dimanche 31 juillet 2011

Le ferment culturel



La culture d'un individu est son atout le plus important s'il évolue en publicité. Et quand je parle de culture, j'ai en tête une palette vaste de connaissances acquises par le biais des expériences. Ce qui implique nécessairement la notion d'action, car la culture requiert l'action. Il faut aller voir des films, voyager, aller dans les musées, parler à des gens différents de nous, s'intéresser aux sports, à l'actualité, à la politique, modeler des opinions éclairées, connaître les différents modèles d'automobile et leur cylindrée, la marque de tondeuse à pelouse émergente, apprécier la nouvelle saveur d'eau pétillante aromatisée, vibrer dans la foule au son d'un groupe inconnu de musique africaine, il faut avoir embrassé une fille dont on ne connait pas le nom car elle ne parle pas notre langue, avoir passé des nuits blanches à peindre, il faut avoir menti, dit la vérité, puis avoir décidé consciemment de tracer notre voie dans un champs de valeurs qui nous sont propres, en CONNAISSANCE DE CAUSE.

En agence, quand nos gens sont cultivés, tout est plus simple. Ils savent se placer dans les culottes de différents types de clientèles, ils savent écrire, ils connaissent la base d'à peu près tout, ils savent séduire, ils connaissent les tendances, ils définissent les tendances. De vouloir placer ces individus dans un moule fixé par un service des ressources humaines relèverait de la pire des conneries. Ces gens sont complexes, talentueux, et nous voulons avoir accès à leurs idées. Une stratège peut avoir un goût absolument sûr pour juger la création et apporter une plus-value indéniable au processus. Un créatif peut apporter une idée stratégique géniale. Une rédactrice peut avoir un flash en créativité média. Bref, gérer une agence, c'est savoir baliser mais aussi et surtout entretenir de manière organique et intuitive un ferment culturel constitué de la vision stratégique de l'agence, mais aussi, et surtout, de l'alliage des personnalités qui la composent. Le film montré en introduction va dans ce sens, et ça m'a fait grand bien de le regarder. Qu'en pensez-vous? Merci à mon pote Normand Boulanger pour le tuyau!

mardi 26 juillet 2011

La réalité



La réalité vend. Les gens s'identifient aux situations réelles. Des centaines de millions de gens, partout dans le monde, se projettent chaque jour dans une téléréalité. En publicité, la réalité prends plus souvent le visage de «stunts» filmés, soit des situations inusitées créées par des publicitaires mais intégrées à des environnements bien réels. Les réactions des gens deviennent des révélateurs d'émotions qui, associées à la marque et amplifiées plus souvent qu'autrement par une musique juste à point, favorisent la mémorisation. La réalité vend, mais je devrais plutôt dire les réactions réelles vendent. Or, cette évidence est la résultante de près de 40 ans de persuasion manipulatrice et artificielle par les publicitaires.

Prenons cette publicité de Nike présentée dimanche dernier lors de la finale de la Copa America. Nous y voyons les joueurs du club Boca Junior, le plus populaire d'Argentine, se faire haranguer par par une voix fictive et surréaliste, celle du stade Bombonera à Buenos Aires, lors d'un entraînement. Les joueurs ne savent rien d'avance et n'ont pas été prévenus. Leur surprise, jumelée à l'attention qu'ils portent au discours, voire même leur solidarité devant l'adversité, les rend sympathiques. Ils acceptent le message et applaudissent. Tout ça est vrai. Le discours est vibrant de vérité. Bref, on communique l'essence de la marque Nike, soit la réussite dans l'action, par une tactique désarmante de lucidité. Du très beau travail.

