mardi 3 novembre 2015

Camden, la nouvelle - Chapitre 2


Chapitre 2
Lou

Julian reconnut la voix après quelques secondes. L’adrénaline avait fini par éclaircir sa mémoire. La menace n’en était pas une. Bruno ressemblait à un bulldog mais ne mordait pas. Il était trapu, le crâne rasé, les yeux bleus, un petit anneau argenté à l’oreille gauche, toujours vêtu que de noir : veste de cuir, polo, pantalon droit et bottes Doc Martens classiques. Il ne lâcherait pas le morceau, pas son genre. Julian le savait. Il dut donc sortir de son lit, par dépit. Il remit alors ses skinny et se dirigea vers la porte pour ouvrir, la main gauche dans les cheveux, en annonçant qu’il arrivait, d’une voix usée, morne.
Bruno : « Tu regardes pas les nouvelles ? T’as pas pris tes messages ? Prends-tu tes osties de messages parfois ? Ta mère mourrait que tu l’apprendrais un mois trop tard… »

Julian, irrité, le regard furtif, mais se doutant du motif de cette visite : « Ma mère est morte depuis quinze ans le cave. Qu’est-ce que tu veux ? »

Bruno, très sérieux : « C’est Lou. Il s’est effondré sur scène hier. Il te réclame. Il fait que dire ton nom en boucle depuis ce matin. En fait, il n’a fait que ça toute la journée. Il veut pas manger. Il déraille. Je l’ai jamais vu comme ça. J’ai tenté de faire venir son médecin à la maison, mais il a refusé net. Ça va vraiment pas. Viens avec moi, reste juste un peu avec lui, ensuite j’te ramène, pas plus d’une heure ou deux. J’te promets que j’te ramène. Dis combien tu veux… »

Julian, sur la défensive : « Tu sais comment ça s’est terminé la dernière fois. Je m’étais juré. Plus jamais. Tu peux pas me demander ça… C’est pas une question d’argent. »

Bruno, le regard direct et franc : « J’ai pas envie d’être ici. Tu sais ce que je pense de toi. Mais je le fais pour lui. Viens. Fais-moi pas te supplier. Je vais t’en devoir une… »

Bruno lui tendit quelques billets, de grosses coupures. Trois ou quatre. Son regard s’était attendri. Son inquiétude était palpable. Le silence devenait un vendeur à pression.

Julian : « Une heure. Pas plus. »

Bruno : « Oui. Juré. Pas plus. Je t’attends dans l’auto. »

Bruno était à la fois l’agent, le confident, le garde du corps et le chauffeur de Lou depuis ses débuts. Et probablement son plus fidèle ami, malgré leur hiérarchie. Trente ans de loyauté absolue. Lou était et avait toujours été son grand projet, son unique projet. Bruno tirait sa satisfaction de la longévité d’une carrière qu’il avait contribué à ériger lentement, un morceau à la fois, avant d’en vivre chaque instant de succès par procuration. Pour lui, Julian n’était qu’une distraction puérile qui s’était lentement métamorphosée en obsession. Lou avait le monde à ses pieds depuis tant d’années : neuf albums platine, six tournées mondiales, des stades remplis à capacité, de Buenos Aires à Sydney, des hymnes pop reconnus des babyboomers aux milléniums, plusieurs villas, une collection unique de Chassagne-Montrachet remarquée jadis par Wine Spectator, un réseau d’amis qui s’étendait de Wong Kar Wai à Brian Ferry… Comment pouvait-il désirer la seule personne avec qui les ponts semblaient définitivement brûlés ? C’est trop souvent le propre des gens qui ont tout, de penser mériter retrouver ce qu’ils ont déjà jeté, las de leur possession.

