mardi 17 avril 2012

La quintessence



Alejandro Gonzales Iñárritu fait partie de mes réalisateurs fétiches. À l'automne 2000, quand  je suis allé voir son premier long métrage, Amores perros, au complexe Excentris par un temps pluvieux, quelque chose s'est passé en moi. Au-delà de la maîtrise de la réalisation et de l'impact de la musique de son fidèle collaborateur de l'époque, Guillermo Arriaga, ce film semblait habité d'une âme. J'avais ressenti une émotion similaire à l'hiver 88 quand je m'étais figé comme une grande échalote devant La Danse de Marc Chagall au Musée des beaux-arts de Montréal, étrangement ému pendant une bonne vingtaine de minutes. Même chose avec les premières secondes de ma première écoute de l'Introitus du requiem de Mozart dirigé par Karajan. Ces moments avaient été provoqués par la quintessence. 

Est-ce possible de ressentir ce type d'émotion à l'exposition d'une publicité? Je ne crois pas. Enfin peut-être, mais très très rarement. Car la nature commerciale de la publicité vient pratiquement toujours étouffer l'émotion avant qu'elle n'explose en nous. Certaines publicités sociétales font à l'occasion des incursions dans un registre s'approchant de la perfection artistique, mais encore là, on finit toujours par humer l'axe de communication, l'objectif transparaît, la finale trahissant souvent la pureté de l'approche. Vous comprendrez que je parle ici d'absolu.

C'est un peu ce que fait cette publicité de P&G en vues des JO de Londres, une création de Wieden + Kennedy Portland réalisée justement par Alejandro Gonzales Iñárritu. Tout est là. L'intention est bonne, la progression magnifique et l'interprétation parfaitement juste. Cette ode aux mères, vibrante, contagieuse, transculturelle, ancrée sur des émotions aussi innées que profondes, ne commet aucun faux pas, si ce n'est l'apparition des logos des produits de la marque globale à la toute fin. Cette présence induit immédiatement un lien entre les marques, leur clientèle cible primaire et le thème central. L'intérêt commercial devient soudainement palpable. C'est cette nuance particulière qui différencie l'art de la publicité. Mais vous conviendrez avec moi que la frontière est parfois ténue.


2 commentaires:

  1. Isshh... Je dois être un peu de mauvaise foi ou beaucoup mais cette campagne de P&G qui "commandite les mamans", arrfff... Ça me fait grincer des dents.

    Tu le sais, je suis fan de pub, mais il y a des zones où celle-ci s'aventure que je ne supporte pas. Et celle-ci, s'en est une. L'icône de la maman pour moi, c'est pur. C'est ce qu'il y a de plus beau monde (avec l'icône du papa, évidemment :P). L'idée que P&G se dit "commanditaire" me fait lever le poil de la nuque.

    C'est comme si il s'appropriait l'icône de la maman comme Coca-Cola s'est approprié l'icône du Père Noël. Tu ne commandites pas une maman. Voilà!

    Proxim a eu une approche semblable en exposant super-maman au Québec. Mais le rôle qu’il se donnait est celui d’être là pour elle. Je trouve ça plus saint… Et de savoir que le réalisateur d’ Amores Perros prend part à une campagne de ce genre en plus pour cette marque, je trouve ça surréaliste.

    Mais bon, comme je te dis, je suis peut-être de mauvaise foi.

    Comme tu dis, aucun accroc, mais la magie n’opère pas pour toute ces raisons.

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  2. En visionnant cette publicité, je savais que j'allais justement voir une publicité, avec ultimement, quelque chose à vendre. Je suis complètement touchée. La fille de communications en moi a complètement cessé toute analyse pour faire place à la mère en moi, qui accompagne son fils au soccer 3-4 fois par semaine, hiver comme été. Quand une pub, avec tout le regard critique que je peux avoir, me touche, elle a réellement atteint sa cible. En plus d'être habilement filmée : j'en ai oublié que je visionnais une pub... je me faisais réellement conter une histoire.

    Merci Mathieu de ce partage de quintessence...

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