Est-ce à dire que les publicités «interprétées» par des comédiens n'ont plus leur place? Absolument pas. Tout ce que je veux communiquer ici, c'est que peu importe la manière, que ce soit par l'humour, les sentiments ou le décalage, il faut sonner vrai et juste pour séduire. Les discours pompeux, les formules creuses, la prétention, les promotions véreuses et les concours racoleurs n'ont plus leur place. Le consommateur, même s'il ne le sait pas consciemment, est rendu ailleurs.

vendredi 22 juillet 2011

Le courage

Avoir le courage de dire à un prospect les vraies raisons qui nous animent à vouloir travailler pour lui au lieu de prendre des détours pour s'assurer d'un volume d'affaire. Avoir le courage de parcourir la recherche disponible et évacuer ses préjugés avant de commencer à agir. Avoir le courage de dire à un créatif que son concept ne fonctionne pas, mais surtout de faire l'effort de bien lui expliquer pourquoi. Avoir le courage de se confronter soi-même et de se remettre en question avant qu'une autre personne, en occurrence le client, ne nous force à le faire. Avoir le courage de tuer des bonnes idées en sachant que d'autres bonnes idées les remplaceront, mais qu'elles seront mieux adaptées, plus stratégiques, encore meilleures, car nous ne sommes pas nos idées. Avoir le courage de faire des choix, de prioriser les intérêts supérieurs de l'agence au détriment de ses propres objectifs de carrières à court terme, en sachant que ce qui s'acquiert lentement sera d'autant plus solide. Avoir le courage de surmonter ses angoisses et de ne pas tomber dans la microgestion, de déléguer et de faire confiance sans tomber dans la complaisance. Avoir le courage de défendre des idées quand on a la certitude qu'elles méritent d'être défendues et qu'elles représentent réellement la meilleure solution pour le client, au prix de voir le client aller s'échouer ailleurs. Avoir le courage d'annoncer une défaite à une équipe qui vient de passer des dizaines d'heures en temps supplémentaire à bosser sur un pitch. Avoir le courage de laisser partir des gens qu'on aime pour s'assurer que tous les autres resteront. Avoir le courage d'admettre un échec à un client. Avoir le courage de dire non.

Le courage semble maintenant une valeur dépassée et relevant des chevaliers d'une autre époque. Je ne le vois pas ainsi. Pour moi, c'est tout simplement une force d'action et d'acceptation de la douleur, une sorte de grande volonté de dépassement et d'authenticité, dans un milieu qui frime souvent mais qui est loin d'être aussi superficiel que ce que les séries télés nous montrent. Être vrai, du moins tenter de le demeurer, est en soi une preuve de courage, car il est infiniment plus facile de procrastiner et de se laisser porter par la facilité, par les modes, par le piège subtil qui consiste à dire aux gens ce qu'ils veulent entendre. Être publicitaire en 2011, c'est probablement l'un des plus beaux métiers du monde. Un métier relativement complexe et en constante mutation, un métier de culture qui récompense les courageuses et les courageux. Le courage, c'est ce à quoi j'aspire, bien humblement. Et vous?

mercredi 20 juillet 2011

Tourner sa langue avant de diffuser



Vous désirez utiliser la publicité pour augmenter vos ventes? Voici cinq choses à ne pas faire:

1- Prendre vos prospects pour des caves
2- Véhiculer des stéréotypes risibles
3- Utiliser l'infographie comme on le faisait en 1991
4- Mal diriger ses comédiens et les exposer à la honte
5- Répéter les 4 premières erreurs à 4 reprises


C'est exactement ce que l'Institut linguistique provincial a fait avec sa campagne publicitaire télévisée diffusée depuis quelques temps. Mais vraiment, la pire erreur, celle qui ne pardonne pas, c'est de ne pas comprendre qu'il est DÉBILE d'investir des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars en média quand notre message, ou nos messages dans le cas qui nous occupe, irritent les consommateurs, s'ils ne provoquent pas tout simplement le mépris. C'est pire que de jeter son argent à l'eau, car ça génère plus souvent qu'autrement le démarketing, soit des résultats négatifs, que ce soit au niveau de la perception de la marque ou directement en affectant les ventes. Au mieux, nous obtiendrons le statut quo. Avec en primes des centaines de gens qui ridiculiseront notre entreprise. Faut pas être un prix Nobel pour emprunter cette avenue. Et je ne mentionne même pas les effets démobilisateurs qu'engendrent inéluctablement une mauvaise publicité sur les employés de l'entreprise…

