmi les publicités qui véhiculent l'une des images les plus tronquée de la femme. Unilever, c'est également la crème Fair & Lovely, qui offre aux femmes de pâlir leur peau (le tout a été développé initialement pour la clientèle indienne). En matière de respect de l'image de la femme, Dove exploite donc un positionnement de transparence et d'authenticité par pur opportunisme stratégique. Et c'est correct ainsi, car en bout de ligne, ses pubs font du bien. 

Ce que j'aime de ce film, c'est l'idée de l'objectivité incarnée par l'artiste. C'est le résultat réel, soit ses croquis, et leur impact sur les femmes impliquées. C'est la nature organique de l'opération, qui relève plus de l'expérience psychologique ou sociologique que de publicité. Une belle et grande et toute simple idée qui reflète au fond un malaise généralisé de notre société par rapport à l'image du corps. Un triste décalage qui, malheureusement pour plusieurs, mine leur capacité aux bonheur.

mardi 9 avril 2013

Le baiser



Un premier baiser pour l'éternité. Le temps qui se contracte. La mémoire sensorielle qui s'active. Hier nous étions enfants, demain nous mourrons. La magie du baiser, c'est l'osmose, le coeur qui débat, l'excitation, les attentes, les espoirs… Certains premiers baisers éteignent les braises, certains autres ouvrent des univers. Le baiser est un passage vers ailleurs. C'est une étape qui détermine le cours des choses. Un jalon incontournable. Qui n'a jamais ressenti l'expérience d'un vrai baiser n'a jamais réellement vécu.

Dans cette publicité tout simplement magnifique de l'agence Grey London pour la marque de télécom britannique Vodafone, qui reprend en mode inversé l'essence d'un concept véhiculé par PFK et disséqué ici il y a deux ans, on ressent la peur initiale du rejet et la tension du premier baiser, pour ensuite, par des plans rapprochés, progresser au coeur d'un couple dont la passion transcende le temps, ce temps qui se perd dans leurs nombreux regards, mais qui représente tout autant la nature du bénéfice de Vodafone Red: un service qui ne balise aucunement le temps ni le nombre de textos. 

À exactement 1:05, nous sommes témoins d'un moment réellement saisissant et en rupture avec ce que les marques osent montrer normalement: la passion et l'abandon de soi par des personnes âgées. C'est d'une beauté authentique, bouleversante, le plan subséquent montrant les bras et induisant la vulnérabilité tout comme la force de la passion chez la femme. La lumière est aussi naturelle, tamisée que superbe. Elle amplifie l'intimité, de concert avec la musique du compositeur Ludovico Einaudi, vibrante de mélancolie. 

Pas besoin d'animaux «cutes» comme accessoires, pas besoin d'une petite blague de geek ou d'un concept humoristique raté de quiz superficiel qui méprise les prospects, pas besoin de voir les mêmes ados jouer les crétins débiles comme on les voit depuis 15 ans, pas besoin d'usurper un film comme La Guerre des tuques: il suffit d'être vrai et en accord avec le bénéfice principal. Vodafone m'a ému et m'a donné le goût de propager sa marque, ce qu'aucun joueur québécois de ce secteur n'a jamais réussi, trop pris à se regarder dans le miroir au lieu de connecter avec leurs auditoires, trop englués dans des plateformes de marque rigides et stériles. Un baiser. Le temps qui passe. L'envie de demeurer éternel, les yeux fermés et les lèvres appuyées sur celle de son amour. Voilà ce qu'il fallait pour gagner mon coeur de consommateur. Dommage que je ne sois pas britannique. 

dimanche 7 avril 2013

Les colonisés


L'agence québécoise Cossette, la plus grande au pays, a été achetée en 2009 par Mill Road Capital, un fonds d'investissement établi à Greenwich au Connecticut. Cossette, c'est McDonald's, GM, la Banque de Montréal et de nombreux contrats du gouvernement du Québec. L'agence Taxi (quelqu'un peut me dire comment accéder à la version française de leur site Web?) a été vendue quant à elle en novembre 2010 au conglomérat britannique WPP (qui possède Young and Rubicam). Taxi, ce sont les pubs de Telus, de Kraft, de Viagra et de Canadian Tire. L'agence Bos, pour sa part, a été vendue l'an dernier à la japonaise Dentsu pour devenir DentsuBos. Bos, c'est Fido, Yoplait, Jean-Coutu, St-Hubert et la Banque nationale. Et plus tôt cette année, c'était au tour de BCP de passer sous contrôle étranger quand Yves Gougoux, son gourou, a vendu sa participation (30%) à Publicis Worldwide, un grand groupe publicitaire français. BCP, c'est Mikes, Bâton rouge et bien d'autres, mais c'est aussi l'héritage de Jacques Bouchard et de l'avancement de l'identité québécoise en publicité.

