mercredi 20 avril 2011

Le contrat implicite

Le consommateur accepte généralement la publicité de manière implicite en échange d'une contribution de la marque à son quotidien. À la télé, c'est assez évident: sans publicité, il n'y aurait pas de contenu. Même chose à la radio où les animateurs et les stations sont financés par la publicité. Mais en affichage, c'est plus nébuleux. Car la contribution de l'affichage extérieur, pour ne nommer que celui-ci, n'est jamais clair. En quoi l'affichage extérieur profite-t-il au consommateur en échange de son attention, de son regard? En rien, si ce n'est bien indirectement en revenus soutirés par les municipalités et les gouvernements. Tout ça pour dire que le degré d'irritabilité du consommateur par rapport à la publicité est directement lié à la teneur du contrat implicite qui le lie au média.


Prenons l'exemple du Bixi, le seul petit baume sur la grande noirceur qui règne chez notre administration municipale. Ce grand succès lancé en 2009 et exporté ailleurs, vient d'être reconduit pour une troisième année, avec par contre quelques petits ajustements. De un, la durée d'utilisation de base a été augmentée à 45 minutes, elle qui était fixée à 30 minutes l'an dernier. De deux, on a élargi les zones, entre autres en rendant le Bixi disponible dans des quartiers comme Ahuntsic. De trois, de la publicité est apparue sur la roue arrière des vélos. Des grandes marques comme Desjardins, Telus et Rio Tinto peuvent donc maintenant profiter d'affichage mobile, la fourmilière de Bixi représentant une visibilité relativement importante. En sachant que l'opération Bixi fut profitable en 2010, alors comment justifier cette publicité? Par l'augmentation de la durée d'utilisation de base ou l'élargissement des zones couvertes. Mais est-ce suffisant? De plus, est-ce que la raison d'être du service relève de la génération de profits, sachant qu'ils seront au rendez-vous avec ou sans cette nouvelle publicité, qui fera des utilisateurs des hommes-sandwich publicitaires en quelque sorte?


Je trouve désolant le mouvement de graffitis sur les publicités des Bixi actuellement. Désolant mais compréhensible. Le contrat implicite a été modifié, oui en compensant par un bénéfice, mais il évacue une notion fondamentale, soit celle de la perception de la publicité par les consommateurs. Sans tomber dans un registre manichéen qui ferait de la publicité l'incarnation du mal capitaliste, il faut admettre qu'il y a une marge entre accepter une affiche publicitaire à un stand Bixi et en véhiculer une à la sueur de notre front en pédalant, et ce à quelques centimètres de notre corps. Qui plus est, rien ne nous confirme que cette étape est finale, alors qu'elle pourrait très bien constituer le premier pas vers une placardisation publicitaire des vélos. C'est sans compter que cette nouvelle publicité révèle une dichotomie évidente entre les valeurs perçues de la marque et celles de ses usagers. Idée intéressante suggérée par ma collègue Marie-Michèle Jacques: pourquoi ne pas offrir ces espaces publicitaires à tarif préférentiel à des entreprises culturelles ou sociétales de Montréal afin de concilier les intérêts de chacun? Enfin, selon moi, le Bixi vient de perdre une partie de son charme, un peu à la manière d'une fille distinguée (ou d'un homme) qui lâcherait un rot retentissant pendant un cocktail dînatoire chic. C'était pas nécessaire et s'en est d'autant plus dommage.


Pour en savoir plus sur la grogne, c'est ici.

Pour rejoindre le groupe Facebook qui dénonce l'opération, c'est ici.


Crédit photo: Yves Provencher, Métro

6 commentaires:

  1. Salut Mathieu,

    C'est con, mais moi, je ne suis pas vraiment contre. Il y a de la pub partout et je peux comprendre que les gens ne veulent pas servir de panneau/support publicitaire. Je me dis que cet ajout a permis au Bixi de faire des modifications intéressantes comme la durée de location et le nombre de stations.

    Et, oui, en passant, c'est la 3e année du Bixi! ;-) et non la 2e :)

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Merci Roch de ton commentaire, je viens d'ajuster le billet... Le temps passe trop vite ;-)

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  4. Parce que je crois en la pub, la bonne et l'efficace, je dois admettre ici qu'il y a un exercice de banalisation de l'affichage que je trouve dommage.

    Montréal est grise et ses infrastructures ont la gangraine. Les viaducs s'égrainent, les ponts vont lâcher, les voitures sont en surnombres... Le Bixi est le dernier bastion des valeurs vertes de Montréal. Le petit village gaulois d’une ville malade.

    Et puis, là où les gens voient une petite pousse verte émerger du ciment et qui donne un coup de fraîcheur à nos rue, BANG! On lui colle des autocollants au cul.

    Je semble romantiser un peu un sujet très concret mais c’est pour illustrer ce que le Bixi est dans l’esprit de la majorité des gens et aussi pour le placer dans le contexte dans lequel ces pubs s’affichent.

    Je crois que l’effet de la surexposition de l’affichage publicitaire est sous-estimé. Ça irrite le public à la longue en plus de les désensibiliser au point de ne plus rien voir (Ne plus dissocier l’arbre de la forêt). Et ça, ça ne rend ni service à la marque ni aux ventes ni au public.

    Rory Sutherland d’Ogilvy dit toujours « Context is king ». L’affichage n’est pas utile s’il ne tient pas compte du contexte dans lequel il reposera.

    Je comprends que la pub était senser donner un élan et une flexibilité accrue au système Bixi mais, ici, le contexte c’est fait prendre pour le fou du roi. ;) C’est bien triste.

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  5. Je vais y aller avec l'avis de Roch et dire que moi non plus ça me trouble pas tellement la publicités sur les bixis. Cette annnée c'est la première fois que je vais utiliser ce service et le fait qu'il y aille de la pub n'a pas freiner mon élan.
    De plus, le bixi est considérer par plusieurs comme un moyen "éco" et alternatif de se déplacer, tout comme les transports en commun. S'il est accepté d'avoir de la pub sur les autobus et dans le métro, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas en avoir sur les Bixis.
    Par-contre, cela ne veut pas dire que je trouve l'opération belle et harmonieuse... Je suis certaine que sur papier l'idée était géniale...

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  6. En fait l'a publicité arrive parce qu'ils ont installés des gardes-boue, choses excellente qu'il n'y avait pas avant. Les utilisateurs vont pouvoir pédaler sous la pluie !

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