J'ai souvent parlé sur ce blogue de l'importance du «saut créatif», ce procédé qui permet de conceptualiser le ou les bénéfices d'une marque de manière à faciliter la projection psychologique de la cible et, par le fait même, de provoquer son adhésion. Ici, on a tout simplement «garoché» ce qu'on croyait être les situations qui nécessitent l'apprentissage de l'anglais ou de l'espagnol. On a pris pour acquis que les prospects ne sauraient pas y percevoir leur intérêt sans notre aide. Certains «marketers» confondent leur compréhension du marché avec la communication. Ils errent. Là où ils pensent faire preuve de perspicacité, voire même de ruse, ils bâtissent plutôt malgré eux le mur de la honte de la publicité contemporaine. Où avait-on la tête? C'est réellement une prouesse de ramasser autant de clichés en 15 secondes, particulièrement dans le premier des quatre messages où l'on se surpasse avec le personnage du «touriste» timbré...

Peu importe les raisons qui mènent à la production et à la diffusion de détritus publicitaires, et les raisons sont nombreuses, je n'arrive pas à croire qu'autant d'annonceurs n'arrivent pas à se mettre dans la peau du consommateur. Je veux bien comprendre que le métier de publicitaire est attrayant pour plusieurs, qu'il semble sexy et accessible à tous, mais rien n'est plus faux. Feriez-vous le travail d'un plombier ou d'un avocat à sa place? C'est ça. Chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Et surtout, dans le doute, tournez votre langue sept fois avant de dire 254-6011 à la télé.

lundi 18 juillet 2011

FCKH off! (ou l'intolérance V2)



J'ai récemment traité d'un sujet qui m'est cher, soit l'intolérance, particulièrement en lien avec la peur de la différence. J'ai décidé de récidiver. Évidemment, dans notre société, l'apparence et l'orientation sexuelle sont les plus souvent attaquées par la haine d'incultes qui meurent de trouille à l'idée d'être placés face à leurs contradictions. Le Québec n'a pas le monopole du mépris, au contraire, car nous évoluons dans une société particulièrement ouverte à la différence, peut-être la plus ouverte de ce côté de l'Atlantique. Au Sud, nos voisins piétinent encore sur des questions réglées ici depuis longtemps, le mariage entre individus de même sexe étant le sujet social le plus chaud actuellement. Sans vouloir tomber dans les détails, disons qu'on a légalisé localement le mariage gay dans quelques états, dont la Californie, avant que des intégristes attaquent la légitimité de la loi devant la Cour suprême, avec succès, tout en réclamant des référendums, ce qui a signifié un retour à la case départ. Le progrès ne plaît pas à tous. Certains préfèrent la noirceur hypocrite à la vérité. La vidéo montrée en introduction a été réalisée par un organisme de l'état du Minnesota, pour contester les positions arriérées des tenants de la droite morale en regard aux unions du même sexe, positions transposées dans une proposition, la «8».

Cette vidéo est crue. Un tantinet vulgaire. Sans compromis. Les arguments sont lancés sans subtilité ni nuance. Mais je l'adore. J'adore l'utilisation du mot «Fuck», qui communique le ras-le-bol absolu des LGBT, tout comme leur lucidité, leur réalisme, leur vigueur. Mais la réussite de cette vidéo tient tout simplement au fait qu'elle demeure inclusive. Homosexuels, enfants de couples du même sexe, parents, hétéros, tous dénoncent la malhonnêteté intellectuelle qui fait rage présentement sous toutes sortes de formes insidieuses. Le rythme, le montage, l'utilisation des couleurs, bref, tout y est dynamique, vivant, tout le contraire de la nécrose rétrograde républicaine. Mais ce qui m'a le plus touché, c'est quand on dit que les opposants au mariage gay ne sont pas contre la mariage, mais bien contre l'amour homosexuel. Ça, ça me touche solidement, car c'est vrai, et quand c'est vrai, ça résonne.

