vendredi 13 décembre 2013

Donner


Noël, ce n'est pas un temps pour communiquer de la bouillie commerciale et pour jouer le jeu de l'image. Non.

C'est plutôt l'occasion de se démaquiller, d'enlever toutes les croutes superficielles de sa personnalité, toutes les couches de vernis qui nous blindent, de notre visage tous les sourires faux qui servent de diversion; c'est une chance de supprimer de nos vies les illusions confortantes, les mimiques défensives, les réflexes néfastes; de dissoudre toute cette rancoeur refoulée, de lâcher prise devant ses peurs, de rayer les prétextes habituels, de cesser de se donner raison quand on sait qu'on a tort, d'accepter l'injustice en l'annihilant par l'action; en combattant l'anxiété par le geste, les craintes par l'amour, en se donnant, en s'abandonnant. 

Là où j'évolue, chez Défi, nous sommes une famille. Dans un secteur où le taux de roulement des employés est délirant, à l'image des valeurs des agences de publicité qui le composent, notre équipe est stable et soudée malgré sa diversité étonnante. Là où la complaisance deviendrait un piège pour certains, où les routines pourraient miner la performance des autres, notre équipe sait se développer et se surpasser dans l'effort, dans la cohésion et dans l'innovation. J'aime notre équipe et j'en suis fier. Alors quand nous avons discuté de ce que serait notre carte de Noël d'agence cette année, plusieurs idées ont été amenées. Certaines drôles et décalées, d'autres plus classiques, et finalement, celle-ci, qui synthétise l'esprit de Noël au-delà du mercantilisme puéril : «Noël c'est donner». 

Alors nous vous offrons aujourd'hui en primeur ce film sans prétention réalisé par notre magicien Félix Bernier, un film sans couleur, mais fait avec tout notre coeur et dont l'imagerie et la facture représentent ce que nous sommes chez Défi, sans artifice: une équipe qui se donne souvent sans compter, mais toujours avec l'intention de dépasser les attentes tout comme ses propres limites. 

À l'approche de cette période annuelle où nous faisons tous le point, merci à tous nos clients, passés, actuels et en devenir, votre confiance nous a propulsés à une multitude de destinations, souvent inconnues mais toujours fascinantes; merci à tous mes lecteurs, fidèles, infidèles, parfois critiques, toujours pertinents; merci à chacun des membres de mon équipe pour ce que vous êtes: Stéphanie, Ginette, Sandrine, Christiane, André, Fred, Normand B, Normand P., Manon, Félix; merci à mon associée et indispensable complice Marie-Michèle avec qui j'aurai le privilège de façonner l'avenir de l'agence, et un immense merci pour toutes ces années de passion à Claude, notre fondateur, notre mentor, notre lucidité. 

À tous et toutes, vous avez fait de moi une meilleure personne cette année, je le crois sincèrement. On se reparle bientôt en 2014 pour la suite de nos aventures. 

Joyeux Noël et bonne année!

Mathieu

dimanche 1 décembre 2013

Le temps perdu


C'est dimanche et j'ai vraiment pas envie de parler publicité, alors vous êtes avertis…

Il y a deux jours j'avais 6 ans et mon père, déguisé en Père Noël, arpentait la rue Dany jusqu'au 373 en jouant le jeu avec sa grosse voix. J'y croyais, mon frère aussi et c'était magique, tous ensemble. Le lendemain nous étions chez ma mère, j'avais 20 ans et la famille, disloquée, tentait tant bien que mal de tenir le coup. Aujourd'hui c'est décembre et l'esprit de Noël envahit la maison et les yeux de mon fils. J'ai quarante-deux ans et je réalise que tout sera terminé demain. Tout. C'est comme ça. Les minutes nous font vibrer, souffrir, parfois interminables, mais les années filent en un flash sans que nous nous en rendions compte.

Un typhon, il s'appelle Haiyan. Des milliers de morts aux Philippines, dont des centaines d'enfants… Mais si le nôtre a le malheur de se faire un bleu sur le front avec un ballon de basketball, nous nous retrouverons, outrés, à commenter notre poursuite au civil de la compagnie de ballon sur le show de Denis Lévesque tout en donnant des conférences de prévention sur le sujet dans les écoles. Mais des centaines de morts d'enfants n'entraveront en rien notre achat d'un gros SUV ou d'un deuxième véhicule. Nous allons donner notre 20 piastres à la Croix-Rouge mais ce sera un achat comme un autre, celui de notre apaisement. Car notre contribution à l'amplification des phénomènes climatiques demeure trop abstraite pour notre petite conscience. Minou disparaît dans la nature? Ce sera le psychodrame interminable sur Facebook, avec photos et tout. Au même moment, des espèces disparaissent à jamais de la surface de la terre et ça ne nous fait pas un pli sur le nombril. Nous serons tous devant notre télé en février prochain à regarder les Olympiques se dérouler dans un pays qui matraque les homosexuels et l'idéal des Jeux. Mais si notre frère ou notre meilleur ami se fait tabasser par la police à cause de son orientation sexuelle, nous serons les premiers à démarrer une pétition en ligne exigeant le congédiement des officiers coupables ainsi qu'une refonte complète de la formation et du processus d'embauche de la police. 

Nous sommes collectivement tarés. Quand le mal est plus grand que nous, il devient translucide. Nous demeurons intelligents mais restons le nez collé sur la fenêtre de nos vies, notre souffle provoquant de la buée. Nous ne savons plus distinguer nos envies de paraître de notre bien, de celui de nos enfants, au-delà des anecdotes.

Aujourd'hui c'est décembre et ça fait cent ans que Proust a publié Du côté de chez Swann, le premier tome de À la recherche du temps perdu. La période des Fêtes représente le pointeur émotionnel le plus puissant, car elle réfère à l'enfance, à la famille et souvent, par association, à la douleur de la perte. Comment en arrivons-nous à laisser filer le temps tout en abdiquant nos devoirs et nos responsabilités? Pourquoi nous mentons-nous ainsi? Je crois à notre intelligence, elle est là, mais elle semble figée au quotidien. J'aimerais que la nostalgie déclenche une cascade d'actions intelligentes sur le plan collectif, au-delà des dons diachylons, nécessaires mais stériles à changer la nature néfaste des choses. Pour qu'à travers l'oubli de soi, dans l'action, nous retrouvions enfin le temps perdu.

mardi 26 novembre 2013

Les crinqués



Les crinqués ont toujours existé. Mais depuis quelques années, avec les réseaux sociaux, leur voix a été amplifiée. Ils sont racistes et collectionnent les phobes, du xéno à l'homo, en épandant leur haine comme du fumier qui cultive l'anti-intellectualisme primaire dans les champs de l'insignifiance. Ils sévissent un peu partout en occident, engraissés aux ailes de poulet et à la bière «cheap». Dociles le jour au travail, peureux lorsqu'ils sont seuls, ils se défoulent lorsqu'ils joignent leur clan le soir venu. Ce sont des couillons sans honneur ni courage, des intimidateurs minables qui carburent à la porno sale, car dans la vraie vie, ils n'ont de sexe que les quelques secondes pendant lesquelles ils peuvent réellement «performer» avant que le couvercle n'explose.

Dans la publicité montrée en intro, une solide création de RG/A en collaboration avec la maison de production Prettybird, la vedette des Nets de Brooklyn, Kevin Garnett, s'immunise des crinqués en utilisant ses écouteurs sans fil Beats by Dre. La toune est parfaitement choisie et l'effet est puissant, à la fois apaisant et inspirant. Le bénéfice du produit est parfaitement transposé par cet exercice sain et calme du pouvoir que nous possédons tous sur ces parasites, soit celui de ne jamais leur concéder quelque pouvoir que ce soit sur nous-mêmes… Plus que des casques audio, nous avons ici affaire à un antidote à la connerie humaine, à une réussite.

Je vous laisse avec Aloe Blacc et la chanson The man, sublime.

dimanche 24 novembre 2013

La base


Les tactiques publicitaires de terrain représentent un super potentiel de connexion émotionnelle avec certains consommateurs qualifiés. Leur portée est initialement limitée, mais leur pertinence est souvent supérieure et peut par la suite être transposée sur le Web pour finalement rejoindre les masses. Et avec la croissance d'une tendance majeure, soit celle d'afficher sur écran ce que nous avons à communiquer, la convergence des ces tactiques n'a jamais été aussi intéressante. Que ce soit en dirigeant les cibles vers les réseaux sociaux ou une destination Web, le tout à l'intérieur d'une séquence de communication qui valorise l'intérêt personnel et parfois la participation, les promotions et tactiques expérientielles décuplent leur efficacité en prônant la technologie et la créativité dans un mode organique. Mais rien ne remplacera et n'arrivera jamais à la cheville d'une relation réelle entre deux personnes...

En remarquant cette magnifique petite campagne de l'université Royal Roads de Victoria, on ne peut que convenir que les meilleures idées sont parfois si simples qu'elles ne nous viennent pas à l'esprit. Et que justement, parfois trop pris dans les amalgames stratégiques complexes, les stratèges, et je m'inclus dans le lot, devraient revoir leur cheminement en éliminant tout forme de recette et en s'empêchant de vouloir trouver le gros lot dans la mode du jour. 

