jeudi 17 février 2011

La démagogie


Être démagogue* en publicité est probablement la chose la plus facile à faire. On simplifie et on mousse certains bénéfices, on allège et on évite habilement les défauts, bref, on distortionne la réalité et hop, on met au monde une évidence qui fera l’affaire de l’annonceur. Être démagogue n’est pas malhonnête au sens légal. Ce n’est ni éthique ni juste pour autant, mais c’est un moyen comme un autre de faire valoir son point de vue. Évidemment, de nombreux politiciens y ont recours, la plupart du temps lorsqu’ils désirent davantage prendre le pouvoir qu’apporter des idéaux ou une vision du monde qui leur est propre. En ce qui me concerne, la démagogie est un mode qui sert très bien les faibles d’esprit, les opportunistes et les lâches. La campagne publicitaire de la Ville de Laval, dans son ensemble, est excessivement démagogique. Elle se prend de haut, arborant une arrogance qui trahit son insignifiance. C’est l’équivalent du célèbre personnage incarné par Jacques Villeret dans le Dîner de con, trop pris dans sa bulle pour réaliser à quel point sa stupidité est divertissante.

Comme si la verdure n’existait pas à Montréal? Comme si le métro était facilement accessible quand on vit à Laval-sur-le-lac? Comme si l’étalement urbain était réellement une option quand on conçoit la grande région dans son ensemble en terme de développement durable? Comme si la congestion était inexistante quand on part de Ste-Rose pour se rendre à Ville-Saint-Laurent pour travailler? Comme s’il n’y avait pas de gangs de rues sur l’île Jésus? Comme si ça coûtait moins cher d’avoir deux véhicules et une maison à Laval plutôt qu'une auto et une maison à Montréal? Comme si c’était logique d’émettre des gaz à effet de serre pour se rendre au dépanneur le plus proche? Comme si c’était réellement transcendant d’attendre 15 minutes à un feu rouge le samedi matin sur le boulevard St-Martin en allant au Wallmart? Comme si les règles élémentaires d’urbanisme étaient une option et non une obligation? Comme si d’avoir un voisin dans le même bloc mettait autant notre vie en péril que de côtoyer un terroriste d’Al-Quaida?

Si je m'en remets à ce que le sympathique (et non moins gonflé à l’hélium) comédien de la trépidante série culte des années 90 Tribu.com me déclame, ou encore à ce que sa jovialiste contrepartie éprise de son «walk-in» et de son garage double avance candidement, vivre à Laval équivaut à me contreficher du bien collectif. Mais bon, venant d’une ville menée par un Tony Soprano fixé dans le «spray net» qui semble tenir par les couilles la moitié des ministres des 3 derniers gouvernements provinciaux, ça ne m’étonne guère. J’imagine que selon les bonzes de la deuxième ville en importance au Québec, il n’y a pas d’agence assez sophistiquée établie à Laval pour façonner leurs campagnes de publicité, sinon pourquoi choisir une agence qui a pignon sur rue dans le centre-ville de Montréal? Et venant d’une agence dirigée par des comiques qui ont simulé des comptes Facebook pour lancer le Bixi pour le compte de l’ennemi de l’autre côté de la rivière des Prairies, on ne peut être étonné. Irrité, contrarié, mais pas étonné. Après tout, se prétendre publicitaire et avoir des amis dans les cercles politiques n’est pas plus illégal qu’utiliser la démagogie et simuler de fausses identités sur les réseaux sociaux à des fins virales. Au mieux discutable, peux-être limite, mais aucunement illégal.

Soyons clairs: je n’ai rien contre Laval. J’y ai grandi. Certains secteurs y sont superbes. Comme Montréal, comme St-Jérôme, comme St-Chrysostome, Laval demeurera un endroit qui comblera certaines personnes dont la réalité, souvent le lieu de travail, tourne autour de là. Pas besoin d’une campagne de dénigrement à peine voilée pour comprendre ça. Faites-moi rêver, stimulez mes aspirations, mais de grâce, respectez un peu vos citoyens et arrêtez de les faire passer pour des crétins finis pour qui la quête existentielle se résume à l’installation d’une piscine hors-terre.

* La démagogie selon wikipédia : «Le discours du démagogue sort du champ du rationnel pour s'adresser aux passions, aux frustrations du peuple. Il recourt en outre à la satisfaction immédiate des souhaits ou des attentes du public ciblé, sans recherche de l'intérêt général mais dans le but de s'attirer la sympathie et de gagner le soutien. L'argumentation démagogique peut être simple afin de pouvoir être comprise et reprise par le public auquel elle est adressée. Elle fait fréquemment appel à la facilité voire la paresse intellectuelle en proposant des analyses et des solutions qui semblent évidentes.»

4 commentaires:

  1. Tiens, cette définition de la démagogie me rappelle certaine attitude de certain animateur radiophonique de mon coin de pays dénonçant justement la démagogie et se défendant de l'être... Intéressant... Bravo, Mathieu, un billet comme je les aime : sans complaisance, punché, franc et direct... Right on the target...

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  2. Je suis personnellement un gars de banlieue qui travaille à Montréal et quand je vois une pub comme ça, ça m'enrage.

    Je suis un banlieusard à l'âme de Montréalais: j'fais du covoiturage, je marche pour aller au dépanneur et même mon épicerie si elle n'est pas trop grosse, je ne veux pas d'une Civic "pimper", etc.

    Ces deux annonces ne me vendent en rien le plaisir que je retrouve de la banlieue. Et je trouve même insultant le ton qui est prit. On est pas tous des snobinards qui recherche une piscine et un "walk-in", franchement.

    Peu importe leur objectif, avec cette pub, il dénigre au lieu de séduire. #FAIL

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  3. C'est un peu ridicule comme pub comme si Laval n'avait pas d'autre qualité que de ne pas être Montréal!

    C'est vrai que Laval ce n'est pas Montréal: il n'y a pas de grandes compagnies de théâtre, pas d'opéra, pas de musées et le transport en commun y est quasiment inexistant... En plus avoir deux voitures et payer des taxes en banlieue ça coûte souvent beaucoup plus cher qu'habiter à Montréal.

    Par contre je ne suis pas très objective sur le sujet étant Montréalaise de naissance et de coeur ;)

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  4. Plutôt pathétique.....compte tenu du temps passé en transport, d'une absence de vie de quartier dans les grands développements résidentiels, les arguments ne sont pas démagogiques, mais insignifiants.

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