Une seule question me vient en tête: comment un hétéro bien ancré dans sa sexualité peut-il ressentir autant de rancoeur envers l'amour gai? En quoi cet amour est-il moins «légitime» que le sien? Répondre à cette question équivaudrait à ouvrir une boîte de Pandore que je n'entends pas ouvrir ici, car ce serait trop facile de tomber dans la simplification, la démagogie et la psychologie de salon. Qu'il soit rose, noir, jaune, brun ou fleur bleue, il n'en demeure pas moins que le concept de l'amour mérite notre défense, peu importe notre orientation. De là l'importance de partager cette vidéo pour en décupler sa portée et, ultimement, miner ne serait-ce qu'une parcelle de la connerie du monde. C'est triste mais nécessaire.

mardi 12 juillet 2011

Superbement inutile



Je déteste le poulet de PFK à m'en confesser. J'y allais une fois par année jusqu'à il y a 10 ans environ, car je souffrais d'amnésie et qu'un an, c'était le temps qu'il me fallait pour oublier systématiquement le malaise que je ressentais lors de la digestion de ce tas de suif. Et là, un jour, je n'ai plus oublié car c'était trop mauvais. Et je n'y suis jamais retourné. Et je n'y retournerai jamais, même sous la menace. Ce qui n'empêche aucunement la marque de développer partout dans le monde des campagnes publicitaires visant à fidéliser certains segments, voire même à en développer d'autres. Mais soyons clairs, quand ton produit s'inscrit comme un agent qui encrasse les artères, dans un monde de plus en plus obsédé par la santé, t'as un problème. Et si tu ne sens pas déjà les conséquences d'être positionné à contre-courant de la tendance la plus lourde en marketing, ce n'est qu'une question de temps avant que ça n'affecte tes résultats de ventes. Évidence.


Et là, sortie de nulle part, voici une publicité remarquable de l'agence Ogilvy Johannesburg, cette même agence qui nous avait pondu la merveilleuse publicité de la Topsy Foundation, récompensée à Cannes en 2010. La mélancolie, la nostalgie, l'amour d'une vie, le retour dans le passé, tout y est à travers la chimie entre deux individus. Le tout appuyé sur une magnifique version de Your Song d'Elton John, interprétée par Ellie Goulding, une réplique de ce qu'elle a chanté à la réception du mariage princier de Kate et William lorsqu'ils se sont dirigés vers la piste de danse. Je ne sais pas pour vous, mais cette publicité me donne des frissons. Je sais la recette du poulet autant que celle de cette pub, mais ça demeure irrésistible (la pub, et non le poulet). En ce qui me concerne, l'effet marketing est nul, mais mon plaisir à regarder cette publicité m'y rend plus accroc qu'à une cuisse bien graisseuse accompagnée d'une généreuse portion de salade aux patates. Un point m'irrite par contre, c'est l'utilisation des enfants comme des appâts au début et à la fin du message. Pernicieux. Limite malhonnête. Et la différenciation de la marque est peu évidente: comme me le mentionnait ma collègue, on aurait pu faire le même type de publicité pour n'importe laquelle des chaînes de restauration rapide.


J'aimerai toujours me réfugier dans ces univers sensibles, me projeter dans l'existence d'êtres amoureux et heureux. L'amour véritable est probablement la plus belle chose à montrer. Mais de grâce, évitez de gaspiller des millions de dollars en publicité quand votre produit n'en vaut pas la peine. Mettez vos énergies à la bonne place. Renouvelez-vous, réinventez-vous, rendez-vous envisageable. Ensuite, seulement ensuite, vous pourrez me bombarder de messages qui auront comme objectif de ramener ma perception de la marque à un niveau acceptable. De me lancer de la poudre aux yeux, à moi comme à la très grande majorité des consommateurs, c'est réellement nous prendre pour des poulets sans tête.

dimanche 10 juillet 2011

Faraway, So Close...



