lundi 25 juin 2012

Le suicide publicitaire



La publicité est une arme à double tranchant. Autant elle peut alimenter positivement la demande en donnant une couleur, voire une aura unique à une marque, autant elle peut agir à la manière d'un yatagan sur la gorge d'un soldat ottoman. Dans ce contexte, la publicité sera pitoyable à tous les niveaux: tonalité inappropriée, interprétation bâclée, concept absent ou simpliste, enfin, vous me comprenez. Ces publicités sont souvent le fruit d'une planification stratégique qui relève de l'astrologie, car elle n'est fondée que sur une vague intuition ou sur les offres faussement alléchantes que certains médias mettent de l'avant pour combler leurs inventaires, en approchant directement des pme pas très futées en matière publicitaire. Le cas qui nous occupe ici semble faire partie de cette catégorie. 

Il s'agit d'une fausse bonne idée. C'est un assemblage maladroit et impertinent pour la cible visée constitué d'une référence à la crise sociale actuelle (les manifs de casseroles), jumelée à une tonalité empruntée à une vision obsolète de l'adolescence («Super hot, cool et sexy»). C'est tout simplement un gâchis sur tous les plans, de l'idéation à la rédaction en passant par l'interprétation et la réalisation. Voilà une preuve flagrante qu'on ne s'improvise pas publicitaire. Si vous possédez une PME et que vous ne pouvez pas vous empêcher de vouloir faire vous-même votre publicité, je vous propose plutôt de réécouter en boucle Claude Dubois vous chanter «j'aurais voulu être un artiste», tiré de son célèbre Blues du Businessman. Si la pulsion ne s'estompe pas après quelques écoutes, de grâce, allez consulter. Ce sera de loin le meilleur investissement de votre vie. Car la résultante de faire soi-même sa publicité vous coûtera assurément plus, infiniment plus. Vous n'avez pas idée. L'auberge Les trois tilleuls, un établissement dont la réputation a déjà été enviable, s'est pour sa part retrouvée avec une image «digne du motel Chez Yvonne», comme me le soulignait justement Claude Dutil, le président de mon agence. C'est toujours stupéfiant de voir des messages aussi malhabiles et franchement mauvais se faufiler jusque sur nos écrans. 

La publicité télévisée, avec la multiplication des chaînes spécialisées, n'a peut-être jamais été aussi accessible aux petits annonceurs et c'est parfait ainsi. N'en demeure pas moins qu'avant de s'investir sur cette voie, un travail objectif de professionnel doit être effectué en analyse, stratégie et négociation média. Pour le reste, si vous ne croyez à la pertinence de faire appel à une agence de publicité pour la création, ayez au moins la pudeur d'engager des pigistes qualifiés. Car voyez-vous, les suicides publicitaires représentent des expériences aussi pénibles à vivre pour les téléspectateurs que pour les entreprises qui en subissent directement les conséquences. Ce sont des précipices faciles à éviter même si certains, par souci d'économie ou par narcissisme, se sentent irrésistiblement attirés par la chute.

2 commentaires:

  1. Je n'y croyais pas quand j'ai vu la pub. Je me suis tordue de rire tellement c'était mauvais. Et je me suis ensuite demandé ce que tu allais en penser!!! ;)

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  2. Certains peuvent avoir tendance à établir un lien trop étroit entre facilité et efficacité. C'est ce qui nous donne parfois, et malheureusement, des publicités frisant le médiocre ou l'absurde.

    Mais l'esprit humain qui les reçoit est-il pour autant dupe lorsqu'il doté d'un jugement critique appuyé sur un discernement éclairé?

    Il me semble que poser la question s'est y répondre. Et lorsqu'une entité décide tout de même s'aventurer dans la médiocrité et l'absurde en publicité, elle prend en même temps le risque de détériorer son image de marque et sa notoriété.

    Et lorsque l'image de marque et la notoriété est déjà pas mal amoché dans l'esprit du public, il faut que très peu pour l'anéantissement.

    Malheureusement l'annonceur l'apprend toujours à ses propres dépends lorsque le dommage est fait, et il est beaucoup trop tard pour penser agir sur le "dammage control"...

    Normand Perry.

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