Le trajet fut court car Bruno conduisait trop vite. Il ventait beaucoup et faisait un temps maussade, où la bruine glaciale nous rappelle à quel point l’épiderme du front peut être engourdi par le froid. En arrivant, Julian se souvint trop bien de la dernière fois où il avait franchi les portes de cette vaste demeure victorienne, située en retrait, à deux cents mètres d’un large boulevard. Son corps en portait encore quelques stigmates. En entrant dans le grand living, où un splendide piano à queue Steinway & Sons rouge partageait la vedette avec un dripping monochromatique de Pollock et un croquis de Soutine — un nu —  il était là, étendu sur un canapé en cuir blanc, habillé très partiellement d’un long peignoir en soie aux motifs asiatiques, qui laissait entrevoir ses testicules flasques. Lou était grand. Encore plus impressionnant en personne. Ceux qui ne l’avaient vu qu’à la télé croyaient qu’il mesurait moins de six pieds, alors qu’il dépassait en réalité les six pieds trois pouces. Il était très mince, ce qui amplifiait la longueur de sa silhouette, avec des cheveux blonds mi longs en vagues vers l’arrière, et le front légèrement dégarni sur les côtés. De dos, il ne faisait pas ses cinquante-six ans. De face, beaucoup plus. Sa maigreur était graduellement devenue un handicap qui amplifiait la visibilité de ses rides et l’effet d’usure de sa peau, causés par des années de décalage horaire, de maquillage, et par certains excès datant pour la plupart d’une époque où Nirvana décapait la planète à grandes doses de Lithium. Julian entra timidement dans la pièce, suivi de Bruno. Quand il réalisa sa présence, Lou se redressa tout d’un trait, comme pour retrouver sa dignité. En regardant Julian, il sourit avec ses grands yeux verts, ses lèvres fines demeurant figées et légèrement tremblotantes, vulnérable de dépendance.  

Julian : « Qu’est-ce qui se passe ? Ça va pas ? »

Lou : « De la fatigue, trop de fatigue. La promotion du dernier album m’a vidé. C’était pas une bonne idée cet album. J’aurais dû attendre. Mais t’es là Julian ! As-tu faim ? Veux-tu boire quelque chose ? J’me suis tellement ennuyé… Serre-moi fort. J’ai besoin de te sentir. Viens t’asseoir près de moi. »

Julian disparut de manière familière dans la cuisine attenante, le temps de se servir un Campari-orange avec glaçons. Il emporta par la même occasion un petit sac de noix mélangées trouvé dans le garde-manger. Ensuite, il s’assit sur le canapé, près de son ancien amant, tout en conservant une certaine distance. Il avait un travail à faire pendant une heure. Il devait s’atteler à la tâche en demeurant crédible, et surtout, ne jamais quitter son personnage. À son rôle, il devait rester fidèle.

Lou, le timbre de voix très bas, honteux : « Je tiens à m’excuser. J’étais plus moi. Les images me tournent en tête depuis un mois et ça me tue. J’voulais pas te faire de mal. Pardonne-moi. J’ai vraiment perdu la tête... »

Julian, plus sincère qu’il ne le voudrait : « Je sais, je sais… Je t’en veux plus, mais j’peux pas oublier. Mais toi, tu peux pas rester comme ça. Même Bruno sait plus quoi faire pour te sortir de ta torpeur. Pourquoi tu vas pas passer quelques semaines à Bali ? La chaleur, la mer, t’as plein d’amis là-bas, non ? »

Lou, sur le bord des larmes : « Mais moi j’ai besoin de toi, ici, Julian. Tu penses peut-être que j’suis fou, mais j’suis juste fou de toi. J’te demanderai jamais d’être à moi, t’es trop beau et trop jeune pour ça, mais quand t’es là, comment j’peux te dire ça, c’est comme si tout se calme en moi. Tu vois ? Ça fait pas cinq minutes que t’es là et j’vais déjà mieux. Tiens-moi la main… »    

Julian, se rapprochant et obtempérant : « Qu’est-ce qui s’est passé hier soir sur scène ? »

Lou : « Je t’ai fait suivre. J’aurais pas dû, je l’sais. Je voulais m’assurer que t’allais bien, que tu manquais de rien. Et quand j’ai su que t’étais encore monté au W avec cette vieille fripée, j’ai disjoncté. J’étais rendu sur scène, mais ma tête était ailleurs. Si j’pouvais juste refaire le passé… C’était les médicaments, en fait le mélange avec l’alcool. J’en ai la certitude maintenant. Tu m’disais d’arrêter mais je t’entendais pas. J’étais comme possédé. Tu l’sais Juju que j’suis pas comme ça, hein ? Dis-moi que tu l’sais… »