Le défi principal d'un groupe de l'amplitude de U2 réside dans le maintien d'une proximité de tous les instants avec les fans, tout en élargissant la portée du message pour faire vibrer l'adn de cultures différentes. Pour être mondial, il faut parler mondial, or U2 maîtrise ce langage dont les bases résident sur l'utilisation de symboles comme la paix, l'unicité dans l'amour, la liberté… J'étais à leur spectacle-événement vendredi dernier. J'en suis sorti abasourdi. Faut comprendre que U2 et moi vivons une relation amour-haine depuis plus d'une décennie: j'ai en horreur ces hymnes pompeux qui visent les masses occidentales composées de la dernière cohorte de babyboomers ainsi que de l'ensemble de la génération X. Je déteste la chanson Vertigo. J'ai eu une crise d'urticaire en écoutant No Line On The Horizon, car j'avais par moment l'impression d'écouter Cité Rock Matante. Voyez-vous, je préfère de loin le groupe post punk initial des albums Boy, October et War qui m'avait allumé à l'adolescence, à ce ramassis de clichés. Plus encore, dans la vingtaine, j'ai littéralement chaviré pour Achtung Baby, qui demeure à mes yeux l'un des plus grands albums de l'histoire de la musique pop, un album de métamorphose qui, selon The Edge, représentait «le bruit de quatre types en train de scier le Joshua Tree» . J'ai aussi beaucoup apprécié Zooropa même s'il était rébarbatif à plusieurs égards. La suite fut pour moi une succession de déceptions, à part peut-être une ou deux chansons de l'album All That You Can't Leave Behind. J'allais donc pour la première fois de ma vie assister à un spectacle de U2 ce vendredi, un coup de tête un peu impulsif (billets achetés la veille), et je dois admettre que je m'attendais au pire. Allais-je rencontrer le quatuor irlandais qui m'avait jadis fait vibrer ou encore cette caricature plus grande que nature qui produit à la chaîne des succès aseptisés? Est-ce que le groupe que j'aimais jadis existait encore?

Arrivé sur place, première constatation: la configuration est complètement hors-normes. Parler de gigantisme serait un euphémisme. La structure scénique de 150 pieds de hauteur, appelée «The Claw», est superbe, organique, évocatrice. Nous étions situés à la quatrième rangée de la section 123, à moins de 100 pieds de la scène, du côté de The Edge. La foule était composée majoritairement des segments mentionnés plus tôt, l'ambiance était festive, la météo magnifique, bref, toutes les conditions étaient rassemblées pour qu'émerge un grand moment. On percevait la fébrilité de la foule à l'approche du moment fatidique. L'énergie dégagée par 80 000 personnes, c'est contagieux, ça soulève, c'est irrésistible. Alors quand les gars se sont rendus à leur scène circulaire au son de la fameuse Space Oddity de Bowie, je me suis tout à coup senti nerveux, fébrile. Le gars «au-dessus de ses affaires» redevenait le fan de la première heure. Et là, surprise, je n'aurais jamais osé le rêver, le groupe entame le spectacle avec quatre chansons de l'album Achtung Baby. J'étais absolument ravi, plusieurs l'étaient moins que moi, mais bon, c'était leur problème. Je m'attendais à ce qu'ils reviennent rapidement avec leurs trucs de mononcles… Mais oh que non! Au contraire, ils se sont mis à entonner avec aplomb leur premier succès, I Will Follow. J'étais flaberglasté. Et là je ne vous parle pas des deux chansons de Zooropa, dont une acoustique. La suite a été plus prévisible, mais mon coeur était touché. Je vacillais complètement, témoin d'un événement à la fois historique, surréaliste (voir les gars de près, c'est surréaliste), grandiose, mais si intime. Une symbiose rare. Une succession de frissons et des flashs de mémoire qui me ramènent à différentes étapes de ma vie, un peu à la manière des petites madeleines de Proust. On dit qu'il faut 10 000 heures d'entraînement optimal pour devenir un expert, ces gars en cumulent plus de 35 000! Plus que des musiciens hors pair, des virtuoses de la manipulation des foules.