Un humain pertinent, qui sourit et qui parle simplement à un autre humain, clairement, en toute authenticité, c'est parfois tout ce que ça prend pour arriver à ses fins. Et vous savez quoi? Il n'y a aucune technologie qui ne pourra jamais remplacer ça. 

mardi 19 novembre 2013

Le rose à la tronçonneuse!



Une bonne proportion des parents se rassurent sur leur crainte irrationnelle relative à l'orientation sexuelle de leurs enfants, en leur poussant dans la gorge les stéréotypes les plus stupides qui soient, au nom de la sacro-sainte et ô combien salvatrice hétérosexualité. Ça commence souvent avant la naissance du bébé par le choix des couleurs de sa future chambre, pour ensuite se perpétuer par le biais de l'ensemble des choix associés à l'enfant: vêtements, accessoires divers, produits culturels et jouets. Soyons limpides: je n'ai rien contre le rose ou le bleu ou le vert forêt. J'en ai plutôt contre le fait d'utiliser les couleurs comme de vulgaires étiquettes que nous apposons sur nos enfants. J'ai toujours dit à mon fils que le rose n'appartenait à personne, pas plus aux filles qu'aux garçons. Mais la pression est forte. Alors je fais exprès pour en porter à l'occasion et par le fait même prouver mes dires, avec grand plaisir. 

En publicité, les créatifs ont deux choix: rentrer dans le moule ou briser le moule. Jusqu'à maintenant, je constate qu'au Québec, malgré notre supposée ouverture d'esprit, nous choisissons massivement de véhiculer les stéréotypes classiques. La prémisse sous-jacente est simple: si je vends des matériaux de construction et que ma clientèle est masculine, je vais montrer un gars musclé avec une grosse voix pour valoriser la cible et favoriser sa projection psychologique dans ma marque. Or, cette prémisse est souvent fausse. De un, tous les acheteurs ne sont pas en manque de virilité, en déficit d'estime de soi ou en pâmoison devant l'idée d'avoir des muscles hypertrophiés. De deux, la cible primaire ne sera pas toujours charmée par des valeurs dépassées, surtout quand les siennes sont progressistes. De trois, quand on sait à quel point le caractère innovateur des marques est transmis par le ton, ce n'est peut-être pas une bonne idée que ce ton relève de la préhistoire. Et c'est sans compter sur le fait que les femmes se retrouvent au coeur de toutes les décisions de consommation, qu'elles les concernent directement ou qu'elles concernent les hommes avec qui elles évoluent.

La publicité de la marque de jouet californienne GoldieBlox, montrée en introduction, démontre toute la puissance d'une prise de position franche et en marge des sentiers trop battus de l'identité sexuelle. La refonte de la chanson antiféministe «Girls» des Beastie Boys s'avère aussi percutante qu'un boomerang qui reviendrait dans le visage des rétrogrades pour qui les jeunes filles ne sont que des petites princesses fragiles et mièvres. L'intelligence, la créativité et la confiance servent de fondements à une version actualisée et franchement inspirante de ce sexe qui s'avère en réalité tout sauf faible, peu importe son âge. Cette stratégie de création semble également parfaitement harmonisée à l'adn d'une marque qui offre justement aux fillettes bien plus que des poupées, soit de l'inventivité. 

Laissons enfin les enfants choisir qui ils veulent devenir, peu importe la couleur. Oui, une majorité de petits garçons préféreront naturellement jouer avec des camions tandis que plusieurs fillettes opteront pour des poupées. Mais là n'est pas la question. Je parle ici de liberté. Et cette vraie liberté commence par notre propre examen de conscience à nous parents; par notre propre lâcher prise à l'égard de ce que seront nos enfants, en tout respect de leur essence.

dimanche 17 novembre 2013

Le lien



«When love is gone, where does it go?»

Certains symboles touchent directement aux fondements de ce que nous sommes, à la fois individuellement et collectivement. L'amour vend parce que l'amour nous tue ou nous élève tous. La douleur du manque de l'autre comme l'euphorie du coup de foudre marquent si fortement nos vies qu'ils en deviennent des pointeurs émotionnels d'une rare intensité. Les grands réalisateurs du septième art savent exprimer leur vision du monde tout en utilisant ces pointeurs pour provoquer l'émotion. Un être vulnérable nous rappellera notre propre vulnérabilité, une femme blessée nous ramènera à des expériences personnelles, un enfant délaissé nous rapprochera de nos propres enfants, voire de soi-même dans un voyage dans le temps. Nous ressentons les émotions car elles nous ramènent à des endroits qui ont imprégné notre mémoire d'une manière unique. Certaines personnes n'arriveront jamais à sortir de ces moments tandis que d'autres y replongeront sporadiquement. Mais rares sont ceux qui y échappent totalement.

Pendant ce temps, la plupart des annonceurs, à certaines exceptions près souvent associées au luxe, au design et à la mode, s'entêtent à nous balancer des publicités pas très drôles qui promeuvent des rabais momentanés pour nous attirer en points de ventes. Et franchement, on s'en balance à un point tel que ces publicités sont volontairement zippées ou zappées. Mais les annonceurs persistent. Faut bien que les budgets marketing se dépensent, que les emplois se maintiennent et que des alliances entre des agences et services de communications se consomment. On mesure, on tente de prouver que ça fonctionne. Et quand ça ne fonctionne pas, on blâme la conjoncture. Du gros nivellement par le bas justifié par la peur du changement et les impératifs commerciaux à courte vue.

Ma conception de la publicité se rapproche plus de l'association émotionnelle entre du contenu et une audience. Par du film qui mérite d'être vu, qui nous rend meilleur, qui nous aide à mieux comprendre le monde; et avec des marques qui se positionnent dans ce contenu en prônant des valeurs distinctes, un langage unique, bref, par une histoire qui synthétise la promesse tout en la liant intimement au parcours de la cible. J'imagine des achats effectués par intérêt primaire, oui, mais aussi et surtout par un attrait qui ressemble plus à une cohérence des valeurs d'un individu.

Votre chaîne  de magasins vend moins cher? Pourquoi ne pas prôner la démocratisation et l'accessibilité au lieu des approches promotionnelles connes destinées à des lobotomisés qui n'existent pas? Vous êtes une télécom bleue qui désire montrer qu'elle est redevenue digne de considération? Pourquoi ne pas incarner la réhabilitation et la deuxième chance si fortement ancrées dans l'ADN du rêve américain, plutôt que de véhiculer des préjugés sexistes sur le hockey? 

Une publicité qui se donne la peine de voir plus loin que le bout de son nez, des stratèges et créatifs qui sortent du paradigme publicitaire classique pour envisager l'encodage et le décodage différemment, et une population qui investit quelques secondes de son temps par choix, par intérêt réel envers la pub: voilà ma vision, mon rêve idéaliste. Ne soyons pas naïfs, à l'extérieur de certains cercles restreints, l'amour de la publicité a massivement déserté une population déçue et trahie. Reviendra-t-il?

lundi 11 novembre 2013

L'hypocrisie olympique



«Ils nient les principes moraux et traditionnels qui représentent les fondements des identités culturelles traditionnelles. Ils implantent des politiques qui mettent sur le même niveau les grandes familles aux couples du même sexe, qui comparent la croyance en Dieu avec celle en Satan.»
- Vladimir Poutine, président de la Russie (en référence au lobby occidental relatif aux droits humains)

Dans quelques mois reprendra l'une des séries télé la plus populaire sur la planète, celle des Jeux olympiques d'hiver. Sotchi, station balnéaire russe de la mer Noire (oui, oui, balnéaire, vous avez bien lu), en sera l'hôtesse. On parle d'une ville située à 1360 km au sud de Moscou, dans une région appartenant autrefois à la Géorgie. Un genre de Myrtle Beach russe avec des montagnes en trame de fond.

Or, la Russie, pour bien s'harmoniser aux valeurs olympiques universelles, vient tout juste, en septembre dernier, d'adopter une loi qui rend illégale toute représentation ou promotion (un concept bien vague) de l'homosexualité aux jeunes. Exit tout défilé de la fierté gaie pouvant être vu par des jeunes. Bye bye à toute forme d'expression personnelle pouvant mener à communiquer son orientation. La grande noirceur féodale. Mais surtout, et c'est là que le bât blesse: le régime faussement démocratique de ce cloune autoérotisé de la Baltique avalise implicitement l'homophobie et attise les démonstrations de haine et de violence d'un peuple déjà reconnu pour ses excès envers ses minorités. Mais si la Russie, et c'est son droit le plus strict de légiférer sur son territoire par l'entremise de son gouvernement fantoche, se sent forte de ses prises de positions rétrogrades et populistes, comment accepter la posture du CIO qui cautionne la situation, allant même jusqu'à minimiser sa portée? 

L'idéal olympique a toujours été noble. Et on le sait, il a depuis des lustres été trahi par la théocratie de dirigeants aussi séniles que cupides. Alors pourquoi continuer d'embarquer dans cette galère en consommant massivement la programmation olympique et les grandes marques qui s'y attacheront? Et du point de vue des marques, pourquoi s'arrimer à une organisation qui compte l'hypocrisie comme valeur première? En cette ère où l'honnêteté et la vérité en publicité sont devenues des piliers sur lesquels les grands annonceurs doivent fonder pragmatiquement leurs plateformes de communication, il m'apparaît stupide d'accepter d'être complice d'un régime de haine et de répression envers les communautés LGBT. Sommes-nous en 2013?

