mercredi 29 août 2012

Le nombril de Gerry


En cette campagne électorale estivale et historique, les différents partis déploient leurs stratégies publicitaires depuis quelques semaines déjà. Certains ont débuté tôt et ont déjà épuisé plusieurs millions de dollars, alors que d'autres ont préféré attendre pour se concentrer vers la fin. Et comme dans toutes les élections, les budgets sont séparés entre les publicités dites «nationales», qui font l'éloge des partis en amont, et les stratégies «locales» qui visent à valoriser les candidats sur des enjeux qui leur sont propres, dans le territoire de leur circonscription. Que ce soit en affichage extérieur, en publicité directe, par l'entremise du Web en mode géolocalisé, par le porte-à-porte ou encore par l'utilisation des médias sociaux, les candidats possèdent une certaine marge de manoeuvre pour communiquer à leurs électeurs les bénéfices les plus importants reliés à leur candidature, voire même échanger avec eux et répondre à leurs questions. On pourrait discuter longtemps de la justice du mode de financement et de la taille des budgets consentis aux partis lors d'une campagne électorale, mais un fait demeure: il est important que les citoyens soient exposés de toutes les manières possibles aux différentes visions des partis et des candidats. C'est essentiel en démocratie et c'est de bonne guerre.

Là où je décroche, c'est quand on décide consciemment de prôner des messages négatifs qui s'appuient essentiellement sur la démagogie ou sur un manque d'éthique. Quand on rabaisse un ou plusieurs concurrents sur des mensonges en se disant que tous les moyens sont bons pour gagner. Ou encore quand on méprise l'intelligence des électeurs au point de représenter l'exercice démocratique du vote, comme l'a fait le très photogénique candidat Gerry Sklavounos dans Laurier-Dorion, en distribuant un tract qui emprunte la forme d'un bulletin de vote où lui seul est représenté. La publicité peut tellement faire plus et mieux que ça. Évidemment, ça demande un peu de créativité et une vision positive axée sur des idées et non sur une quête absurde et égoïste de pouvoir. Le pire, c'est que ces stratégies négatives, à courte vue, rapportent parfois plus qu'elles ne coûtent en crédibilité. C'est pourquoi il faut être vigilant et voir clair, car selon moi, le sens de l'éthique des candidats doit être un critère important lors de notre choix final.

Demandez à votre entourage de vous résumer les différentes positions des partis, disons en santé et en éducation. Vous serez surpris du nombre d'individus qui ne pourront vous répondre, et ce malgré la publicité, les débats des chefs et la couverture médiatique quotidienne. C'est selon moi une preuve que tous les moyens sont bons pour éduquer les électeurs sur les vrais enjeux. Personne ne doit abdiquer devant ses responsabilités. Ça, notre beau Gerry au sourire Colgate ne l'a visiblement pas encore compris, trop centré sur son petit nombril.

vendredi 24 août 2012

La reproduction


Reproduction: un mot froid, technique, scientifique. Un terme qui nous ramène à notre état biologique et animal, condition inéluctable de l'homme qui, malgré toute son arrogance à croire qu'il en a toujours été ainsi, ne représente que le fruit bien temporaire d'une évolution complexe. N'empêche, c'est justement la reproduction, ou plutôt l'instinct de reproduction, cette pulsion de vie aussi puissante qu'inconsciente, cet «ethos», qui motive la majeure partie de notre vie active, que nous soyons parents ou non, que nous désirions le devenir ou pas.  

En publicité, la pulsion de reproduction peut revêtir plusieurs visages, du désir charnel à la représentation d'un nouveau-né. C'est un déclencheur redoutable à utiliser avec discernement, car la symbolique utilisée ne devra jamais voler la vedette à l'adn de la marque ou à son attribution. Que la cible se souvienne des bras puissants d'un pompier qui sauve une femme des flammes tout en évacuant complètement de son esprit la marque du parfum à la fin du message représenterait une erreur fatale pour l'annonceur. Il doit y avoir une cohérence, une pertinence. La reproduction ne suffit pas.

Dans ce film publicitaire émouvant de réalisme des couches Huggies, créé par Ogilvy & Mather Argentina et dévoilé hier, il y a cohérence même si le produit n'apparaît pas au premier plan. La naissance d'un enfant représente pour la plupart des parents, et j'en suis, la quintessence, le comble des émotions. Mon grand garçon quitte la garderie ces jours-ci pour entamer son parcours scolaire, mais même si sa naissance remonte à presque 6 ans maintenant, ce moment est imprégné en moi comme aucun autre moment ne le sera jamais, probablement parce qu'il est enfant unique et le restera. D'associer une marque de couche à ce moment est très habile. De voir ces deux nouveau-nés côte à côte m'a réellement touché, au point de réchauffer ma perception du mot «reproduction» pour quelques journées…

lundi 20 août 2012

Quelle est votre couleur ?