Ces agences vont-elles prospérer davantage sous contrôle étranger? Probablement. Vont-elles compter sur des ressources additionnelles et auront-elles accès à de nouveaux clients pour qui elles feront des adaptations québécoises? Fort probablement (à l'exception de Cossette). Est-ce que les emplois qu'elles représentent sur l'échiquier de la publicité québécoise se voient consolidés? Dans la majorité des cas, oui. Un seul petit hic. Si je ne me trompe pas, ces agences existent principalement pour générer des profits, non? Où donc se retrouveront les profits en bout de ligne? C'est ça. Ailleurs. Et ça ne semble pas titiller le moindrement les anciens propriétaires ou fondateurs de ces fleurons des années passées. Après tout, un homme d'affaires québécois a bien le droit de capitaliser son fonds de retraite, non? Et trouver ou préparer une relève québécoise pour conserver ici le contrôle de la destinée de son entreprise? Oubliez ça! Pourquoi s'enfarger dans les fleurs du tapis quand des dollars sonnants et trébuchants, fussent-ils japonais ou britanniques, tombent du ciel? 

Entre temps, une bonne proportion des annonceurs québécois, qui croient acheter localement, dispersent leurs investissements publicitaires globalement en achetant une illusion. Oui, l'expertise locale est bien tangible et les noms sont encore parfois un peu québécois, mais ce sont des entreprises inféodées dont l'existence dépend de la bonne volonté de conglomérats étrangers soumis à des courants bien éloignés de notre réalité. Le mot est perturbant mais juste: l'industrie publicitaire québécoise est en grande partie colonisée, car ses profits se retrouvent ailleurs, tout comme les décisions majeures.

Cette situation honteuse me procure à moi, naïf et candide qu'ils me qualifieront pour demeurer gentils, une bonne partie de ma motivation à bâtir ici une agence solide contrôlée par des gens d'ici. Une agence qui innovera de l'intérieur et qui pourra par la suite rayonner à l'étranger tout en demeurant unique, bien au-delà de la capacité évidente de toute agence sur la planète de créer un bon message télé de 30 secondes. Tout comme Sid Lee, une agence dont l'ADN forcera l'innovation et la formation d'une relève qui pourra reprendre le flambeau. En clair: une agence qu'on ne vendra pas bêtement au plus offrant…

lundi 1 avril 2013

Entre parenthèses


Je suis assis sur une banquette du Denny's de Daytona, à quelques centaines de mètres de l'autoroute 95. Je commande une assiette de pancakes aux fraises, sans beurre. J'ai 5 ans. Je répète en anglais les mots qu'on me dicte en sourdine. Ouvrez les parenthèses: blanc total. Je suis maintenant sur la rue Hélène à Fabreville, en 1981, dans le grand salon chez mes grands-parents où joue la chanson «Just like starking over», sur un tourne-disque brun. Ouvrez les parenthèses: blanc absolu. Je me retrouve triste à mourir dans ma chambre du sous-sol à l'âge de 13 ans, mes dizaines de dessins disparus car jetés à la poubelles par mon père. Ouvrez les parenthèses: blanc immaculé. Il y a plus de souvenirs que ça. Et je pourrais continuer longtemps. Un fait demeure: le passé est une succession de moments intercalés par des parenthèses. 

On ne peut s'acheter un voyage dans le passé et le temps complète impitoyablement son oeuvre. Il perturbe nos perceptions, il accentue l'idéalisation de moments particuliers, en démonise d'autres, tout ça pour bien définir notre trame narrative existentielle, celle que nous traînons avec notre carcasse jour après jour. Celle sur laquelle notre conscience se maintient, dans un certain équilibre. 

Mais nous sommes tous, à un moment ou à un autre, attirés inexorablement par le passé. Cette faille nous pousse à des gestes de consommation. Les marques le savent. Elles nous vendent des pointeurs vers certains moments, elles nous donnent l'occasion de se prémunir de symboles physiques qui témoignent de ce sentiment de perte relié au passé. 

Plusieurs appellent ça la nostalgie. Moi je crois plutôt que c'est un phénomène qui témoigne d'un décalage immense entre notre volonté innée de vivre et le rythme du temps, implacable, qui ne nous laisse que peu de chances de conscientiser et de donner un vrai sens, en temps réel, à ce qui peaufine notre expérience. 

Que ce soit avec un album des Cure, une bouteille de bière d'épinette, un gâteau au citron, un modèle vintage d'espadrilles Nike ou encore avec une bande-dessinée de Tintin, nous achetons l'espoir de retrouver un moment et une émotion particulière. Tout simplement parce que nous sommes mortels et effrayés du dénouement final, entre plusieurs parenthèses.

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