À quand une grande marque qui osera se démarquer du lot en dénonçant l'hypocrisie du CIO et de ses complices? À quand une prise de conscience collective qui dépassera les intérêts personnels de divertissement pour enfin faire payer le prix aux rétrogrades et à leurs alliés? À quand une mobilisation des parties prenantes pour induire au CIO une pression irrésistible dans le sens des intérêts communs? Ce jeune Moscovite qui essuiera les coups d'une bande de malfrats homophobes, ça pourrait être votre fils, votre frère, votre ami. Ne l'oubliez pas. En ce qui me concerne, contribuer à l'esprit olympique cette année se résumera à se mettre la tête dans le sable. Ne comptez pas sur moi.

mercredi 6 novembre 2013

L'embryon


Je travaille présentement sur plusieurs projets de branding dans différents secteurs d'activité. Le branding est un exercice de synthèse extrême. Une forme de Haïku de l'esprit. La marque demeure avant toute chose l'expression d'une impulsion, d'une singularité que nous devons imprégner à différents niveau dans la mémoire de nos cibles, mais elle représente également une forme d'association et de catégorisation qui doivent être provoquées par des éléments marquants. En clair, une marque doit être facilement «rangée» dans une case du cerveau qui sera facilement accessible lors du processus décisionnel impliquant une catégorie de produit ou service qui lui sera associée. Enfouie trop loin, elle sera perdue. 

On évoque souvent l'importance du logo, surtout avec cette tendance de globaliser une marque par un symbole unique, comme le font Nike ou Starbuck, pour qui la calligraphie du nom est devenue superflue. Mais bien au-delà du graphisme, en amont, qu'il soit écrit ou pas, le nom doit résonner fort, clairement, de manière concise. Sa consonance doit être harmonisée avec sa symbolique et la stratégie de positionnement doit être transcendée et traduite en langage vulgarisé. Une marque, c'est plus qu'un logo, c'est une vibration. Or, pour faire vibrer les neurones et activer les synapses, il faut aussi rester sensible à la posture psychologique des segments visés, sans compter le contexte sociologique dans lequel la marque s'insère, ni oublier les référents culturels qui peuvent venir altérer sa perception. Une mauvaise association et c'est loupé. Ça donne la Buick LaCrosse: un bel exemple de branding qui manque de lubrifiant. Et oui, une marque, c'est aussi, et peut-être avant tout chose, une histoire. Mais combien d'histoires factices minent la perception de marques développées dans de grandes agences comptant sur des processus lourds? Je préfère qu'une marque raconte une histoire plus simple, mais surtout, une histoire inspirante. 

Il est 23h31 et je travaille sur plusieurs projets de branding en écoutant le deuxième morceau du disque 2 de Reflektor, le nouvel opus d'Arcade Fire. Et je sens que jamais mon parcours de vie ne m'a été à ce point utile dans ma carrière. Les marques contribuent au paysage urbain dans lequel nous vivons quotidiennement. Les créatifs doivent respecter l'environnement dans laquelle la publicité s'insère; les marques doivent apprendre à coexister sans miner l'essence de la ville: en respectant l'intelligence, en étant créatives, en prônant l'unicité et le contraste dans la considération du mobilier urbain. La publicité, à l'image des référence culturelles des créatifs, peut être belle et riche. Elle doit être belle. Le branding en est l'embryon. 

samedi 2 novembre 2013

La saison

Fiston : «Papa? Qu'est-ce que ça veut dire le mot transition?» 
Moi : «C'est quand on passe d'une étape à une autre dans la vie. Par exemple, quand tu es passé de la maternelle à la première année, tu as vécu une période de transition. C'était nouveau pour toi au début. Tu comprends?» 
Fiston: «Oui, merci».

Et là il retourna à son dessin, fort beau, qu'on scotcha par la suite à la porte de la chambre. On fait ça chez moi. Car des portes, c'est plate, alors aussi bien leur donner de la vie, celle qui nous anime à parcourir le périple de notre quête. Pour certains, ce sera de désapprendre le quotidien pour se défaire de cette enveloppe de plomb installée sur leur corps à l'âge adulte. Pour d'autres, comme moi, ce sera plutôt d'apprendre à devenir quelqu'un, à bâtir, à répéter la douleur jusqu'à l'adaptation. Pour en récolter les fruits. Car j'en suis convaincu, aucune joie, aucun accomplissement, aucun dépassement ne peut être réalisé sans la douleur. Apprendre à gérer la douleur, c'est apprendre à gérer la peur.

En agence de publicité, nous vivons dans une belle grande transition permanente. La publicité est une bibitte aussi éphémère que ce couple qui s'affichait sur Facebook et qui provoquait les spéculations sur le lieu de son mariage, avant de se dissoudre en silence dans la honte; éphémère comme la durée de vie d'un gestionnaire en marketing. Nous sommes vulnérables aux humeurs des décideurs, à l'austérité des budgets de communication, à la névrose des uns, à la microgestion des autres; nous devons constamment faire notre deuil de ce que nous croyions être la réalité pour s'investir dans une nouvelle forme du réel, mutée, parfois décevante, parfois surprenante. Pour une personne sensible, ça peut devenir dur. La publicité est une manufacture à dépressions et à idées noires. Un créatif s'expose et se met en danger à tous les jours. On aime ses idées, on remet en question ses idées, on modifie ses idées, on croit avoir de meilleures idées que lui. Nous sommes constamment en période de mue, l'épiderme exposé au vent froid qui nous secoue les branches. 

Si la douleur est incontournable, aussi bien la ressentir pour les bonnes raisons et prendre le contrôle de sa destinée. Si la transition est un mode opératoire, aussi bien se donner à fond et décupler les occasions pour ne plus dépendre d'un client ambivalent ou d'une personnalité instable. Je préfère me défoncer, ne pas perdre une seconde, anticiper le pire et le gérer des mois avant qu'il ne survienne. Et ensuite passer à autre chose. Je préfère m'exalter à redéfinir mon métier, à maximiser le plaisir de travailler avec des gens que j'aime. Simplement parce que la vie est trop brève.

J'ai choisi de m'investir à imaginer des campagnes qui feront une différence, à ressentir le plaisir de voir tomber les feuilles en sachant que cette perception du mouvement, du temps qui avance trop vite à l'automne, représente au fond une projection de mon propre rythme, une preuve que je suis vivant. Cette saison mélancolique et furtive, c'est au fond une occasion de prendre conscience de ce que je suis vraiment.

dimanche 27 octobre 2013

En marge

En pensant à Lou Reed (1942-2013)

À tous les jours, on nous bouscule à rentrer dans le rang. Faut pas dire ceci. Faut pas faire cela. Mettre un habit. Parfois une cravate. Et les souliers qui ne doivent pas détonner. Et le sourire, l'ostie de sourire. Faut avoir le sourire. Même s'il ne veut rien dire. Par principe. Et aimer les amis, même si les amis sont rares et que l'utilisation du terme dépasse par un facteur mille la réalité de nos relations. Nous sommes bousculés, manipulés, on nous culpabilise de ne pas rentrer dans le rang: «pourquoi tu te trouves pas une job stable comme tout le monde?». Parce que c'est ma vie et que c'est moi qui décide. Point.

La marge est pour les étranges, les artistes, les faibles, les sales, ceux qui ne savent pas ce que sont les vraies valeurs. La marge fait vomir des animateurs de Québec à tous les jours car elle remet en cause leur infinitésimale virilité. La marge mine le beau petit monde parfait qu'on se fait rentrer dans la tête à grands coups de marteaux, de tounes nauséabondes de James Blunt et de films romantiques manufacturés à la chaîne comme des paparmanes roses. La marge se branle de la carrière de Celine sans accent ou de celle d'Ima qui se trémousse à quémander un tiers de point de notoriété spontanée sur un char allégorique cheap au défilé du Père Coca-Cola sur la Catherine. La marge se torture à forger le monde à grands traits de souffrances. La marge meurt de faim. Elle se fait expulser de son atelier comme une merde insignifiante. La marge comprend la douleur passée d'Elliott Smith et le parcours tordu de Basquiat. Elle était tatouée avant que ça devienne une mode. Elle aime la poésie même si elle se fait traiter de tapette. La marge danse autrement qu'en ligne. Et elle vit. Oui, la marge vit. 

On nous bouscule tous les jours à rentrer dans le rang. Le «on», c'est la peur incarnée par des millions de gens qui ne savent pas pourquoi ils vivent mais qui craignent ce qu'ils n'arrivent pas à comprendre. Moi je préfère faire ma petite affaire à mon goût. Faire ma petite affaire dans le doute. Mais vivre. Bonne nuit sur le «Wild Side» Lou. Tu m'as accompagné quand tout allait mal. Et tu vivras en moi. Promis. 


lundi 21 octobre 2013

Choisir ce que nous sommes



Nous sommes la résultante de nos choix. Se lever ou pas le matin. Aller ou pas au travail. Se défoncer ou sombrer dans la procrastination. Demeurer centré sur les projets ou sur son nombril et sur l'illusion du pouvoir qu'on croit posséder.