Que ce soit par votre équipe sportive favorite, votre université, le parti politique que vous appuyez, une cause ou encore votre choix de chaussette, afficher ses couleurs fait résolument partie de notre quotidien. Notre marque personnelle véhiculera une couleur dominante. La perception des autres que nous désirons favoriser passe donc par une panoplie de choix, parfois anodins et superficiels, parfois complexes et profondément ancrés sur nos valeurs. Des choix de marques, des choix de couleurs qui, assemblées, constitueront finalement notre nuance unique.

Si on se place du côté des entreprises, c'est le même principe. Pour réussir à être choisie, une marque doit absolument se doter d'une couleur qui, pour elle comme pour vous, contribuera à communiquer sa propre ADN composée, entre autres choses, de ses valeurs, de sa vision stratégique et de son image de marque. Mais plus qu'un indicateur du positionnement marketing, la couleur constitue possiblement, que ce soit au premier degré ou à un niveau inconscient, le signal le plus clair de la différenciation d'une marque dans l'esprit du consommateur. Si je vous dis «orange», à quelle entreprise pensez-vous? Et si je dis «vert»? Certaines, dont la multinationale ING, ont réussi à résolument s'approprier certaines couleurs. D'autres tentent des approches plus complexes. Le plus important, c'est de résonner, de provoquer des associations fortes dans l'imaginaire de nos cibles. 

Guinness, le très emblématique brasseur irlandais, s'est campé sur le noir, symbole de l'apparence de son célèbre produit. Le film publicitaire montré en introduction, une création de Saatchi & Saatchi London, est entièrement basé sur son utilisation dans le cadre du Arthur's Day, véritable adaptation de la Fête de la Saint-Patrick dédiée au fondateur de la brasserie. L'esthétisme y côtoie la dynamique communautaire dans un tourbillon irrésistible voué à la fête et au rassemblement des Irlandais. Une démonstration éloquente des avantages pour une marque à se camper dans une couleur propre, même si ici, convenons-le, rien n'est vraiment propre... À votre santé!

Merci au pote Normand Boulanger pour le tuyau.

dimanche 12 août 2012

La honte


Quand la nature d'un service est fondée sur des valeurs superficielles, que sa facture, et je ne parle pas d'argent, demeure vulgaire au point où la viabilité même de la marque dépend entièrement d'une concentration démographique intense ou d'une défaillance culturelle, c'est qu'on a affaire au fruit le plus nauséabond du capitalisme occidental d'un point de vue sociologique: je parle ici de la chaîne de restaurants Hooters.

La marchandisation de la poitrine féminine, cette utilisation grossière des implants au silicone comme appâts pour attirer des hommes qui n'ont visiblement pas constaté la réalité de la révolution sexuelle, trop occupés à dévorer des ailes de poulet aussi infectes que mortelles pour leurs artères, en dit beaucoup sur la voracité d'une entreprise à vouloir engranger les profits au détriment du respect élémentaire. Mais lorsque dans une publicité dont la seule stratégie est la controverse, Hooters s'en prend directement à l'apparence des femmes âgées, elle se dégrade elle-même plus qu'elle ne pourra jamais dégrader qui que ce soit. Aucune controverse ne générera de croissance tangible lorsque basée sur l'embarras. Hooters a donc fait le choix du démarketing, probablement par stupidité, ou pire encore, par cupidité, et elle aura à en payer cher le prix. Personne ne rit.

Mais quel est ce prix au juste? Simple, c'est sa clientèle. Elle devra son existence à un segment de plus en plus rare, constitué de machistes abrutis qui calent de la bière à en vômir et de neuneus qui ne connaissent que l'odeur de leurs ébats solitaires dans l'humidité du sous-sol de chez leurs parents. Et voyez-vous, optimiste comme je suis, je crois à la décroissance rapide de ce segment «d'infirmes de la sexualité», qui relève d'une autre époque. Les temps changent, certaines régions des États-Unis restent à la traîne et se réjouissent toujours de voir leurs Hooters prospérer, c'est le propre des rétrogrades de se réveiller en retard à la fête du progrès, mais bon, ici au Québec, Hooters n'a jamais vraiment percé, à part pour une succursale à Greenfield Park. L'éminent Jean Boileau me faisait d'ailleurs remarquer que le resto de Gatineau n'avait pas fait long feu. 

Vous comprendrez que disséquer cette publicité aurait été l'équivalent de préparer un poulet oublié 3 semaines d'été dans le coffre arrière d'une AMC Eagle 1981. Mais je ne peux m'empêcher de vous faire remarquer le comble de l'inélégance dans les gestes et les regards de ce sauveteur attardé, lors des derniers moments de la publicité. Quand l'âgisme et le sexisme sont vos seuls arguments de vente, c'est que vous êtes résolument au service de la honte. 