Julian acquiesça. Ils discutèrent encore quelques minutes, montèrent ensuite à la chambre des maîtres et firent l’amour doucement, presque trop tendrement, en cuillère. Lou sanglotait. Il réalisait que ce qui avait été brisé entre eux ne pouvait être rapiécé. La suite post-orgasmique fut brève : Julian le regarda directement dans les yeux, sans agressivité, et lui dit qu’il ne devait plus être harcelé ou suivi. Il lui affirma ensuite que c’était terminé. Que les événements n’avaient qu’accéléré ce qui devait se produire de toute façon. Qu’il devait voler de ses propres ailes. Qu’il voulait exprimer son talent sans en être redevable à quiconque. Qu’il avait confondu son admiration avec d’autres émotions. Lou pleurait malgré lui en tentant de conserver une certaine contenance. Ses lèvres souriaient pendant que ses yeux transpiraient une élégie tragique. Julian le consola du mieux qu’il put, tout en lui faisant promettre de ne plus entrer en contact avec lui. Il lui mentit en lui disant qu’il conserverait toujours un doux souvenir de lui. En fait, ce qu’il ressentait vraiment ressemblait plus à de la pitié. Lou lui répondit qu’il serait toujours là. Julian, lui, savait qu’il ne reviendrait à cet endroit qu’en cas d’extrême nécessité. 

Six semaines passèrent. Il revit Debby quelques fois, toujours au W. Les arbres, nus, tremblaient désormais, tandis que la lumière se faisait de plus en plus timide. Il végétait comme un ado, alternant le binge watching de séries sur Netflix et la masturbation assistée par ordinateur. Parfois, entre deux épisodes, il sortait quelques minutes pour aller à la petite épicerie indienne du coin, ou encore pour boire, seul, une pinte de Boddingtons au Village, un pub situé à quelques pas de chez lui. Il n’avait aucun projet en vue. Sa léthargie l’éloignait graduellement des quelques amitiés qui avaient survécu à ses périodes de tumulte répétées. Il se couchait tard et se levait tard, quand il se levait. Il confondait même parfois le soir et le matin. Mais un mardi, peu avant minuit, en fumant un joint sur le bord d’une fenêtre tout en écoutant une chanson mélancolique de Cat Power — Where is My Love — il ressentit une profonde excitation s’emparer de tout son corps. L’épisode débuta par un léger picotement dans la paume des mains, puis par un désir de courir, de respirer profondément ; il avait l’impression étrange qu’il s’envolait dans la pièce, qu’il était détaché de son corps. Il croyait réellement surplomber son loft à l’horizontale, de manière intuitive. Il sut très clairement, à ce moment précis, avant de retrouver son enveloppe corporelle et de retomber sur son lit, pourquoi il n’avait jamais réussit à aimer personne. Épiphanie ou effet psychotrope ? Probablement les deux. Mais ce qui était clair, c’était que Julian possédait tous les talents. La musique. Les arts. La logique. Son physique était plus que favorable, il avait du bagou ; mais, comme des milliers de jeunes de sa génération, la coquille et les aptitudes ne pouvaient compenser un vide apparent : il n’avait absolument rien à raconter. Et là, probablement à cause du cannabis, il avait ressenti émerger une ébauche de sa propre substance. Une grande porte s’était soudainement entrouverte. Mais aurait-il seulement la force d’en franchir le seuil ?

Le prochain chapitre sera publié le 10 novembre.

mardi 27 octobre 2015

Camden : premier chapitre




















Préface

Je déteste le mot « storytelling », car il implique trop souvent une mise en scène vulgaire par des stratèges qui méprisent l’intelligence du consommateur. En lançant la nouvelle identité de notre agence, nous avons voulu communiquer son essence, sans toutefois tomber dans le piège de la frime d’une industrie qui tend trop souvent à se complaire dans un vocabulaire qu’elle seule est à même de comprendre. Notre idée : un flirt littéraire, une nouvelle, huit chapitres, huit chansons à écouter pendant la lecture, huit semaines. Un peu comme une série télé. Mais surtout, une liberté absolue accordée à son auteur et une transposition qui prendra son sens différemment d’une personne à l’autre. Pourquoi la diffuser sur FacteurPub ? Car nous croyons que les blogues peuvent servir à autre chose qu’à émettre de l’opinion. Alors vraiment, en toute humilité, sans une once de prétention et avec, je l’avoue, plusieurs papillons dans l’estomac, je me lance et je vous l’offre. Mais non sans prendre le temps de vous remercier à l’avance du privilège, immense, que vous me faites de m’accorder votre temps de lecture, que ce soit pour un chapitre ou pour la nouvelle en entier.     

m.


