vendredi 4 février 2011

Voir plus loin que le bout de son nez



Dans le contexte sociologique qui prévaut actuellement en occident, les «marketers», communicateurs et publicitaires doivent constamment marcher sur des œufs et anticiper les possibilités de voir certaines de leurs campagnes se faire trucider par différents groupes de pression si le discours ne correspond pas à la rectitude politique ambiante. Pour être absolument certain de ne pas choquer, il est même hautement risqué de faire ne serait-ce que l’apologie d’une tranche de pain blanc de crainte de se faire taxer de favoritisme préjudiciable au pain multigrain. Vous comprendrez que la ligne est donc infiniment étroite entre l’efficacité créative percutante et le respect des différences. Je crois bien humblement que la clé réside dans le ton et dans la nature de l’organisation qui choisit de lancer ce type d’opération.

Prenons le cas de l’Association des aveugles norvégiens, avec sa nouvelle campagne publicitaire qui vise à favoriser l’embauche des non-voyants. Là où la tentation de naviguer dans la pitié, la manipulation et la tristesse devait être assez forte, l’agence Try Oslo a, au contraire, tout simplement misé sur un humour intelligent, subversif, décapant, décalé et totalement positif. Venant de cette association, la dérision passe très bien. Pouvons-nous reprocher à un aveugle de rire un peu de lui-même et de sa situation? Non. C’est son droit. Qui plus est, on représente les aveugles comme des gens hautement professionnels et complices de la réalité des entreprises. Avec en prime des avantages concurrentiels qu’aucun autre type d’employé ne peut avancer. Très judicieux. Un autre signe qui ne trompe pas, l’idée de départ est suffisamment puissante et porteuse pour être déclinée de manière efficace en plusieurs messages.

Une seule question me trotte par ailleurs à l’esprit depuis hier: croyez-vous que cette campagne aurait pu être déployée ici au Québec en 2011? Je suis loin d’en être sûr, mais j’aimerais avoir votre avis, car je me questionne sur notre faculté collective à accepter l’autodérision. En fait, sommes-nous réellement capables de voir plus loin que le bout de notre nez en publicité? Je vous laisse sur les deux autres messages de la campagne. Je vous reviendrai lundi avec une révision des meilleures pubs du Superbowl XLV que j’aurai aussi l’occasion de faire, exceptionnellement, au Show du matin sur V entre 6h30 et 8h30 la même journée.




3 commentaires:

  1. WAW!!! Comme elles sont fortes et sympathiques ces 3 pubs!

    J'ai beaucoup aime la 1ere, car effectivement, si on n'avait pas lu le titre de ton billet, on ne s'attendrait pas du tout a ce que ce jeune homme soit aveugle (il ne cherche pas son chemin, ne cligne pas bizarrement des yeux, n'a pas l'air perdu, etc.)

    Donc comme tu le dis si bien, ils n'en font pas des victimes mais les integrent tres bien dans les scences!

    La 2eme est vraiment dans l'humour "noir/cru", l'autoderision! Save electricity, hire a blind person?! C'est brillant!

    On devrait faire des choses comme ca ici, que ce soit pour les aveugles, les handicapes mentaux etc. car c'est un probleme universel et ou qu'on soit, ces personnes-la ne devraient pas etre traitees avec pitie.

    Elles meritent qu'on fasse des publicites pour bien les integrer dans les milieux de travail et tout comme, tout autre sujet, elles meritent qu'on le fasse avec humour, en cassant les prejuges/stereotypes, etc...


    Parfois ca prend de l'humour intelligent mais "cru" comme dans ces 3 pubs pour secouer les gens et leur ouvrir les yeux! ;)
    (ce n'est pas un jeu de mot > bien entendu, je ne parle pas des aveugles la... mais du reste du monde)

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  2. > En surfant sur d'autres billets, je vois que quelques cles du succes de ces pubs sont dans ton billet "De la bonne creation, c'est pas Chinoues"

    http://www.facteurpub.com/2010/10/de-la-bonne-creation-cest-pas-chinoues.html


    1- Ne pas se prendre trop au sérieux.

    2- Déstabiliser sans traumatiser.

    [...]

    4- Oser

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  3. C'est une très bonne question que tu poses à la fin à savoir si ici nous sommes capable de dérision.

    J'ai longtemps cru que oui, et en fait peut-être que c'était réellement le cas ne voilà pas si longtemps. Mais depuis quelques temps, ce genre d'humour est de moins en moins applaudit.

    On a qu'à voir la culture qui entoure le Bye Bye. Chaque blague, caricature, scène, sujet est scruté à la loupe dès l'instant où s'est diffusé. Comme si la question "C'est drôle ou pas" était remplacé par "Est-ce que j'ai le droit d'en rire ou non".

    Humble opinion #1: si c'est drôle, il faut en rire. Peu importe le sujet.

    À une époque où personne ne veut prendre position sur un sujet comme les accommodements raisonnables, je crois que la dérision au Québec est devenu quelque chose d'accepté seulement si l'on rit de soi et de notre culture.

    L'autre personne, culture, handicapé, sexe ne doit pas être écorché. On a pas à soulever ses défauts, irrégularités, paradoxes ou autre chose qui peut être drôle.

    Humble opinion #2: Ne pas avoir droit de taquiner l'autre comme on se taquine soi-même revient à concéder qu'il ne nous est pas égal. Étrange comme marque de respect.

    Dommage parce qu'il y a tant de chose pour faire rire chez les autres aussi sans que cela ne se soit plus méchant que ce que l'on se permet de dire sur nous-même. Ces pubs en sont le bon exemple!

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