dimanche 6 mars 2011

Le miracle de la polarisation



Polariser, c'est éviter les compromis, c'est rester authentique, c'est clamer haut et fort ce que nous sommes, sans complexe ni hésitation. C'est être, avec tout ce que ça comporte, car personne ne fait l'unanimité. Gainsbourg polarisait: on l'aimait ou on le détestait. Certains films de Kubrick aussi. Des milliers de fans vénéraient Pierre Elliott Trudeau tandis qu'il provoquait le mépris chez d'autres personnes. Même chose pour plusieurs chroniqueurs et polémistes. Michelle Blanc est probablement l'une des personnalités publiques qui polarise le plus, mais son phénomène, loin d'être négatif, est la résultante selon moi de son authenticité et de la peur qu'elle provoque sur le plan identitaire chez certaines personnes pas très affirmées. Dans tous ces cas, la passion est présente, les émotions aussi, et vous le savez, la clé en branding, c'est la connexion émotionnelle.


En publicité ou en stratégie de marque, polariser, malheureusement, ça rime souvent avec l'aliénation de segments de clientèle potentiellement intéressants. D'un autre côté, ça signifie dans la plupart des cas l'établissement d'une base d'ambassadeurs de la marque qui seront des plus efficaces en propagation par la bouche-à-oreille. Alors quoi faire? Vouloir plaire à tous, souvent en demeurant beige comme une Toyota Camry, ou bien maximiser l'adhésion d'une communauté comme le fait Apple par exemple? Il n'y a pas de bonne réponse, car certains produits ne se prêtent tout simplement pas à ce jeu. Pour polariser, il faut être différent, exceptionnel d'une certaine façon.


Prenons le cas de Miracle Whip présenté en intro, publicité qui me semble assez intéressante, quoique populiste. À l'instar du Cheez Whiz, ce produit Kraft très représentatif de la culture populaire américaine des années 50, ne fait plus vraiment l'unanimité auprès de groupes de consommateurs plus soucieux de leur santé et de la nature des produits qu'ils consomment. Alors quoi faire quand vous savez que vous ne pourrez jamais plaire à certaines personnes, souvent plus éduquées? Vous favorisez le resserrement de votre base d'ambassadeurs et vous leur donnez l'occasion de se projeter sur des personnalités qui les représentent. On provoque le choix, la prise de position, la polarisation. Très habile. Car l'enjeux ne consiste pas à séduire en bout de ligne des gens qui vous détestent, mais bien de faire balancer certains segments plus ambivalents en votre faveur en misant sur la ferveur de vos fans. En fait, vous miser sur le fait que ceux qui vous adorent seront plus «virulents» que ceux qui vous détestent. Selon moi, ça peut fonctionner.


Pour finir, je ne crois pas que provoquer la haine et l'exacerbation négative et systématique des parties adverses sera rentable à court et moyen terme. Pour séduire les franges ambivalentes, il faut demeurer respectueux et véhiculer des valeurs constructives. L'exemple le plus éloquent est le discours des radios poubelles de la région de Québec: leurs idées ne se transmettent pas au reste de la population car trop négatives et simplistes, il en résulte une mobilisation stérile du segment des «angry white mâles», segment qui n'arrive pas à convaincre la population plus sensée. Polariser par ce que vous êtes pur, typé, visionnaire, sans compromis. C'est là que vous allez réussir.

2 commentaires:

  1. L'idée d'afficher les deux opinions au sujet de la Miracle Whip manque d'originalité mais en bout de ligne les concepts "pour ou contre", quand cest bien fait, ça marche. Surtout que ce produit crée véritablement une division catégorique des opinions. Par contre, ici, je ne suis pas certain si le fait que cela soit "un faux sondage" aide vraiment la marque. Premièrement, pour faire un lien avec ton billet, ça manque d'authenticité. Entendre des opinions scriptées n'aide pas réellement les consommateurs à joindre l'une ou l'autre des équipes. On s'détache de l'exercice, carrément.

    Il me semble que cela aurait pu être, pour rare fois, une bonne tribune pour le style "télé-réalité". D'autant plus que les monologues de la pub manque clairement de piquants et de spontanéité... Ceux du public aurait pu être plus épicé, c'est certain.

    Une bonne idée qui n'a pas été complètement paufinée, dommage! La base était bien partie.

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  2. René Légaré10 mars 2011 à 20:09

    Point de vue fort intéressant. Cette polarisation, à mon avis, on la retrouve aussi dans plusieurs pubs sexistes (Voir pub Via Capitale où le mec "trippe" sur le garage et la femme sur la maison.) Tellement clichée, que je me demande si les créateurs ont passé le cap de l'éducation élémentaire! Il se peut que ce désir de polarisation en soit la raison. Merci pour ce propos.

    Cependant, concernant les radios poubelles j'ai un tout autre point de vue. Je suis originaire de cette ville. Ma famille y vit encore. Ils ont participé à la marche bleue. Ils ont aussi participé à la manif. à Ottawa contre la fermeture d'une de ces stations qui "bashait" sur les femmes, les gais, les immigrants. Ce type de profil me semble être majoritaire à Québec et semble dominer l'opinion publique. Ils sont très content de mettre leur $ dans un Colisée qui profitera à PKP. Ils sont aussi très fiers de véhiculer ces idées simplistes. La "population la plus sensée" de cette ville ne s'exprime pas et passe ces weekends en Charlevoix. Mais bon, ce n'est qu'un autre point de vue.

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