Et là, juste à la fin du dernier rappel, hécatombe, comme si les éléments avaient attendu la fin de la messe pour se manifester: vents forts, orage, bref, le bordel. Deux heures pour revenir à Ahuntsic. Mais c'était pas grave. Ma mémoire était marquée. J'avais renoué avec les quatre gars de Dublin comme on le refait parfois avec un vieil ami perdu de vue depuis plusieurs années. C'était une joie renouvelée. Eux qui étaient si loin de ma réalité il y a quelques jours à peine, était revenus dans ma bulle, dans ma proximité. C'est ce qu'on appelle une expérience de marque qui laisse des traces… Je vous laisse sur un moment magique, remarquez à quel point Bono était en voix, remarquable.


mardi 5 juillet 2011

L'adultère

Demeurer fidèle, en 2011, c'est exactement la même chose que ce que ça pouvait être en 1822. Ça veut dire de respecter ce qui est entendu. La fidélité se juge par les actions et non les intentions. Les ayatollahs de la fidélité aimeraient pénétrer notre cerveau pour en dénicher des idées sombres, mais la réalité est toute autre, et ils n'y peuvent rien. En 2011, la notion de fidélité est la même qu'en 1822, mais les moyens mis à notre disposition pour «flirter» avec les zones grises, voire carrément l'adultère, sont plus nombreux que jamais. La vie va très très vite. Le stress, je n'invente rien, a changé la donne chez de nombreux individus qui ne savent pas gérer le leur et qui, par compensation, se placent souvent dans des situations précaires. Les médias sociaux jouent aussi un rôle. Et à travers tout ça, la psycho pop apporte avec certains concepts «clés en main» tous les prétextes requis pour éviter de tomber dans la trappe de la culpabilité, l'énoncé libérateur classique demeurant le principe de «fidélité envers soi-même», même si ça implique de trahir les autres. Soyons clair, je ne voudrais jamais vous faire la morale, je suis tout sauf parfait, mais je préfère les gens qui s'assument, oui parfois avec leurs tares, à ceux qui se donnent des raisons. C'est pourquoi je trouve la campagne montrée en introduction plutôt sympathique.

L'agence parisienne Melville a donc lancé hier une campagne d'affichage pour son client, le portail de rencontres extra-conjugales Gleeden. Une campagne fondée essentiellement sur des énoncés décalés et assez humoristiques en lien avec la nature du service offert. Est-ce que le portail en question est légitime? Absolument. Est-ce que la campagne est efficace? Oui. Très. Car en affirmant haut et fort, sans se prendre la tête, qu'il est possible de vouloir «tromper», on dédramatise de manière fort habile un concept qui relève du tabou. Mais bon, faut pas oublier le marché cible primaire, la France, qui dicte aussi d'une certaine façon le degré d'ouverture possible. Car cette campagne, ici au Québec, relèverait de l'utopie. J'entends déjà les animateurs à cinq sous d'émissions d'affaires publiques tout comme plusieurs groupes de pression en appeler à la censure par des raccourcis démagogiques.

N'empêche qu'un peu de lucidité, même si ça peut parfois choquer certaines âmes sensibles, ouvre parfois la porte au progrès. Est-ce que tromper son conjoint en toute quiétude dénote une certaine forme de progrès? Absolument pas. Mais être socialement apte à admettre la réalité et à accepter qu'un organisme puisse répondre à un besoin bien tangible, c'est déjà mieux que de jouer à l'autruche. Nos cousins y sont peut-être, c'est à voir, mais une chose est sûre, ici au Québec, nous avons encore tout un chemin à parcourir pour collectivement s'extirper d'un passif judéo-chrétien qui freine trop souvent notre progrès social.



dimanche 3 juillet 2011

L'intolérance



L'animal que nous sommes tous se définit trop souvent, malheureusement, par sa conformité à sa propre tribu, donc en recevant des autres une image similaire à la sienne. C'est comme ça. Nous avons tous le désir secret d'être différents, mais nous nous confortons à être exactement comme les autres. La différence provoque une peur et une angoisse qui portent la majorité d'entre nous à signifier son rejet, directement ou implicitement, pour se valider par le contraire. C'est d'une tristesse infinie, mais c'est ça être humain. On valorise collectivement le concept d'intelligence tout en ignorant trop souvent l'essentiel: la gestion des émotions et la canalisation de cette belle intelligence. On «construit» des petits génies, on leur fait apprendre 12 langues, un peu comme si l'on augmentait la puissance d'une voiture d'une centaine de chevaux-vapeur sans tenir compte de sa tenue de route. Nous sommes des cochons sur la glace, notre tenue de route émotionnelle collective est aussi nulle que celle d'une Mustang 1987. C'est pourquoi l'homophobie perdure. L'homophobie et toutes les formes de haines de la différence.