« La musique creuse le ciel. »
- Charles Baudelaire, Journaux intimes (1887)






Chapitre 1
Debby

Elle gémissait par saccades, en plantant dans son dos ses ongles trop parfaitement vernis de ce taupe Chanel que toutes arboraient cet automne-là ; elle sortait sa langue pour la joindre à la sienne, mais il détournait systématiquement son visage pour l’éviter et préserver sa concentration. Huit minutes. C’est tout ce qui le séparait d’un petit pactole. Huit interminables minutes à inlassablement pistonner cette quinquagénaire trop parfumée, rencontrée quelques mois auparavant dans un cocktail du Publicité Club où il servait des canapés de foie gras à la figue fraîche, afin de payer sa fin de mois tout en bonifiant son réseau de contacts. Une quinquagénaire, à quelques années de la retraite, qui n’acceptait pas plus son âge que l’incontinence relative d’un mari de vingt ans son aîné. Et malgré des investissements répétés pour aplanir son ventre, arrondir ses seins, gonfler ses lèvres et minimiser ses pattes d’oies, cette verbomotrice présidente d’une agence de publicité sur le déclin n’avait visiblement plus les moyens de ses ambitions amoureuses, en plus d’infliger une haleine qui trahissait une molaire pourrie, ou deux, qui sait ? Plus elle s’approchait de son plaisir, en transe, rivée sur ses yeux, plus la douleur qu’elle infligeait à Julian, avec ses griffes, l’éloignait d’elle. Après un dernier sprint olympique où elle lui aurait volontiers décerné une médaille d’or pour la persévérance, il relâcha finalement la purée, bien assuré au préalable par l’orgasme trop long et bruyant de sa partenaire. Relativement dégoûté, il y était arrivé en pensant très très fort à une scène vue la veille dans un clip où une fille, trop jolie pour faire de la pornographie, feintait d’apprécier la dix-huitième décharge sur son visage angélique. Quelques minutes plus tard, après avoir déminé l’ambiance en initiant quelques échanges banals, il ramassa ce que Debby lui avait laissé sur la table basse placée à l’avant de cette suite junior du W, se rhabilla rapidement et quitta sans dire mot, vidé, désensibilisé malgré un dos charcuté, mais avec ce qu’il lui fallait pour subsister encore quelque temps. Il n’avait pas mis de condom, car elle lui semblait trop dépassée pour représenter un risque réel. Et parce que ça en valait la chandelle.

Après une vingtaine de minutes à somnoler dans le métro, il revint chez lui, au cinquième étage d’un immeuble industriel au revêtement noirci par la pollution. Il louait un loft rectangulaire assez spacieux mais mal chauffé. Le plafond, à 14 pieds, amplifiait l’effet de vide relatif qui régnait. Les murs de briques peintes à de nombreuses reprises et l’éclairage déficient étaient compensés par de grandes fenêtres, qui donnaient directement sur la rue. À une extrémité à gauche, près des fenêtres, un vieux loveseat baroque devant un meuble télé minimaliste ; de l’autre côté, une chambre rudimentaire constituée d’un matelas Queen déposé à même le sol, au centre d’une table de chevet coloniale orpheline et d’une chaise antique grège trouvée dans un marché aux puces ; un peu plus au centre, sur et autour d’un imposant bureau d’agent d’assurance des années 70, un studio d’enregistrement composé d’amplificateurs, de haut-parleurs compacts, d’un ordinateur portable, d’une console de mixage, de trois guitares — dont deux électriques — d’un clavier assez récent et de micros, dont un superbe Rode Classic sur pied ; vers l’avant, une grande table ronde en bois massif brûlée par des joints de haschich, accompagnée de cinq chaises dépareillées ; puis dans l’espace arrière, les pièces avec plomberie : à gauche, une minuscule toilette fermée, avec bain sur pieds, rideaux de douche de plastique translucide jaunis, achetés par le locataire précédent, et une vanité minuscule avec lavabo intégré ; puis sur le côté droit, finalement, dans un espace étroit et mal aéré, une cuisine rafistolée de vieux électros ocre, d’un comptoir de mélamine blanche tachée par du vin, de quelques armoires en bois et d’un petit évier rempli de vaisselle sale. Il émanait de l’endroit une odeur inqualifiable, synthèse nauséabonde des serviettes moisies par l’humidité, des déchets en putréfaction avancée compactés dans la poubelle, et d’un linge à vaisselle étonnamment rigide. Ce loft demeurait néanmoins son quartier général. Il y était bien. C’était tout ce qu’il possédait.