Pour avancer, il  faut penser, planifier, avoir des idées, mais surtout, faire les choses. Et dans le cours de la réalisation, prendre les bons virages. Assumer ses choix et aller de l'avant. Ne pas se chercher d'excuses. Avant toute chose: lire, savoir, s'intéresser. En publicité, il ne suffit pas d'avoir des idées. Ni de comprendre les tendances du jour. Il faut plutôt saisir l'essence de la société dans laquelle on évolue. Or, il faut connaître le passé, prévoir l'avenir, s'imbiber de culture, celle des références qui ont façonné l'histoire. Il faut écouter de la musique qu'on a pas envie d'écouter. Regarder des films qui sortent de notre palette de goût. Déguster ce qui nous dégoûte. Bref, sortir de sa zone de confort. Il faut impérativement lire. Pas deux paragraphes: des livres. Des ouvrages. Et ne jamais s'asseoir sur ses lauriers. 

Cette publicité du quotidien Irish Independent, le quotidien le plus lu d'Irlande depuis 1905, communique l'essence même de la vocation d'un journal, celle d'informer. À cette époque où les opinions fusent plus rapidement que la volonté de comprendre les enjeux d'une problématique, peu importe la source, il faut s'éclairer avant de prendre position. Dans cette publicité, la structure de l'image en deux temps apporte des contrastes saisissants. La facture est simple et la musique intemporelle et cohérente avec la culture locale. Mais en bout de ligne, le message est simple, pertinent et propose un bénéfice personnel axé sur l'intelligence et le sens du discernement. Du beau travail.

Faire des choix, se positionner, aller à la guerre pour un projet, pour une idée et se battre pour concrétiser les idées en réel, c'est là que je trouve la plus grande motivation à vivre ma vie. Et peu importe les victoires ou les échecs, c'est dans l'honnêteté du processus et dans la ferveur de l'action que je crois que nous pouvons s'assurer d'avancer un peu chaque jour, même si la destination finale semble parfois hors d'atteinte.

mardi 15 octobre 2013

La confiance


La confiance n'est pas la complaisance. Ce n'est ni abdiquer son sens critique ni refuser de communiquer sa divergence. La confiance est un sentiment en amont qui donne de la force au donneur autant qu'au receveur. C'est un cadre qui favorise l'estime de soi et qui décuple la performance. La confiance engendre l'émergence des talents, le rayonnement des personnalités et elle favorise la cohésion tout en plaçant le respect au centre des valeurs d'une entreprise. La confiance est saine et exige un don de soi, un certain «lâcher-prise» et une bonne dose de courage et de ferveur. Ceux qui partent au front en confiance sont souvent ceux qui en reviennent vivants. La confiance est noble.

En publicité, et particulièrement en création publicitaire, la confiance (ou l'absence de) demeure souvent la cause d'un succès ou d'un échec. Un créatif en confiance, qui se sent appuyé par son équipe et son leader, repoussera ses limites et dégagera cette aura qui permet de produire des concepts qui sortent de l'ordinaire. 

La confiance restera toujours un ingrédient essentiel, au coeur de la relation client-agence. Les clients qui font confiance à leur agence sont souvent ceux qui récoltent en contrepartie les campagnes les plus innovantes. Il n'y a pas de hasard. Une relation d'affaire se vit à deux, mais elle est toujours initiée par le choix du client d'évoluer avec une équipe en particulier. Dans tous les cas: «it takes two to tango». Les meilleurs agences et les créatifs les plus remarquables ont tous échoué lamentablement sur des comptes où la confiance était défaillante. 

Évidemment, la confiance peut être trahie, retirée ou portée avec condition. Pour ma part, je préfèrerai toujours faire confiance et donner le bénéfice du doute plutôt que de constamment douter de ceux qui m'entourent. Il ne faut toutefois pas être dupe et savoir reconnaître quand elle n'a plus sa place. Faire confiance est un peu comme aimer: certains l'ont facilement tandis que d'autres s'en sentent incapables, scotchés dans leurs propres peurs. Mais un fait demeure, en confiance, nous sortons tous grandis.  

mercredi 9 octobre 2013

Je suis une extraterrestre


Préambule
Parfois dans la vie, des publicités douteuses comme la dernière de Metro, où l'on ne voit que des femmes, apparaissent sur nos écrans. Alors pourquoi ne pas laisser l'occasion de la critiquer à une femme qui se situe au coeur de la cible visée par la campagne? C'est ce que j'ai fait, pour la deuxième fois depuis l'existence de ce blogue, en laissant la plume à Sylvie Gagnon, une amie dont le jugement est béton. Bonne lecture, merci Sylvie.

- Mathieu Bédard


Je suis une extraterrestre. Bon, vous me direz, ça ne paraît pas du tout, t’as plus l’air d’une femme tout ce qu’il y a de plus standard. Mais non. Ne soyez pas si naïfs. Comme vous le savez sans doute, c’est plus souvent qu’autrement une erreur de se fier aux apparences.

Il y avait un bout de temps qu’on me faisait le commentaire. Ça tournait généralement autour de «oui mais toi, on sait ben, tu penses pas comme une vraie fille». Voyons donc, que je me disais candidement. Jusqu’à ce que ça me frappe, tel un coup de 2X4 en plein front. Assise distraitement devant ma télé, voilà que la nouvelle pub de Metro m’interpelle (mais pas pour les raisons espérées, vous m’en voyez désolée).

Vous l’avez probablement vue, on y met en scène le personnage de l’épicier Metro, cette fois entouré d’actives mamans contentes d’être enthousiastes (ou serait-ce plutôt l’inverse) envers le nouveau site Web de la chaîne. Des recettes, des coupons, et autres concepts révolutionnaires tels qu’obtenir sa liste d’épicerie en ordre.  On conclut sur le personnage masculin, satisfait, entouré de ses amazones de la circulaire. Rideau.

À (très) chaud, je me dis que l’épicier Metro a une vision bien dépassée et déconnectée de la réalité de 2013 pour refléter une image si exclusivement féminine et «maternelle». Je ne peux parler pour vous, mais personnellement, j’ai la chance d’être entourée d’hommes dégourdis, capables eux aussi de faire l’épicerie, de s’occuper de leurs enfants, de superviser les devoirs et de prendre des rendez-vous chez le dentiste. Conjoint, amis, collègues, connaissances, les exemples ne manquent pas autour de moi de gars qui remplissent admirablement leur rôle de parent. Mais bon, tout ça doit se passer uniquement dans ce microcosme aucunement représentatif qui m’est propre. Et je ne devrais probablement pas être insultée à leur place qu’on les évacue ainsi du paysage, dans une quelconque représentation du quotidien.  

Sauf que mon rongeur agacé, visiblement sur une erre d’aller, a donné quelques tours de plus à sa roue. Bien qu’extraterrestre, je fais partie de la si convoitée cible publicitaire de la femme entre 25 et 45 ans, maman de surcroît (ce qui doit donner des points bonus, ou à tout le moins un intéressant diagramme de Venn). On veut donc à tout prix me rejoindre, me toucher, me convaincre, étant donné que je porte la famille à bout de bras, et que je prends toutes les décisions significatives qui la concernent (on se rappellera que d’aucuns ont vite statué que l’homme en était incapable). On organise même des journées-conférences à mon sujet, où l’on devise à qui mieux mieux sur la meilleure approche pour m’atteindre. Je représente un MARCHÉ.

Mais c’est là où je tiens à m’autoexclure du tableau Excel. Game over. Voyez-vous, publicitaires, aussi étrange que cela puisse vous paraître, à 38 ans j’ai suffisamment maîtrisé le concept de ce que constitue «faire l’épicerie» pour comprendre sans avoir besoin de me voir à l’écran. À un point tel, que même des gars pourraient me le vendre. Et ça vaut pour tout le reste. Je n’ai aucunement besoin de voir une maman pressée entre son boulot stressant et sa classe-de-yoga-bouée-de-sauvetage, qui avale un yogourt sans gras (donc sans saveur) pour pleinement assimiler la mécanique de la décision d’achat. Même que ça génère plutôt l’effet pervers de me faire fuir. Si vous croyez que j’ai systématiquement besoin de voir une brunette de 5’3’’/100lbs dans chacune de vos pubs pour saisir votre message, c’est que vous me croyez profondément narcissique. Ou pire encore, carrément idiote. Faut dire que plusieurs d’entre vous êtes également convaincus qu’un marteau se doit d’arborer le rose pour que je sois capable de m’en servir. CQFD.

