mardi 19 novembre 2013

Le rose à la tronçonneuse!



Une bonne proportion des parents se rassurent sur leur crainte irrationnelle relative à l'orientation sexuelle de leurs enfants, en leur poussant dans la gorge les stéréotypes les plus stupides qui soient, au nom de la sacro-sainte et ô combien salvatrice hétérosexualité. Ça commence souvent avant la naissance du bébé par le choix des couleurs de sa future chambre, pour ensuite se perpétuer par le biais de l'ensemble des choix associés à l'enfant: vêtements, accessoires divers, produits culturels et jouets. Soyons limpides: je n'ai rien contre le rose ou le bleu ou le vert forêt. J'en ai plutôt contre le fait d'utiliser les couleurs comme de vulgaires étiquettes que nous apposons sur nos enfants. J'ai toujours dit à mon fils que le rose n'appartenait à personne, pas plus aux filles qu'aux garçons. Mais la pression est forte. Alors je fais exprès pour en porter à l'occasion et par le fait même prouver mes dires, avec grand plaisir. 

En publicité, les créatifs ont deux choix: rentrer dans le moule ou briser le moule. Jusqu'à maintenant, je constate qu'au Québec, malgré notre supposée ouverture d'esprit, nous choisissons massivement de véhiculer les stéréotypes classiques. La prémisse sous-jacente est simple: si je vends des matériaux de construction et que ma clientèle est masculine, je vais montrer un gars musclé avec une grosse voix pour valoriser la cible et favoriser sa projection psychologique dans ma marque. Or, cette prémisse est souvent fausse. De un, tous les acheteurs ne sont pas en manque de virilité, en déficit d'estime de soi ou en pâmoison devant l'idée d'avoir des muscles hypertrophiés. De deux, la cible primaire ne sera pas toujours charmée par des valeurs dépassées, surtout quand les siennes sont progressistes. De trois, quand on sait à quel point le caractère innovateur des marques est transmis par le ton, ce n'est peut-être pas une bonne idée que ce ton relève de la préhistoire. Et c'est sans compter sur le fait que les femmes se retrouvent au coeur de toutes les décisions de consommation, qu'elles les concernent directement ou qu'elles concernent les hommes avec qui elles évoluent.

La publicité de la marque de jouet californienne GoldieBlox, montrée en introduction, démontre toute la puissance d'une prise de position franche et en marge des sentiers trop battus de l'identité sexuelle. La refonte de la chanson antiféministe «Girls» des Beastie Boys s'avère aussi percutante qu'un boomerang qui reviendrait dans le visage des rétrogrades pour qui les jeunes filles ne sont que des petites princesses fragiles et mièvres. L'intelligence, la créativité et la confiance servent de fondements à une version actualisée et franchement inspirante de ce sexe qui s'avère en réalité tout sauf faible, peu importe son âge. Cette stratégie de création semble également parfaitement harmonisée à l'adn d'une marque qui offre justement aux fillettes bien plus que des poupées, soit de l'inventivité. 

Laissons enfin les enfants choisir qui ils veulent devenir, peu importe la couleur. Oui, une majorité de petits garçons préféreront naturellement jouer avec des camions tandis que plusieurs fillettes opteront pour des poupées. Mais là n'est pas la question. Je parle ici de liberté. Et cette vraie liberté commence par notre propre examen de conscience à nous parents; par notre propre lâcher prise à l'égard de ce que seront nos enfants, en tout respect de leur essence.

4 commentaires:

  1. je partage ce point de vue, cependant, toute la consommation est très distincte entre filles et garçons. Essayer d'acheter des vêtements neutres relève de l'impossible autant pour les jouets que pour tout autre accessoire. C'est là mon grand désespoir de parent qui essaie tant bien que mal d'équilibrer le tout pour ses enfants.

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  2. J'ai moi-même deux filles et les plus grands plaisirs qu'on a ensemble c'est de construire des tours en Mégablocs et s’amuser aux mini-quilles dans le couloir. Cependant, tout naturellement (car elle n’a pas pris ça de ses parents, certains!) notre plus vieille est rapidement devenue une petite fille qui trippe complètement sur le rose et les princesses. Donc au côté des blocs se trouvent des poupées, une poussette rose et des robes. Sa chambre d’un brun neutre autrefois remplie de moutons est passée avec l’âge au mauve et au rose en raison de son amour pour ces couleurs.

    Ma mère me racontait qu’elle ne voulait pas que je joue avec des fusils en jouets quand j’étais petit car elle ne voulait pas que je joue à des jeux violents. Pourtant, je m’en fabriquais en LEGO et jouait malgré tout à des jeux « violents » (au niveau enfant, évidemment) comme presque tous les petits garçons de mon âge. Un peu de la même façon, notre plus vieille n’avait pas de poupée étant très petite mais elle s’amusait à border ses toutous et lire des histoires à ses moutons.

    C’est magnifique de voir leur personnalité se dessiner quand aucun symbole ne leur est imposé. La symbolique des choses laisse alors toute la place à leur signification et au plaisir que l’enfant y retrouve.

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  3. Pour ma part, je n'ai aucun problème à habiller ma fille sans rose ni mauve. Elle n'a jamais été attirée par les poupées et les jeux qui visent typiquement les filles. Je l'ai laissée aller et je ne l'ai donc pas incité à le faire. Toutefois, l'image de la petite fille rose, belle et sage, est quant à moi beaucoup trop présente dans la publicité et dans les films pour enfants. Je trouve très difficile de trouver des films (et même des livres) mettant en lumière une héroïne réellement inspirante. On finit par croire que notre enfant est un peu anormale de ne pas avoir envie de se déguiser en princesse à l'Halloween comme toutes les autres. Merci de m'avoir fait découvrir cette publicité dans laquelle je reconnais enfin ma fille.

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  4. Petite suggestion de films avec des héroïnes fortes, confiantes et intelligentes : les films de Hayao Miyazaki. Kiki la petite sorcière, Ponyo, Mon voisin Totoro... Vraiment de super films, inspirants, et aussi agréables à regarder pour les parents.
    Pour ce qui est des livres, la série des Olivia est chouette. Sinon, il y a plein de livres qui mettent de chouettes personnages, valeurs et apprentissages de l'avant, sans que ce soit nécessairement des humains. La série des Pomélo (un éléphant), tous les livres d'Élise Gravel, les magnifiques albums de Marianne Dubuc... On est dans l'imaginaire et c'est pour tout le monde :-).

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