Il vivait à moins de trente minutes du centre-ville, près d’une ligne de train qui joignait la banlieue nord. Petits cafés, restaurants typiques, pubs surannés, studios de tatouage old school, boutiques de vinyles vintages et friperies poussiéreuses faisaient vibrer son quartier au rythme d’une autre époque, celle d’avant la lobotomie collective infligée par les réseaux sociaux et les téléphones intelligents. Un quartier où l’on s’accordait toujours cette liberté de ressentir la douleur comme le plaisir, où l’on humait doucement les arômes des épices en route vers le marché public ; un quartier où l’on pouvait encore prendre le temps de discuter assis sur un banc, sans se presser, et où l’on pourrait toujours prendre place seul au bar pour siroter une bière, en attendant de draguer ou pas, sans jamais se sentir jugé. Un quartier où le temps pouvait être simplement dégusté comme autrefois. Un quartier tissé serré.

En rentrant chez lui, il barra la porte, enleva ses chaussures puis ses chaussettes, qu’il huma par réflexe. Il déposa ensuite sur la table son portefeuille nouvellement épaissi, ses clés, et son téléphone dont la pile affichait 6 % d’autonomie, avant de fermer les grands rideaux afin de tamiser la lumière projetée par les grands réverbères de dehors. Exténué, il laissa tomber ses jeans skinny aux motifs militaires à côté de son lit, défait depuis des semaines, mais conserva son t-shirt noir ajusté, avant de finalement sombrer, comme une loque, dans un profond sommeil. Le reste de la nuit et une bonne partie de la journée passèrent en quelques instants, avant qu’un bruit violent ne vienne le réveiller subitement, entre deux cycles. On cognait à la porte. Fort et sec. Il décida de faire le mort en espérant que ça cesse, les yeux fixés sur le plafond. Ça ne pouvait pas être son propriétaire, car le loyer était réglé. Mais ça ne cessait pas et les coups sur la porte se faisaient de plus en plus insistants. Son rythme cardiaque s’emballait soudainement. Les pensées se bousculaient dans son esprit encore engourdi par le sommeil. Il ne devait d’argent à personne. Il n’avait menacé personne. Le bruit s’amplifiait et résonnait maintenant dans le loft en entier, par séquences rapprochées, insoutenables. Un voisin qui voulait se plaindre des odeurs ? La police ? Non, il n’avait rien à se reprocher. Un malentendu ? Un junkie perdu ? Combien de fois s’était-il plaint de cette serrure brisée à l’entrée de l’immeuble… Puis, une voix grave se fit entendre, dans un mélange d’agressivité et d’exaspération : « J’sais que t’es là. Ouvre. Ouvre ! Ouvre sinon j’vais défoncer et t’arracher la tête de mes propres mains !! OUVRE MAINTENANT !!! »

Le prochain chapitre sera publié le 3 novembre.


vendredi 25 septembre 2015

C'est fait.


Tout part d’une volonté d’entrer en contact avec l’autre. Qu’il soit client, collègue, ami, collaborateur ou consommateur. Tout part d’un désir d’être en gang. D’un besoin commun de s’accomplir et d’aller plus loin, ensemble. D’embrasser le mouvement d’un monde complexe, intraitable, mais encore parsemé de beauté. Tout part d’une volonté de capter le moment pour mieux comprendre la nature des gens. 