Mais vous pouvez dormir en paix sur vos plans marketing, je sais pertinemment que c’est moi qui ne fait pas honneur à mon segment de marché. Les preuves ne cessent de s’accumuler. Une autre toute récente (pour la route):  discussion anodine avec un collègue sur la série Breaking Bad, qui me raconte que sa blonde n’a pas embarqué, étant donné que les préoccupations dont il y est question sont très masculines. En me rassoyant sur ma chaise, je ne peux faire autrement que me poser la question qui se précipite hors de ma bouche: «Et?....», ce qui me vaut un autre «oui mais toi, tsé, c’est pas pareil» à ajouter à ma collection déjà bien garnie. Ma marginalité me saute d’autant plus aux yeux que je n’avais jamais pensé qu’on pouvait aborder une œuvre - et surtout choisir de la mettre de côté - sur la base d’un tel critère.  Allez, je pousse le bouchon de la confession: je ne considérais même pas ça comme un critère. C’est vous dire à quel point je partais de loin. De si loin, que  je n’en suis pas encore revenue, d’ailleurs.

Je pourrais continuer, mais vous êtes déjà bien patients d’être restés. Donc, si on se résume un peu, je crois dur comme fer que les hommes sont tout ce qu’il y a de plus aptes à faire l’épicerie, je ne suis nullement rongée par un besoin constant de représentation de ma petite personne en pub, j’évite systématiquement les étalages d’outils roses, et je m’intéresse pas à une œuvre sur la base des préoccupations féminines qu’on y développe. Tout cela me semble amplement suffisant pour faire la preuve que je ne suis pas une femme, mais bien un extraterrestre individu.

Par Sylvie Gagnon, Gestionnaire de marque et médias sociaux

lundi 7 octobre 2013

Vous êtes baisé




La vie va très vite. Un resto français ouvre sur Rachel. Et le lendemain, paf, c'est rendu un truc de grillades coréennes. Les amitiés et les amours se font, se défont, se refont. Des jaloux vous larguent. Des opportunistes vous draguent. Les saisons passent et vous oubliez de changer vos pneus. Les modes aussi. Finies les chemises à carreaux, trop vues dans le 450. Toujours cet effort à demeurer dedans en regardant des écrans toujours plus gros. Cet album de Nirvana c'était il y a 3 ans? Non. C'était il y a 20 ans mon chum. Et toute cette énergie déployée à un rythme qui vous tue. Hier vous étiez le roi du monde, demain vous serez jeté. Sans explication. Ou peut-être avec. Mais ce ne sera pas la vérité. Rares sont ceux qui disent la vérité. Regardez-vous maintenant, en ce moment même. Où êtes-vous vraiment rendu? Qu'avez-vous vraiment accompli? Et hop, un nouvel emploi de DA dans une agence où l'on croit avoir tout compris, un enfant qui naît, non il a déjà 5 ans, re-non, il débute sa deuxième année du primaire et il lit. Mais quand a-t-il appris? Entre deux pitchs où vous avez perdu ce qu'il vous restait de décence capillaire. Oui, quand vous étiez ailleurs dans votre tête même si vous l'aimez de tout votre être. Avancer. Toujours avancer. Tenter de comprendre ce qui se passe autour de vous. Voir loin devant même si ça ne sert souvent à rien. Car vous êtes baisé et au fond vous le réalisez. Il fait 24 degrés un 7 octobre. C'est pas normal. Vous le savez en joggant le midi pour ne pas avoir l'air trop gros quand vous allez au Big in Japan le mercredi. Dans l'auto, vous écoutez des prudes nostalgiques de leurs seins fermes critiquer des Femen, pendant que les gros caves qui vous volent vos taxes municipales depuis 8 ans se représentent aux élections et vont gagner, élus par des robots qui ont droit de vote mais qui ne savent pas penser. Vos connaissances vous remâchent des idées aussi connes qu'alambiquées de Bock-Côté, entendues à la radio le matin même sur un ton maniéré. Et ils semblent se croire. Puis tous ces retweets débiles d'articles sur l'importance des réseaux sociaux à l'ère de la fragmentation des marchés qui vous rendent furax. Alors vous respirez par le nez. Vous avancez. La tête baissée. Vous doutez un peu et puis vous agissez. Vous tentez de réaliser des folies. Vous visitez youporn mais ça ne vous fait plus rien. Alors vous songez à laisser votre trace. Vous perdez de l'argent. Vous en gagnez aussi. La trace s'efface toujours un peu, alors toujours devant. Plus fort. Les yeux parfois mouillés, vous persistez là où les autres abandonnent. Sans savoir si tout ça a un sens mais en y croyant quand même un peu. Vous êtes souvent détestable. Parfois charmant. Vous avancez et vous donnez tout ce que vous avez dans le ventre. Vous ne laissez rien derrière. Rien. Pas même un souffle de trop. 

Je vous laisse sur le clip de la toune de la publicité montrée en intro. La publicité de BBH London est pas mal. La toune est encore meilleure. Gesaffelstein qu'il s'appelle. Demain ce sera dépassé.

ps: Je ne me décrivais pas. Tout ça est une fiction. Un peu la nôtre.

dimanche 29 septembre 2013

Les émotions formidables



Il y a Stromae, un véritable talent. Ensuite une chanson, Formidable, parue en juin dernier par le biais d'un clip viral (plus de 29 millions de visionnements à ce jour) où le chanteur simulait un état d'ébriété dans les rue de Bruxelles. Une approche brillante, filmée en mode guérilla et qui élevait Paul Van Haver (de son vrai nom) à un autre rang, à des milles du générateur de tubes comme Alors on danse.

Et là, quatre mois plus tard, après la sortie de son nouvel album, Stromae nous refait le truc pour la centième fois fois sur un plateau de télé, cette fois-ci en présence de Dany Boon lors de l'émission Vivement Dimanche, animée par Michel Drucker. Toujours la même simulation d'état d'ébriété et de spleen. En principe, nous ne devrions pas être émus en regardant la séquence. C'est théoriquement du déjà-vu. Mais non, au contraire, et c'est surprenant, ça nous prend au coeur, pour ma part encore plus que la première fois. Pourquoi? Une raison: l'intensité.

L'intensité permet de complètement «distortionner» la réalité et de s'approprier l'instant présent. Là où l'humour provoque un effet instantané qui s'estompe généralement aussi rapidement, l'intensité de l'émotion dramatique transperce souvent nos coquilles et s'immisce en nous pour une période dont la traîne sera beaucoup plus longue. Une émotion qui perdure car elle pointe sur des expériences personnelles marquantes, un peu à la manière des petites madeleines de Proust.

C'est un peu étonnant que les créatifs persistent à miser sur l'humour dans des proportions aussi stratosphériques, quand d'autres stratégies de création permettent de marquer la «cible» de manière beaucoup plus durable. Le consommateur ne mérite-t-il pas, tant qu'à subir plus de 5000 stimulus publicitaires dans une journée, de ressentir, ne serait-ce qu'à l'occasion, des émotions formidables?

Un gros merci à Claudine Dubé pour le tuyau de la performance montrée en intro.

lundi 23 septembre 2013

Toute la beauté du monde




« Les gens stupides ne voient la beauté que dans les belles choses. »

La beauté dans la survivance. Dans cette volonté d'amour inconditionnel. Dans la pureté du sentiment. La beauté dans la souffrance, dans la révélation de la violence et de la haine. La beauté du symbole qui transcende les cultures et les frontières. Toute la beauté du monde ailleurs que dans l'image que nous nous faisons de la perfection. La beauté, toute la beauté du monde, dans la misère du monde. La misère qui devient signifiante, à des années lumière de l'illusion provoquée par le désir adolescent de devenir un clone de couverture de magazine. La beauté, toute la beauté du monde, dans l'unicité, dans les anomalies, dans ce qui nous impose le mépris de notre propre vanité. 

La publicité expose généralement toute la laideur du monde, à grandes doses d'implants, de dents trop blanchies et de proportions irréelles des corps. Toute la laideur du monde à vouloir vendre aux masses une conception irrationnelle de l'humain. Une laideur qui supprime les cernes, les rides, les bourrelets et alimente l'anxiété du rejet. Mais elle n'a pas à demeurer ainsi, à l'encontre de la vie.

À la suite de ma visite de l'exposition World Press Photo avec mon équipe vendredi dernier, une expérience qui nous démontre justement, entre autres choses, toute cette beauté dans la souffrance, il est impossible de demeurer insensible à des réalités bien tangibles qui se déroulent à moins de douze heures d'avion de Montréal. Impossible de ne pas réaliser l'insignifiance de nos problèmes et de nos angoisses, mais surtout, impossible de ne pas réprouver cette pulsion de célébrer la vie en la vivant pleinement, sans concession, une seconde à la fois. 

Crédit et description de la photo
Par Ebrahim Noroozi. Une femme et sa fille à Bam en Iran, dont les visages ont été aspergés à l'acide par le mari (et père) lors d'une nuit, à la suite des demandes de séparation formulées par la femme. Sa fille et elle s'embrassent car elles sont seules au monde à pouvoir et à vouloir le faire. Photo gagnante du premier prix dans la catégorie «Portraits» du World Press Photo 2013.

mercredi 18 septembre 2013

Les abuseurs d'enfants

Il est 7h20. Je complète mon entraînement sur mon tapis à la maison. Fiston, 6 ans, termine son déjeuner et s'habille comme un grand en écoutant sa chaîne de télé favorite: TÉLÉTOON. Étant donné que c'est son anniversaire bientôt, il s'amuse à écrire (il débute dans le domaine) sur un grand carton ce qu'il aimerait recevoir en cadeau pour l'occasion. 

