jeudi 7 avril 2011

Pas touche



Je suis comme vous. Si mon enfant se faisait agresser, je deviendrais totalement fou et les pires idées me passeraient par la tête. Les émotions me feraient faire des choses que je regretterais et qui, sur une longue période, n'auraient pas contribué à la guérison psychologique de mon enfant. Dénoncer les agressions sexuelles et s'en remettre au système de justice québécois, même s'il n'est pas parfait, demeure la seule et unique solution. Dénoncer est LA solution. Surtout quand on sait que la majeure partie des crimes sexuels sont commis par des proches et entraînent un silence qui mine des vies, quand il n'engendre pas tout simplement le suicide. Faire de la publicité de sensibilisation sur un sujet aussi délicat relève d'un travail d'équilibriste. La nouvelle campagne du gouvernement du Québec, montrée en introduction, ne fait pas l'unanimité.

J'ai souvent parlé de dissonance cognitive, soit du microtraumatisme psychologique que peut engendrer un message perturbant et de ses effets potentiellement dévastateurs sur la rétention du message ou l'action que nous voulons déclencher chez le récepteur. La vraie question, la seule question que nous devons nous poser en regardant ce message, est celle-ci: m'a-t-il incité à dénoncer un agresseur ou va-t-il me convaincre de le faire un jour si la situation se présente? À cette question, je dois répondre non. D'un point de vue purement psychologique, si je n'ai pas vécu une situation de ce genre, ce sera trop douloureux de me projeter dans la situation présentée (je n'ose imaginer le sentiment ressenti par une personne ayant vraiment vécu ce type d'agression en voyant le message). Cette distance entre ma situation réelle et celle montrée transformera un message puissant en simple anecdote que j'oublierai facilement. Il aurait fallu qu'on me place dans la situation d'une personne qui dénonce, qu'on m'expose implicitement aux motifs qui la font hésiter. Il aurait également été plus judicieux de montrer la dénonciation, dans un contexte valorisant, puissant, évocateur, ouvert sur la liberté et où le bénéfice pour la victime aurait été bien senti. Cette publicité est perturbante, déstabilisante, très bien faite, épurée, mais demeure stérile, car nous en restons à l'agression, et là n'est pas la question. Nous savons tous à quel point une agression est horrible et la campagne précédente évoquait justement de manière très directe les effets à long terme ressentis par les victimes. Le manque de recul de l'annonceur me semble évident. On ne s'attaque pas à la bonne question et la dissonance cognitive désamorce les résultats. L'intention était bonne toutefois. Dommage.

Je suis déçu qu'on ait manqué à ce point de vision. L'objectif est tellement clair, les possibilités créatives tellement nombreuses, pourquoi alors s'en remettre à la sempiternelle publicité choc? Est-ce que la volonté de l'agence de gagner un prix ou de susciter la controverse a supplanté la nécessité de demeurer aligner stratégiquement? Enfin, j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.

2 commentaires:

  1. Cette publicité veut dénoncer la violence en étant violente avec nous. Elle veut nous faire vivre le geste. Elle veut qu’on voit. Elle veut que l’on se sente impuissant.

    Rien pour encourager un changement. On réagit à la violence en se défendant. Ici, on se défend en changeant de station télé pour 1 ou 2 minutes pour ensuite rayer de notre tête ces images attroces. Et on en parle le moins possible… Cette pub, on aime ni la voir ni en parler…

    Et c’est supposé nous donner l’envie de dénoncer? J’en doute…

    Les campagnes de sensibilisation sont constamment axées sur le principe de "faire sentir cheap". Sincèrement, je trouve ça ridicule. C'est d’une facilité crasse.

    On retient plus facilement un message positif. Toute réprimande nous ferme au monde comme une huître.

    Ils faut mettre l’emphase sur l’impact positif du geste que l’on veut encourager.

    Par exemple, la pub sur l'alcool au volant où on voit un père qui se réveil la nuit après avoir rêvé que des policiers viennent lui annoncer une mauvaise nouvelle pour finalement répondre réellement à la porte et y voir sont ado, 3/4 pompette, qui lui dit qu'il a pris le taxi mais qu'il a laissé la voiture chez son ami...

    La réaction de soulagement et de fierté du père est tout simplement PRICELESS! N'importe quel père vit sont soulagement avec lui... Et les ados facent à ce message réalisent que la réaction d'un parent face à un acte responsable de leur part sera toujours plus positive qu'ils ne le croient. Et ce, malgré les petits inconvénients que ça peut emmener.

    La pub d'agression sexuelle que tu présentes plus haut nous fait tout simplement changer de poste. Ça ne crée ni débat ni questionnement ni discussion. On zappe. On se ferme.

    Pourquoi ne pas présenter des conséquences positives suite à une dénonciation?

    Voir une petite "Caroline" ou un "Jean-Marc" nous raconter ce que sa vie aurait pu être mais qui, finalement, s'est tranformée grâce à l'aide d'un ami. D'un voisin. D'un parent... Que grâce à quelqu’un qui s’est tenu debout, sa vie va tout autrement.

    Pas en nous disant que tout est fini et qu'on fait comme si rien ne c'était passé... Simplement nous faire comprendre que notre geste ne peut pas guérir, mais peut au moins stopper l'hémorragie... Ce qui est déjà énorme!

    Mais non… Au lieu de ça, le public se fait encore malmener.

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  2. Je comprends que faire la publicité pour dénoncer les agressions sexuelles, c'est une tâche lourde et très délicate. Je suis d'accord avec toi, peut-être le pub est allé trop loin, et hier je l'ai vue dans la même période publicitaire avec le nouveau pub de la CSST, où on voit un homme écrasé par un outillage. Ah... probablement, je vais changer plus rapidement le poste durant les périodes publicitaires dans les semaines qui viennent.

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