dimanche 27 octobre 2013

En marge

En pensant à Lou Reed (1942-2013)

À tous les jours, on nous bouscule à rentrer dans le rang. Faut pas dire ceci. Faut pas faire cela. Mettre un habit. Parfois une cravate. Et les souliers qui ne doivent pas détonner. Et le sourire, l'ostie de sourire. Faut avoir le sourire. Même s'il ne veut rien dire. Par principe. Et aimer les amis, même si les amis sont rares et que l'utilisation du terme dépasse par un facteur mille la réalité de nos relations. Nous sommes bousculés, manipulés, on nous culpabilise de ne pas rentrer dans le rang: «pourquoi tu te trouves pas une job stable comme tout le monde?». Parce que c'est ma vie et que c'est moi qui décide. Point.

La marge est pour les étranges, les artistes, les faibles, les sales, ceux qui ne savent pas ce que sont les vraies valeurs. La marge fait vomir des animateurs de Québec à tous les jours car elle remet en cause leur infinitésimale virilité. La marge mine le beau petit monde parfait qu'on se fait rentrer dans la tête à grands coups de marteaux, de tounes nauséabondes de James Blunt et de films romantiques manufacturés à la chaîne comme des paparmanes roses. La marge se branle de la carrière de Celine sans accent ou de celle d'Ima qui se trémousse à quémander un tiers de point de notoriété spontanée sur un char allégorique cheap au défilé du Père Coca-Cola sur la Catherine. La marge se torture à forger le monde à grands traits de souffrances. La marge meurt de faim. Elle se fait expulser de son atelier comme une merde insignifiante. La marge comprend la douleur passée d'Elliott Smith et le parcours tordu de Basquiat. Elle était tatouée avant que ça devienne une mode. Elle aime la poésie même si elle se fait traiter de tapette. La marge danse autrement qu'en ligne. Et elle vit. Oui, la marge vit. 

On nous bouscule tous les jours à rentrer dans le rang. Le «on», c'est la peur incarnée par des millions de gens qui ne savent pas pourquoi ils vivent mais qui craignent ce qu'ils n'arrivent pas à comprendre. Moi je préfère faire ma petite affaire à mon goût. Faire ma petite affaire dans le doute. Mais vivre. Bonne nuit sur le «Wild Side» Lou. Tu m'as accompagné quand tout allait mal. Et tu vivras en moi. Promis. 


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