Camden, la nouvelle marque de notre agence, lancée hier soir, c’est ça. C’est l’amour de notre métier. C’est la passion des humains avec leurs travers et leur bonté. C’est la quête onirique et la réalité de la douleur. C’est la diversité qui fait peur et avec laquelle on se réconcilie, en se regardant droit dans les yeux, sans non-dits. C’est la naïveté d’un enfant et l’irrévérence d’un vieillard décomplexé. C’est de vouloir dire toute la vérité. De faire de la publicité responsable, respectueuse et engagée. C’est la fierté d’être qui nous sommes et la liberté de se retrouver ailleurs quand notre univers devient trop morne. 

Camden, c’est une vibration, une énergie, une inspiration, un parfum. Le vôtre. Celui de votre voisin. De votre amie. De votre ancien patelin… Un parfum que vous aimerez, nous l’espérons bien. Camden, c’est finalement notre engagement sincère. Notre empreinte à nous. En toute humilité. En toute lucidité. 

dimanche 23 août 2015

Ne jamais lâcher


Presque quatre mois sans écrire ici, c’est une éternité. Mais en quatre mois, tout a bougé très très vite. En gros, nous avons gagné plusieurs nouveaux comptes, nous avons embauché de nouveaux membres géniaux, nous développons des relations vraiment enrichissantes avec de nouveaux collaborateurs, la nouvelle marque est fin prête, la construction de notre nouvel espace est terminée, les meubles seront livrés cette semaine et nous comptons déménager dans moins d’une semaine. Notre nouvelle identité sera dévoilée le soir du 24 septembre ici et sur les réseaux sociaux.

Tout va très très vite mais tout va bien. Si vous désirez suivre notre épopée, rendez-vous sur le compte de Défi marketing sur Facebook ou Twitter avec le #Projet440, à partir duquel nous diffusons depuis quelques semaines des trucs qui nous inspirent ou qui évoquent ce que sera notre nouvelle identité (le 440 n'a rien à avoir avec l’autoroute, mais plutôt avec l’adresse de notre nouvel espace). 

En parallèle, j’ai pratiquement terminé une nouvelle de fiction qui incarnera l’histoire de notre prochaine marque. Elle comporte une soixantaine de pages qui seront graduellement diffusées ici, par chapitre, à partir d’octobre, un peu à la manière d’une série télé. Je garantis qu'elle ne comprendra aucune boulechite de marketing ou de branding. Ce sera ma première incursion en littérature: je compte le faire en toute humilité mais en y ayant investi toute ma passion.

Entre temps, si ça vous dit, je vous invite à écouter mes chroniques sur la pub et le marketing, qui reprendront dès le 27 août au matin (7h35) sur les ondes de CIME-FM, en compagnie de mes amis François Maranda et Justine Vachon à l’animation. La station est disponible sur le Web. 

Convertir des rêves en réalité, c’est pas mal ce pourquoi je vis présentement et c’est demandant, mais palpitant. Je vous laisse avec une toune qui est devenue notre hymne à l'agence.

À bientôt !

mathieu

mercredi 22 avril 2015

La fébrilité



Ça fait déjà plus de trois mois que j’ai pris une pause de FacteurPub. Trois mois, c’est assez pour laisser passer l’hiver, mais c’est également un court moment quand les développements se bousculent. Tout bouge plus que jamais chez Défi: de gros pitchs gagnés contre de plus grandes et puissantes agences que nous; une croissance qui s’amplifie; une refonte de notre marque qui progresse à la vitesse grand V; un déménagement et un lancement prévus pour septembre (oui, oui, le nouveau bail est signé); en bref, les idées prennent forme et nous passerons les prochains mois à les concrétiser. Ça fait plus de vingt ans que je travaille dans le Vieux-Montréal, alors de changer de quartier m'excite beaucoup. J'ai hâte de revenir ici avec le regard de celui qui n'y vient pas trop souvent. J'ai hâte de retrouver mon émerveillement pour ce que je ne vois plus.