Comme vous le savez, au Québec, la Loi sur la protection du consommateur interdit toute publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans, à quelques exceptions rarissimes près. Ceux qui violent cette loi sont exposés à des poursuites pénales importantes.

Revenons donc à mon fiston, qui a maintenant terminé de s'habiller et dont l'attention sera fixée à l'écran pour une quinzaine de minutes (je ne lui en permets pas vraiment plus). Il écoute un épisode de Scooby-Doo, qui doit bien dater des années 70. Quelques minutes plus tard, on en vient à une pause publicitaire. Quelques messages qui s'adressent aux adultes, défilent, rien à signaler de particulier, quand soudainement on passe un aperçu de l'émission Chima. Chima, c'est une invention du géant Lego, qui vise à remplacer sa plateforme Ninjago. C'est que ce géant, dans sa stratégie commerciale, a décidé de produire du contenu pour alimenter ses ventes. On parle ici d'animer les produits disponibles en magasins, de bien les nommer, le tout à travers une trame narrative primaire qui permet aux enfants de bien les mémoriser et de ressentir un désir de possession bien palpable. Donc, dans cet aperçu du prochain épisode, ce que l'on voyait avait tout à fait l'air d'une publicité de jouet destinée aux enfants et les figurines bougeaient lentement pour qu'on puisse bien discerner leurs détails. Ne manquait que la mention classique de la marque et des magasins où les produits sont distribués à la fin. Dans la microseconde qui suivit, fiston me demanda illico de l'aider à noter les noms des personnages qu'il venait de voir à l'écran, car il espérait vraiment les recevoir en cadeau. L'arnaque de Lego, endossée par TÉLÉTOON, avait visiblement bien fonctionné.

Je dois une partie du développement de ma créativité à mon utilisation des blocs Lego. À l'époque, l'idée était d'utiliser les blocs pour construire, pour inventer. Il n'en n'est rien aujourd'hui. On propose des constructions déjà balisées qui mettent en vedette des personnages et des univers conçus pour alimenter la fréquence d'achat, sans compter la dimension guerrière sous-jacente à l'opération. Et pour contourner les lois, on crée des émissions qui servent de vecteurs commerciaux. Un film sera même lancé au début 2014... 

Les enfants sont donc exploités comme jamais en toute impunité. L'esprit de la loi est bafouée. Et nous, les parents, n'avons pas d'autre choix que d'interdire ces contenus à nos enfants si nous voulons limiter leur exposition à de la publicité camouflée. Ce «racket» est indécent. TÉLÉTOON (une propriété Astral, donc Bell) me dégoûte. Nos enfants méritent mieux. Vivement qu'ils retournent jouer dehors plus activement, à l'abri des ces abuseurs de confiance.



mardi 17 septembre 2013

La publicité se meurt


Les gens ne veulent plus regarder de la pub. J'irais même plus loin: ce qui est considéré comme de la bonne publicité n'attire que très difficilement l'attention du consommateur. On voit sur nos écrans des tonnes de concepts assez créatifs, qui mettent de l'avant une petite attitude décalée au goût du jour et je ne crois pas que ces messages fonctionnent. Ils sentent trop le créatif en quête d'un trophée. L'intention suinte. Et ça, ça répulse le consommateur. 

L'authenticité et la transparence deviennent un must, c'est clair, mais quand on prétend être honnête trop haut, trop fort, on se plante. Les publicitaires ne doivent plus faire de publicité. Enfin plus celle qui ressemble à de la publicité. Plus celle dont la structure est instinctivement détectée par le détecteur de «boulechite» de l'individu normal. Enfin, surtout plus celle qui prône les sempiternelles tactiques promotionnelles des années 80, des porte-paroles bidons ou des séquences de communication qui méprisent l'intelligence de la moyenne des ours. La publicité comme on la connait se meurt. Et c'est pas plus grave. Réinventons-là. À grands coups de vérité, d'humilité, de candeur divertissante, de surprises et de poils dressés sur les bras! Le consommateur fera le reste. Faisons-lui confiance.

dimanche 15 septembre 2013

Les lâches


Aujourd'hui, rien sur la pub, mais plutôt une petite réflexion personnelle en cette période de tension sociale. C'est une petite liberté que je m'accorde à l'occasion... Alors vous êtes tous avertis.

Nous connaissons tous un lâche. Ils sont assez faciles à identifier. Les lâches imposent leurs vues, car ils ne savent pas mériter le respect avec leurs idées. Les lâches s'assemblent, car en meute c'est plus facile de masquer sa vulnérabilité. Les lâches crient et lancent des injures, car intimider et attaquer est plus simple que de tenter de se mettre dans la peau de l'autre. Les lâches sont convaincus d'avoir raison, car avoir tort, pour eux, signifie mourir. Les lâches simplifient, car la complexité requiert de l'effort et du discernement. Les lâches, sur les réseaux sociaux, masquent souvent leur apparence, pour ne pas avoir à assumer la responsabilité du fiel qu'ils déversent. Les lâches ont peur mais se délectent de la souffrance des autres, ne se sentant ainsi plus seuls à souffrir. Les lâches sont mesquins, racistes et xénophobes, mais se drapent de toutes les vertus pour justifier leur position. Et ils s'endorment le soir bourrés de colère, mais surtout avec cette fausse assurance que procure l'ignorance, dans l'absence totale de doute. Leur univers est froid.

Les lâches sont faibles et ne représentent qu'une infime minorité, mais ils sont juste assez nombreux pour engluer la cohésion sociale, faire honte à tout un peuple et miner des débats sains entre différentes visions qui ne sont souvent pas aussi éloignées qu'elles en ont l'air. Je croise trop de lâches ces jours-ci. Ils attirent mon attention malgré moi.

Alors que faire? Au fond, les lâches ont seulement besoin d'amour et de réconfort. Ce sont des petites bêtes blessées par la vie. Alimenter leur bulle de rancoeur n'aidera personne au fond. Alors allons-y un lâche à la fois. Convertissons chacun un lâche à l'empathie et à la réflexion. Et restons calmes. Ensuite on pourra passer aux choses sérieuses, comme notre évolution et notre épanouissement collectif.

Crédit photo: LaPresse.ca

jeudi 12 septembre 2013

Une différence


J'aime mon métier. Mais ce que je préfère, c'est d'avoir l'occasion de contribuer à sensibiliser la population sur certains enjeux. Mais surtout, j'adore voir la structure d'agence que nous avons développé chez Défi, celle d'une agence boutique entièrement intégrée, être mis à profit à plein sur un même mandat, comme une ruche: développement Web et film publicitaire, médias, réseaux sociaux, relations publiques, etc. 

Nous avons donc lancé ce matin la campagne Mission Générations pour notre client l'APCHQ. Cette campagne vise à mobiliser la population pour que les décideurs politiques, par définition inertes sur des enjeux qui ne sont pas «urgents» sur leur échiquier, puissent ajuster leurs flûtes en vue d'une politique nationale d'habitation, qui favorisera l'accès à la propriété des générations futures. Car danger dans la demeure il y a. Vraiment.

Bravo à toute notre gang chez DÉFI marketing, merci à un client ouvert d'esprit, mais surtout, merci d'avance à vous tous d'appuyer cette cause. Comment? Simplement par quelques secondes de votre temps en signant le registre d'appui sur le site de la campagne. Car oui, la publicité peut parfois tenter de faire une différence, car nous le pouvons tous.

mardi 10 septembre 2013

Transformation absolut.

Quatre artistes: Woodkid, Aaron Koblin, Rafael Grampá et Yiqing Yin. Quatre disciplines. Quatre énergies modulées différemment. Une chanson: Ghost Lights par Woodkid. Un thème. Une ambiance. Mais surtout : une grande métamorphose de la marque Absolut à l'échelle mondiale par notre Sid Lee montréalaise. Et une réincarnation bien harmonisée avec l'essence de la marque, qui a décliné ses premières publicités artistiques à partir d'oeuvres de Warhol à l'époque. Enfin, une transposition en mode contemporain qui provoque chez moi une réelle admiration. 

De la publicité qui insuffle une bonne dose de motivation artistique à tout créateur. Bien au-delà du produit. Mais terriblement ancrée dans une époque. Le type de message qui en dira plus sur nous dans 20 ans qu'il n'en dit présentement. Un révélateur progressif. Une mine esthétique. En 84 plans.

mercredi 4 septembre 2013

La publicité volage



Nous vivons dans une société de droit. Les règles sont écrites. Mais les règles ne régissent pas tout et il est entièrement légal de ne pas être une «bonne personne» si on respecte les lois. Qui peut vraiment juger notre morale? Ne sommes-nous pas libres de vivre comme nous l'entendons? Certes, il y a un prix à payer à ne pas se conformer aux codes moraux de la majorité, mais se pourrait-il qu'il y ait aussi un prix à payer quand on s'y conforme sans réfléchir? Je le crois. Et ce prix, c'est la liberté. Nos choix sont personnels.