Tant que cette haine poussera des gens à l'autodestruction, voire au suicide, tant qu'elle existera, il faudra que l'on se mobilise pour faire prendre conscience aux «haters» que leurs comportements sont inacceptables et répréhensibles. Il faudra aussi continuer à aider, appuyer, écouter, bref, être là sans juger, pour nombre de maltraités des émotions, souvent martyrisés psychologiquement depuis la plus tendre enfance par les pires monstres qui soient, les enfants eux-mêmes, ceux que Patrick Lagacé nommait récemment «Les loups». Le harcèlement scolaire, qu'on appelle aussi le «bullying», doit demeurer au coeur de nos préoccupations.

Le message montré en introduction est une publicité touchante d'une fondation britannique vouée à la défense des droits des gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres: le Albert Kennedy Trust. Des personnalités connues comme l'acteur Sir Ian McKellen, l'humoriste Paul O'Grady et la chanteuse Samantha Fox y apparaissent dans des situations dégradantes qui montrent à quel point leurs existences auraient pu être radicalement différentes, pour le pire, sans le soutien de l'organisme. C'est très réussi. La reprise de la chanson Creep de Radiohead, en choeur, probablement la même version que celle de la bande-annonce du film The Social Network, y est pour beaucoup. C'est ce que j'appelle de la publicité essentielle.

Qui n'a pas une partie de son corps, un rêve, une pulsion, ou encore une préférence secrète qui diffère de la masse? Être ancré assez profondément pour accepter ses propres différences nous apporte ensuite la liberté d'accepter et d'apprécier celles des autres. Comme le chantait Gerry: «Nous ne sommes pas pareils, et pis pourtant, on s'émerveille au même printemps». Car au-delà de toutes les considérations matérielles, n'est-ce pas notre unicité qui donne au monde le peu de beauté qu'il lui reste?

vendredi 1 juillet 2011

La pureté?



Plusieurs se sont insurgés ces derniers jours contre la dernière publicité de la marque d'eau de source Eska, dont la communauté algonquine d'Abitibi-Témiscamingue, qui a demandé au président d'Eska, une propriété de la firme d'investissement Morgan Stanley de Toronto, de tout simplement retirer la publicité en question parce qu'elle entretiendrait le mythe de «l'indien sauvage», guerrier, exploitant la peur. La publicité est celle montrée en introduction.

Bien honnêtement, à première vue, rien de très dérangeant. C'est de l'humour décalé qui montre une représentation tellement clichée et surréaliste qu'elle en est drôle. La publicité fonctionne parce qu'elle montre, dans un environnement contemporain qui pourrait être le vôtre ou le mien, des guerriers plutôt mal foutus. De là le décalage. Pas un chef d'oeuvre, mais pas mal non plus.

J'en ai contre l'axe de communication. L'eau est pure? So what! Mais qu'est-ce que ça me donne cette pureté? Où se situe le bénéfice réel? Et à ce que je sache, l'eau n'est pas embouteillée à la source, ce qui implique des possibilités de contamination, de la pollution reliée au transport, bref, cette marque qui tente de faire une opération massive de charme et qui investit des sommes mirobolantes dans son marketing, devrait débuter par faire ce qu'il y a de mieux: améliorer ses pratiques.

Mais pour l'essentiel, soit la représentation des premières nations, je comprends leurs frustrations. Combien de Québécois seraient outrés de nous voir représentés dans une publicité française comme des coureurs des bois idiots? Poser la question c'est y répondre. L'épiderme des nations bafouées est toujours plus sensible que celle de nations matures, assumées, vivantes. Les publicitaires doivent tenir compte de cette réalité. Purement élémentaire.

Note: Après vérifications plus approfondies, l'eau est embouteillée à la source... Ça n'enlève rien au transport requis, mais bon, faut le dire, mea maxima culpa.

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