Un gros merci à Jason Lemire pour m'avoir aiguillé sur cette pub via Roch Courcy.

jeudi 9 août 2012

Le sens de l'engagement

Aujourd'hui, rien sur la publicité, rien sur le marketing, rien sur la notion de marque ou de créativité responsable. On change de registre le temps d'un billet. La pub reviendra assez vite, promis.

Qu'il est devenu élémentaire de s'exprimer publiquement. De donner son avis. De critiquer. Jamais il n'a été aussi simple de prendre position, de discuter, d'argumenter. Jamais dans l'histoire, les touches de claviers auront été si sollicitées par les citoyens. Les moyens pullulent: courriel, texto, médias sociaux, avec son téléphone, son ordinateur, sa tablette électronique; le temps entre la pensée et sa diffusion massive n'aura jamais été si court. Tout ça est facile. Peut-être trop facile. De décharger son fiel soulage certes mais apporte-t-il quelque chose de constructif à nos collectivités? Où se retrouvent nos vraies valeurs? Dans la compulsion ou dans la réflexion? Dans le respect ou dans l'intimidation? Dans la recherche authentique de la vérité ou dans la démagogie? Calmons-nous futilement nos peurs profondes ou sommes-nous au contraire en quête d'un idéal? 

Les réponses sont complexes car nos vies sont complexes. Les dimensions personnelle, professionnelle et communautaire tendent à s'entremêler. Nos vies sont organiques, les instincts sont ultra présents, nous planifions beaucoup mais passons aussi plusieurs minutes par jour à réagir. Comment s'assurer que toute l'énergie que nous déployons lors de notre existence puisse au fond revêtir un sens réel, en accord avec nos idéaux? Ma seule réponse, c'est l'engagement.

Trouvez l'organisme ou la cause qui vous tient le plus à coeur et engagez-vous. Allez rencontrer des gens sur le terrain. Identifiez vos talents et offrez-les en toute humilité. Bougez. Faites-le. Maintenant. 

Nous vivons présentement au Québec une période charnière de notre histoire, une fracture inégalée entre le bien individuel et collectif, une division historique quant aux valeurs de fond que sont le partage et l'appropriation. Au lieu de défendre vos valeurs, vivez-les. Confrontez-les à la réalité. Car c'est là que ça va se jouer en bout de ligne, sur le plancher des vaches. Vous constaterez alors à quel point votre clavier a ses limites. Et vous vous sentirez infiniment plus en paix.

mercredi 1 août 2012

Le luxe du rêve



Le rêve, la poésie et les arts sont des notions qui touchent mais qui se retrouvent à des années lumière des impératifs commerciaux. On ne vend pas tout de suite avec le rêve. La poésie et les rabais ne font pas bon ménage. Les arts représentent une liberté d'expression et de choix, voire une vision difficilement conciliable avec des objectifs marketing quantifiables lors du prochain trimestre. Il faut avoir le luxe de s'élever au-dessus de la mêlée et demeurer une marque associée exclusivement à un mode de vie, pour pouvoir pavaner dans ces contrées où l'intangible est roi et la sensibilité à fleur de peau. Louis Vuitton, comme d'autres avant elle, surtout BMW qui a réellement défriché ces zones, peut se permettre une campagne constituées de films d'art. De superbes films d'art conçus par Ogilvy France.

C'est ce qu'elle nous propose depuis hier, une première pour la marque, par le biais d'une interprétation où Mos Def (Alias Yasiin Bey) fait siennes les magnifiques paroles poétiques du célèbre Muhammad Ali, en synchronisation avec une performance calligraphique exceptionnelle du designer Niels Shoe Meulman. En fait, deux films ont été diffusés au même moment et deux autres doivent suivre à l'automne. Celui montré en introduction est mon préféré, probablement parce qu'il crée un amalgame vibrant entre la musique, culminante à la fin, l'intensité dans le regard de Mos Def, son débit, et finalement la beauté du geste de Meulman. 

On transmet ainsi à une cible particulière un gain en estime de soi entièrement associé au raffinement et à la sensibilité artistique et non à la richesse matérielle. Les individus fortunés ne carburent plus à une projection ostentatoire de leur richesse, ils préfèrent s'identifier à des marques qui comblent leurs aspirations et rejoignent l'idée qu'ils se font de leur propre identité de marque personnelle. En s'appropriant le champ de valeurs de Ali, l'art contemporain et une tonalité résolument urbaine, Vuitton pénètre dans cette zone payante accessible seulement à ceux qui voient plus loin que le bout de leur nez, fût-il en or plaqué. Voici l'autre film, très réussi également.

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