Côté écriture, j’en suis au quatrième chapitre sur huit d’une nouvelle de fiction qui sera publiée graduellement ici à la suite du lancement de notre nouvelle identité cet automne. Cette nouvelle évoquera toute l’énergie et la symbolique d’une marque qui nous emballe et que nous avons trop hâte de vous présenter. Nous allons produire du contenu de qualité qui saura transposer notre vision sans tomber dans la boulechite habituelle d’agence. Le cordonnier sera bien chaussé. Entre temps, le voyage est passionnant et la fébrilité m'habite.

À très bientôt mes amis. 

Mathieu

lundi 19 janvier 2015

À bientôt !

Je prendrai une pause de ce blogue jusqu’au lancement de la prochaine mouture de l’agence où j’évolue et que j’ai l’immense honneur de diriger. Une nouvelle mouture qui est motivée par la croissance d’un modèle d’entreprise qui tend à concilier des idéaux à la réalité du marché. FacteurPub reviendra à l’automne sous une nouvelle forme qui tranchera avec celle du passé, car j’ai l’impression d’avoir tout dit ce que j’avais à dire ces dernières années. La fiction y sera plus présente et j’espère que ça me permettra de franchir un autre niveau. Mais avant de me taire pour quelques mois, je tiens à vous dire ce que je pense de nous. C’est important pour moi.

À tous ceux d’entre nous qui ne savent pas apprécier l’Art et qui se roulent de manière unilatérale dans la bouette qu’on nous passe à la radio ou à la télé: je vous emmerde. Vous savez pourquoi? Parce que vous n’avez aucune excuse, aucun prétexte, aucun motif raisonnable. Nous vivons dans un univers fabuleux où le monde est à la portée de nos doigts: si vous préférez vous limiter à 18 centimètres carrés de caca mercantilisé à heure de grande écoute, votre paresse est inqualifiable. Vous souillez notre époque par votre indifférence à sa beauté et par votre incapacité de transmettre de l’émerveillement à la jeunesse. Vous êtes des hamsters dans une cage achetée à rabais, une cage même pas dorée.

À tous ceux d’entre nous qui achètent sans mesurer l’impact réel de leurs gestes de consommation, au-delà du petit rabais du jour: je vous conchie. Il n’y aura jamais de bonne raison d’encourager la régression collective par ces cycles stériles de consumérisme compulsif. Je vois des gens obsédés par leur pécule, par leur petit bien, dépenser leur «revenu disponible» dans un abysse qui nous tire tous par le bas et ça me tue. Votre myopie égocentrique vous disqualifie. Un citoyen qui se rabaisse au statut de consommateur en méprisant les conditions de travailleurs souvent mineurs et rémunérés à coups de miettes de pains, ne devrait pas avoir le droit d’élever des enfants. 

Ces dernières années, j’ai parfois fait de la publicité de merde et je m’en excuse, sincèrement. J’en ai aussi fait de la pas pire qui est souvent passée encore plus vite aux oubliettes car la pub c’est comme le papier de toilette. Mais j’ai toujours honnêtement tenté de faire du bon, du bien, pour le client comme pour le Québec, et ce au meilleur de mes connaissances. Comptez bien sur moi pour continuer à le faire.  Alors à tous ceux qui jugent mon intensité et qui me trouvent prétentieux, condescendant et à côté de mes pompes: je vous encule mais je vous aime quand même. Je sais que mettre ses tripes sur la table ne plaît pas à tous. De dire tout haut ce que l’on pense, sans avatar bidon ni identité usurpée, mais surtout sans ménagement, ne peut faire l’unanimité. Mais je le fais en toute transparence, en étant bien au fait de mes tares, en acceptant qu’on ne m’aime pas, mais à visage découvert et avec respect par contre. 

Vous savez, j’ai lancé ce blogue le 18 février 2010, lors du 65e anniversaire de mon père, que je visitais à l’époque à Chicoutimi. Et cinq ans plus tard, avec plus de 425 billets au compteur, j’en suis aussi fier que blasé. Des années lumière me séparent du gars que j’étais il y a cinq ans; la vie a été généreuse avec moi, mais jamais je n’ai pu réellement apaiser la rage que je ressentais à nous voir collectivement aussi cons dans nos choix de société. Je continuerai à militer pour une publicité responsable, respectueuse de votre intelligence et en osmose avec vos préoccupations. Quand je constate où nous nous dirigeons, je me demande toutefois souvent pourquoi j’investis cette énergie ici et maintenant. Mais quand je pense à tous ceux et celles qui me lisent pour les bonnes raisons, qui sont fidèles, qui me comblent de commentaires édifiants comme de critiques parfois dures mais toujours ô combien pertinentes, je me réconcilie avec nous tous et avec une partie de moi.