Les marques doivent-elles respecter la morale ambiante? Instinctivement, nous avons tendance à répondre oui. Mais si le défi principal d'une marque est sa différenciation et que sa cible principale revendique le bonheur, même au prix de la trahison du code, alors pourquoi marcher droit? Il est question ici de réfléchir à la balance qui résultera d'un choix: celui de véhiculer la tricherie à des fins de bonheur et de liberté. L'effet collatéral que subira une marque comme Vidéotron dans cette publicité sera-t-il plus grand que l'engagement et le rendement qu'elle engendrera auprès de sa cible principale? Est-ce que les valeurs véhiculées sont compatibles avec l'ADN de la marque? On parle ici de stratégie et de cohérence. Mais surtout d'une réflexion juste d'une certaine réalité trop souvent occultée. 

Je ne suis pas outré par cette publicité qui est pourtant décriée. Au contraire. J'y vois une fille qui s'assume et qui semble résolue à atteindre son idéal de bonheur. Oui, elle le fait au détriment de son conjoint, mais en aucun temps elle ne le dénigre directement. Combien de fois avons-nous vu en publicité des hommes d'affaires possiblement engagés, entourés de femmes fatales, sans ne jamais s'énerver le poil sur les bras pour autant? Dans la publicité montrée en introduction, on suggère des choses, mais là n'est pas un des rôles de la création publicitaire, soit de suggérer certaines choses pour que le consommateur puisse en bout de ligne se faire sa propre histoire? 

Certains diront que les enfants ou les mineurs ne devraient pas être exposés à ces valeurs. Que la malhonnêteté ne peut profiter à une marque commerciale. Que l'authenticité passe par la transparence. Peut-être. Mais comment pouvons-nous reprocher à la publicité d'être le «Polaroid» de notre société? La réalité vécue par les enfants, entre eux, n'est-elle pas cent fois plus cruelle que ce message décalé? N'est-ce pas respecter l'intelligence du consommateur que de lui montrer une situation où l'on ne se met pas la tête dans le sable?

À tout ceux qui demandent son retrait: de grâce, cessez ce prêchi-prêcha et regardez-vous dans le miroir. Si une simple publicité en vient à vous faire perdre votre sang froid, c'est probablement qu'elle déclenche chez vous un rejet qui, en bout de ligne, en dit plus sur ce que vous vous reprochez que sur ce qu'elle accomplit sur le plan communicationnel. La publicité est volage, comme nous le sommes collectivement. Et c'est tout à fait acceptable qu'il en soit ainsi.

mardi 3 septembre 2013

La pub, c'est facile


Pourquoi se casser le bol à trouver un concept? Parfois en pub, on veut juste trop, quand dans les faits, c'est tout simple: t'engages Romain Gavras comme réalisateur, tu te paies les droits d'une toune de Led Zep et tu fais parader des stars comme le vampirique Robert Pattinson ou la sémillante modèle Camille Rowe en leur demandant de jouer aux amoureux. Tu demandes alors à ton pote Romain de tourner plusieurs scènes sexy mais pas trop explicites. Puis tu promets au client une apparition «ontologique» du produit à la fin. Le tout en noir et blanc, avec une insertion couleur subtile en guise de conclusion pour établir le lien avec la marque. Et hop, si t'as une piscine, un bord de mer et une BMW vintage blanche (et quelques amis pour valoriser les éclats des rayons du soleil), et bien l'affaire est ketchup. Je le redis, la pub, c'est facile. 

samedi 31 août 2013

Les idées folles


Il était 14h42 un mardi après-midi à l'agence. Ça faisait environ 70 minutes que nous échangions des idées de création pour un nouveau client. La stratégie et la créativité demeurant inéluctablement liés, nous discutions de créativité média, des possibilités sur le Web, de l'essence de la marque, bref, les différents spécialistes de mon équipe s'amusaient à tourner autour de certains thèmes et quelques bonnes idées émergèrent. Des idées cohérentes, intéressantes, mais pas transcendantes. Je décidai donc d'ajourner la rencontre pour que nous puissions individuellement continuer à réfléchir. Prochaine rencontre prévue le surlendemain. 

La super idée qui sort de nulle part pendant une séance de «brainstorm», ça arrive dans Mad Men est c'est romantique. Dans la vraie vie, le concept est plutôt un fruit qu'on cultive en laissant notre hémisphère droit travailler à notre insu. Car quand la commande est passée, généralement, ce n'est qu'une question de temps: faut juste demeurer calme et patient. Enfin, c'est comme ça pour moi.

Le lendemain fut une dure journée pour différentes raisons. Je n'avais pas eu une seconde à moi pour repenser au dossier démarré la veille. Vers 16h, un ami me téléphona pour m'inviter à une soirée. Un lien se fit avec un certain passé, puis une vieille idée me revint, modifiée, ajustée, complètement mutée en fonction de mon dossier courant. Poussée d'adrénaline immédiate. Sentiment de saisir quelque chose. Alors après vérification de leur disponibilité, je décidai de présenter l'idée à mes collègues et là eu lieu un feu d'artifice! L'idée fut bonifiée par la gang et déclinée stratégiquement: film sur le Web, promotion, médias de masse, relations publiques, réseaux sociaux, alléluia! La réunion du lendemain ne servit finalement qu'à peaufiner le tout et qu'à finir d'assembler les morceaux du casse-tête.

Cette idée que nous allons présenter au client mercredi prochain est folle. Concrétiser des folies est mon travail. Je suis privilégié. Et même si l'idée n'est pas retenue (je crois par contre qu'elle le sera), elle m'aura apporté tout un lot d'émotions et aura méritée d'être défendue. Les idées folles redéfinissent parfois le monde dans lequel nous vivons. Une idée est une étincelle. Parfois elle surgira de la friction, parfois d'une surchauffe, là elle m'était venue comme ça, souvent elle provient de mes collègues, c'est pas important de qui elle origine, mais de grâce, cessons de nous satisfaire de ce qui ressemble à de la pub. Les idées folles donnent le vertige et nous poussent à nous placer en situation de danger et de vulnérabilité; mais sans elles nous mourrons un peu, les deux pieds figés dans le ciment de la médiocrité.

lundi 26 août 2013

Les cambrioleurs

Imaginez la scène. Votre téléphone sonne à la maison à l'heure du souper. Numéro confidentiel. Vous décrochez et entendez un message préenregistré qui vous dit ceci: «Votre maison et vos biens vous appartiennent. Mais sachez qu'au cours des mois qui viennent, nous allons vous cambrioler car nous vivons du recel de vols à domicile. Ceci étant dit, nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter les bris et seront particulièrement méticuleux pendant l'opération. Alors dormez en paix, vos assurances devraient couvrir le tout. Merci de votre compréhension.» 

Quelle serait votre réaction? Voilà. Moi aussi. Et c'est exactement comment je me suis senti lors du visionnement de la publicité de Pétrolia. 

Cette publicité est probablement la plus odieuse qu'il m'ait été donnée de voir depuis des lustres. Elle expose de manière vicieuse et fallacieuse une stratégie de manipulation qui vise tout simplement à ramollir les cerveaux en vue des premières phases d'exploitation du pétrole à Anticosti, prévues pour 2014. Une stratégie qui n'hésite pas à maquiller la réalité physique de l'exploitation en montrant des lieux d'une propreté surréaliste tout en empruntant un ton qu'on pourrait qualifier de «gouvernemental», donc qui exprime les valeurs d'un bon père de famille, quand dans les faits, les profits des opérations de cette exploitation seront entièrement privés et l'entreprise n'a aucune crédibilité. Aucune. 

Disséquons donc ensemble les énoncés avancés: 

1- «Du pétrole, il y en a beaucoup au Québec et on y croit sincèrement.»
Vous croyez au pétrole ou aux milliards de profits à l'horizon, profits issus d'une entente secrète dont les Québécois n'ont pas encore eu vent? À votre place, M. Proulx, j'y croirais aussi. Mais ce que vous croyez, M. Proulx, franchement, on s'en contrefiche. Qui êtes-vous au juste?

2- «Cette exploitation-là, on va s'assurer que ça va avoir été fait de la meilleure façon.»
Retour sur les faits: annonce de Pétrolia hier de son intention de procéder, dès 2014, par fracturation hydraulique au gaz. En entrevue au Devoir, Pierre-Olivier Pineau, spécialiste des question énergétiques à HEC Montréal, affirmait ce matin que la fracturation par gaz «multiplie les possibilités de fuites fugitives de gaz» qui sont «pires pour l'effet de serre, car c'est du méthane qui s'échappe sans être contrôlé». On parle d'un gaz dont les effets sont vingt fois plus puissants que le CO2. C'est sans compter que cette technologie n'a jamais été testée sur ce type de sol. Alors Bravo Isabelle Proulx pour cette affirmation aussi vide que votre sens des responsabilités. 

3- «C'est notre richesse, on va faire attention à notre environnement. C'est notre sous-sol, ça nous appartient ça.»
Les Proulx, faut le leur concéder, sont des champions de l'honnêteté. C'est effectivement «leur richesse». Nos gouvernements ont tout cédé sans consultation. De la grosse magouille. Alors quand les Proulx parlent au «Nous», ne vous sentez pas inclus: ils parlent tout simplement de leurs possessions à eux. Juste à eux. Car ça ne nous appartient plus.

