lundi 26 avril 2010

La mauvaise publicité au Québec, une question de culture et d’environnement

Voici une petite réflexion sans prétention sur les causes de la mauvaise publicité d’ici. Sachez que je m’inclus dans le problème car je suis tout ce qu’il y a de plus humain, malgré mes bitcheries parfois dures à l’égard de certaines campagnes. Car qui aime bien châtie bien… Et j’aime la publicité québécoise d’amour.

Le problème principal de notre publicité, à mon humble avis, ne réside pas dans notre créativité ni dans nos compétences diverses en terme de réalisation. Nos spécialistes et nos artisans sont parmi les plus doués sur la planète. Nous n’avons aucune excuse pour diffuser de la mauvaise publicité, mais il y en a encore trop. Selon moi, deux facteurs sont en cause: notre identité culturelle et la composition de notre mosaïque d’entreprises.

Quand je parle d’identité culturelle, je fais référence à notre peur collective des conflits, à notre malaise face à une discussion bien argumentée, à notre façon unique d’interagir sans vouloir choquer. Certains responsables d’agences de publicité, qui évoluent dans un contexte de concurrence très intense, ont peur de provoquer les clients avec des concepts trop percutants, souvent simplement par crainte de les perdre. Certains autres sont mal outillés et formés pour défendre la création adéquatement, soit en démontrant clairement pourquoi celle-ci fonctionne auprès de la clientèle ciblée, pourquoi elle rencontrera les objectifs marketing et communicationnels. Les clients annonceurs, pour leur part, ont eux aussi trop souvent peur de choquer leurs propres clients et prospects, quand ils ne sont pas englués dans une dynamique politique. En résulte cette crainte généralisée qui paralyse le processus et nivelle la créativité par le bas. À l’inverse, quand nous observons les principaux gagnants au Gala des prix Créa par exemple, ce qui ressort toujours est le lien de confiance annonceur-agence ainsi que leur audace. Nous sommes un peuple conciliant, parfois trop, et ça se voit dans notre publicité qui me semble généralement très gentille. Ceux qui savent oser sont ceux qui ramassent la mise. Et ils sont peu nombreux car la crainte fait partie intégrante notre adn culturel, de notre inconscient collectif.

Le deuxième facteur, c’est la composition de notre mosaïque d’entreprises à la suite du passage à Québec inc. depuis une vingtaine d’années. En 2010, au Québec, la majorité des annonceurs est constituée de PME. C’est certain que les plus gros budgets sont générés par les entreprises d’états et les grandes industries, mais en nombre absolu de campagnes publicitaires, nous évoluons dans un monde de PME, d’où proviennent selon moi la majorité des publicités beiges. Plusieurs de ces entreprises ne nécessitent pas une direction marketing, ce qui implique que les vis-à-vis des agences sont des entrepreneurs, des hommes ou des femmes d’affaires prospères, de bons administrateurs, parfois des visionnaires, mais qui demeurent néanmoins néophytes en théorie de la communication. D’éduquer ces clients est probablement le plus grand défi des agences québécoises. Ça demande beaucoup d’implication. Beaucoup de temps et de passion. Mais croyez-moi, le jeu en vaut la chandelle.

Ce diagnostique n’évacue pas la responsabilité et l’imputabilité des agences quant à la réussite d’une campagne de publicité. Mais de subir l’échec sans avoir réellement essayé, sans s’être donné une vraie chance en prônant la créativité, c’est selon moi une vraie abomination, à la fois stérile et méprisante de l’intelligence du consommateur.

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