Et en passant, pour terminer, mon père n’a jamais lu un mot de ce blogue, préférant le Journal de Montréal. C’est pas plus grave, j’écris pas pour lui, mais pour vous, et pour moi. Et écrire ici a changé ma vie, pour le mieux, et ça je vous le dois.

À bientôt mes amis. Merci pour tout.


Mathieu

mercredi 7 janvier 2015

Le piège















Nous sommes tous sous le choc. Quelque chose en nous semble avoir été brisé. Je crois que nous sommes tous vulnérables au piège dressé par les terroristes aujourd’hui. Voici les trois principes qui me guident pour voir plus clair, en toute humilité.

1- Nourrir le troll tu ne feras point, ce serait lui rendre hommage
Les connards d’intégristes ne peuvent pas comprendre ni apprendre, il leur manque des boulons. C’est mécanique. Leur conditionnement est irréversible. Le seul et unique motif justifiant leurs actions barbares semble être la vengeance du prophète ou le combat des ennemis de leur idéal moyenâgeux de deux de pique, mais il n’en est rien si nous nous reculons un peu et décidons de comprendre leur stupidité d’un point de vue plus macro. En fait, les stratèges en haut de la pyramide de la haine, celle décimée d’Al-Qaida dans le cas de Charlie Hebdo, n’ont qu’un objectif et c’est celui du terroriste classique: mobiliser et augmenter le nombre de ses adeptes en provoquant chez l’ennemi une réponse disproportionnée. En clair, prôner la vengeance et frapper plus fort une organisation terroriste, que ce soit militairement, par des gestes de violence ponctuels ou encore par la xénophobie locale, ne fera qu’amplifier à moyen terme son pouvoir et ses capacités (la réponse américaine aux attaques du 11 septembre 2001 en représente la preuve la plus évidente). Les crinqués sont passés maîtres dans l’art de la victimisation, ils désirent notre vengeance. 

2- Tendre l’autre joue tu éviteras pour éviter la décapitation éventuelle, car ils ne cesseront jamais.
Comment ne rien faire devant une attaque aussi frontale au principe même de la liberté? Comment accepter la mort de 12 artistes exécutés froidement et lâchement pour avoir exercé leur droit d’exprimer leur lucidité concernant l’intégrisme religieux? Comment accepter que la violence puisse amputer notre mode de vie et générer la peur sans céder au réflexe de réagir? Bien évidemment nous devrons défendre l’intégrité du monde libre. Ne rien faire n'est pas une option. Voilà toute la subtilité du piège tendu par des cons qui pensent en noir et blanc avant de voir rouge sang. Méfiez-vous des réponses faciles. Méfiez-vous de vous. Le piège des cons nécessite une solution dans certains tons plus subtils. D’une part éviter ici la croissance de la xénophobie et de l’islamophobie en demeurant vigilant, d’autre part inciter les lâches à se déchirer entre eux par des manoeuvres souterraines et stratégiquement plus complexes. Rien ne sera immédiat. Nos dirigeants et stratèges doivent être à la hauteur. Il n’y a pas de remède miracle. Au piège des cons, il faut opposer l’intelligence, la rigueur, la solidarité et l’éveil. 

3- Respirer et prendre ton gaz égal tu feras, enseveli par la tristesse, sachant que tu vaincras. 
Rien à ajouter ici. Rendons hommage aux victimes. Faisons honneur à leur engagement, à leur créativité, à leur courage. Exprimons notre liberté. RIP Charb, Cabu, Georges Wolinski, Tignous, Bernard Maris, Honoré, Michel Renaud et toutes les autres victimes de ce carnage qui révèle si tristement notre époque. 

#JeSuisCharlie

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