4- «C'est une richesse collective, faut la développer de façon collective.»
Le vrai message: c'est notre richesse à nous, mais nous allons la développer en vous faisant assumer les risques environnementaux. Les patrons, c'est nous. Les brebis, c'est vous.

5- «Pourquoi pas le produire ici au Québec pour que le demain soit encore meilleur?»
Votre demain Madame Proulx, pas le nôtre. Et jamais nous ne pourrons discuter de la question que vous posez, simplement parce que tout a été décidé sans consultation. Mais ça, Madame Proulx ne s'en soucie guère. Mais elle a visiblement bien appris son texte.

Et la finale, rien de surprenant, vient implicitement expliquer que Pétrolia a été crée pour les Québécois, par des Québécois. Ok, soit. Qu'un voleur soit Québécois peut-il justifier son geste? Le gouvernement passé a pavé la voie au vol le plus important de notre histoire, sous notre nez. Le gouvernement actuel avalise la situation en se donnant des airs de pureté et en temporisant. La réalité est cruelle: la démocratie a floué le peuple québécois comme un cheval de Troie. Et cette publicité vient ajouter l'insulte à l'injure. 

Alors que la population se déchire sur le dossier de la «Charte des valeurs québécoises», le train de Pétrolia file à vive allure sous nos yeux. Sa première publicité reflète à grands traits vulgaires les stratégies de communication que l'entreprise a développées lors des derniers mois avec l'aide de notre gouvernement passif. Au final, les cambrioleurs vont vider le sous-sol et engranger les profits en toute impunité. Car en bout de ligne ils ne sont que ça, de vulgaires cambrioleurs. Et il faudrait en plus croire leur boulechite et les remercier?



Pour en savoir plus, voici deux papiers intéressants:




Pour voir un autre côté de l'exploitation pétrolière dans notre beau pays, regardez ceci:

mercredi 21 août 2013

Just Do It


Le monde est parsemé de génies incompris, d'idéateurs déçus et de créatifs de salon. Des millions de personnes aspirent à devenir le prochain Steve Jobs. Ils ont lu le livre l'an dernier. Ils sont sortis hier soir de la salle de cinéma, gonflés à bloc. Et ensuite vous savez quoi? Le ballon se dégonflera et les rêves resteront… des rêves. Concrétiser des concepts abstraits dans le réel m'apparaît comme un challenge bien plus ardu que celui, ô combien surévalué, d'avoir de bonnes idées. Car pour mille rêveurs, il n'y a qu'une poignée d'individus qui font vraiment arriver les choses. 

C'est pour moi, à l'agence, un critère d'embauche qui dépasse de loin le blabla relié à la formation universitaire ou aux expériences passées. Quand votre réflexe est de réaliser des projets, alors vous y prenez goût et vous en réalisez d'autres. Vous devenez ainsi, graduellement, un spécialiste du concret, un convertisseur d'idées. Alors là, seulement là, vous pouvez tenter de changer le monde. Un projet à la fois. Parfois même en dépassant vos rêves, comme dans ce film publicitaire irrésistible lancé par Nike et créé par Wieden+Kennedy Portland pour célébrer le 25e anniversaire de sa signature Just Do It, et dont la narration est assurée par Bradley Cooper

Mais Just Do It, c'est pas juste une signature, ça devrait être votre mode opératoire, votre leitmotiv, votre antidote à la procrastination. Maintenant.

Un gros merci à Fred Roy, notre DA, pour le tuyau.

mardi 20 août 2013

Présenter de la création: 5 conseils incontournables


Quand on présente de la création publicitaire ou un exercice de branding à un client, faut prendre le temps. Voici 5 conseils en vrac.

1- Revenez sur le contexte
Revenir rapidement sur les analyses marketing en amont, sur le positionnement de la marque ainsi que sur les objectifs est essentiel. Un client doit se remettre dans le bain quelques instants avant de pouvoir bien analyser ce qu'on va lui présenter. Soyez bref.

2- Expliquez vos prémisses
En création, se placer dans la peau de la clientèle ciblée est bien sûr un must, mais au-delà de cette évidence, quelles sont les pièges à éviter? Quelles sont les pistes qui ont mené à votre concept? Quelles sont vos influences? Vos références culturelles? Déclenchez le désir, mais ne vous étendez pas trop, demeurez concis et restez divertissant. Racontez une histoire.

3- Observez et respirez
Quand vous présentez le concept, l'idée, la maquette, ne la regardez pas, observez plutôt le client et ses réactions et donnez-lui le temps de l'assimiler. Ensuite vous pourrez passer à l'étape suivante. Prenez une grande respiration, demeurez zen et en contrôle. Contre-intuitif mais nécessaire.

4- Disséquez
Un concept demeure une synthèse de plusieurs éléments, dont le message, la tonalité et le saut créatif. En disséquant le tout, vous pourrez nourrir le besoin de compréhension du client. Mais encore là, ne tombez pas dans les excès car vous pourriez provoquer l'effet contraire, soit l'impression que vous inventez des trucs bidons pour mousser votre approche. Disséquer, c'est avant tout démontrer l'ensemble des raisons qui assureront la performance de votre solution à la lumière de votre expertise. Soyez limpide.

5- Vulgarisez
Se donner des airs et utiliser toute la gamme des expressions à la mode ne vous permettra pas d'aider le client à comprendre votre approche. Si votre idée est bonne, elle doit s'expliquer simplement. Gardez votre petite attitude pour les 5 à 7 de l'industrie.

N'oubliez jamais qu'une présentation n'est qu'une étape dans le processus d'approbation. Parfois tout se passe bien et ça se gâche ensuite; parfois ça se passe mal ça se replace avec le recul. Il se peut que votre concept soit refusé : NE LE PRENEZ PAS PERSONNEL. Dans tous les cas, il y a une nuance importante entre afficher une saine confiance dans la solution que vous offrez et une arrogance stérile qui minera le projet et votre relation avec le client. Demeurez positif et ouvert, car si vous êtes spécialiste en communication, votre client est généralement spécialiste dans son secteur. Les échanges sains engendrent souvent de petits ajustements qui, en bout de ligne et en toute humilité, font toute la différence.

dimanche 18 août 2013

Wannabe



Votre cible: les ados. Votre prémisse: sont nuls. Votre stratégie: vous donner une attitude. Le résultat? Un annonceur qui croit faire de la pub, mais qui en fait n'en fait pas. Le média est bien publicitaire, la forme et le message aussi, mais tout ça est tellement faux et bourré d'erreurs que ça ne peut pas être considéré comme de la pub. Voici mon analyse en quelques mots.

Pour débuter, j'ai fait un petit sondage perso, bien au-delà de l'opinion de l'Office québécois de la langue française, pour vérifier si le terme «air conditionné» résonnait vraiment auprès des jeunes. La conclusion de mon enquête: non. Ça marche pas. Les jeunes parlent de clim, pas «d'air conditionné». Car nous sommes en 2013, pas en 1963. Plusieurs s'obstinent sur la légitimité du terme «conditionné», mais un fait demeure: dans le contexte de cette pub, au possessif, on devrait parler de climatiseur, de l'appareil, simplement parce qu'on ne peut pas être propriétaire d'une quantité d'air. Erreur évidente engendrée par une mauvaise stratégie.

Ensuite, si on veut me faire franchir la porte d'une succursale de La crémière, faudrait à tout le moins tenter de me démontrer pourquoi je devrais y aller. Là, c'est totalement indifférencé. N'importe quel fabriquant de crème ou de friandise glacée pourrait utiliser le même slogan. Une belle formule publicitaire qui ne signifie rien en terme de séduction pertinente.

Ensuite une signature on ne plus bête:  «Parce que.» Ici, on a affaire à une belle prétention dénuée d'intelligence, mais bon, je vous le disais en intro, la prémisse est basée sur la lobotomisation massive des adolescents.

Finalement, un logo pas très joli en bleu sur fond rouge, pour un minimum de contraste et de lisibilité, ce qui mine intensivement l'attribution de la marque.

En conclusion, tout ça n'est qu'une belle petite attitude bien à la mode en pub ces temps-ci, mais rien de plus. 

Révision
La dernière phrase manquait de respect à l'égard d'un créatif, que je ne connais pas, mais que je dois tout de même respecter malgré mes divergences, alors je l'ai modifiée pour demeurer conséquent avec mes valeurs. Erreur sincère du lanceur. Mea maxima culpa.

vendredi 16 août 2013

La ferme !


Attirer l'attention est primordial en publicité. Le meilleur concept ne survivra pas à quelques secondes mornes en début de message. Mériter le temps de cerveau humain disponible du consommateur est plus ardu que jamais, c'est sans compter sur l'utilisation systématique des enregistreurs numériques pour éviter la pub. 

Mais quand une publicité est diffusée massivement, allant même jusqu'à dépasser son cap de fréquence, et qu'elle va trop loin pour interrompre le téléspectateur, c'est l'effet contraire qu'elle provoque pour la marque: la répulsion. 

C'est exactement ce qui se produit actuellement avec cette maman hystérique véhiculée par Walmart pour la rentrée. Tout ce qui me vient à l'esprit en la voyant, à part zapper, c'est de lui crier : la ferme! Quelle belle manière pour Walmart de forger un lien avec ses clients potentiels…

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails