mardi 2 novembre 2010

Les bornés

J’ai rarement vu un média autre que certaines publications spécialisées parler en bien de Twitter. Rarement lu un journaliste vanter les qualités indéniables de la plateforme. On se confine plutôt à des analyses de surface, à des jugements de valeurs, de Nathalie Petrowski à Stéphane Baillargeon hier dans Le Devoir (quelle sale petite attitude), on sent que Twitter agace, irrite. Mais c’est normal, mettez-vous à leur place: 370 000 personnes se joignent quotidiennement à Twitter, plus de 30 millions en moins de deux mois, autant de gens qui passeront plus de temps à gazouiller et à accéder à de l’information pertinente partagée selon leurs intérêts. Des individus qui délaisseront graduellement aussi les médias traditionnels pour se concentrer sur ce qui vaut réellement la peine pour eux.


La planche de salut des journaux, pour ne nommer que ce média, repose sur la faculté de leurs journalistes à établir avec les gazouilleux une relation tangible par une conversation réelle, et non de les juger. Prenons l’exemple de Michelle Blanc, qui ne fait visiblement pas l’unanimité dans les médias traditionnels, mais qui a toutefois l’honnêteté de livrer le fond de sa pensée à une époque où la rectitude politique mène la plupart des journalistes par le bout du nez. Au lieu de saluer son audace et de révéler au grand public l’importance de son rôle de pionnière des médias sociaux, elle qui se place littéralement sur la ligne de feu en utilisant sa propre personne comme laboratoire des médias sociaux, on s’amuse plutôt à la pourfendre en demi-teinte sans jamais réellement avoir le courage de livrer le fond de sa pensée. Non, je l'avoue candidement, je ne suis pas toujours d’accord avec elle et oui, parfois, elle m’irrite. Mon respect pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle fait est par contre sans bornes, car elle ose naviguer en eaux troubles dans une mer incertaine où les conditions changent pratiquement en temps réel, elle défriche, elle vulgarise, se livre, en toute transparence. Elle s'expose. Elle révèle aussi à travers sa popularité grandissante le narcissisme agacé d’une certaine classe journalistique qui carbure plus à la gratification qu’à la livraison d’information pertinente. Et là soyons clair, je ne parle pas de tous les journalistes, car je voue un respect énorme à la grande majorité de ceux-ci, mais bien d’une poignée de bornés qui n’osent pas se rendre à l’évidence: le monde évolue plus vite que leur capacité à l'assimiler.


Twitter n’est pas une anecdote ou la saveur du mois, c’est une réalité. Plusieurs journalistes, dont Patrick Lagacé et Cécile Gladel, savent utiliser adéquatement l’outil pour aller plus loin, pour démarrer des échanges constructifs, pour accéder à certains contenus inédits, pour mousser la popularité de certains articles ou pour noter en mode qualitatif la rétroaction à chaud des internautes par rapport à un sujet d’actualité. Je l’ai déjà dit, Twitter devient ce que l’on en fait, aucune règle ne pourra jamais dicter son utilisation et aucune critique acide ne pourra réduire sa portée. Tout ce que j'aurais à dire aux bornés se résume finalement à ceci: If you can’t beat them, join them.

13 commentaires:

  1. Je suis touchée. Vraiment. Merci du fond du cœur pour ce billet qui met un baume à bien des égratignures gratuites qu'on m'a faites. Mais j'arrête là, car les mots me manquent...

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  2. Il est juste, ton billet. J'ai suivi ces histoires sur Twitter au cours des derniers jours, et ta réflexion m'aide à me positionner davantage sur le sujet. Merci!

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  3. Très juste analyse de la situation. J'ai récemment pris part à une entrevue radiophonique dans mon coin de pays alors que l'animateur introduisait le sujet en disant que ça ne l'intéressait pas, les médias sociaux, et qu'il ne comprenait pas que les gens y perdent leur temps...

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  4. Oh que j'aime ça quand je lis un billet qui nous amène à réfléchir sur l'énorme impact des réseaux sociaux.

    "The Groundswell" par Josh Bernoff et Charlene Li. Ce livre m'a fait réliser l'importance de la transformation sociale qui se produit dans la société.

    The Groundswell, Définition des auteurs: "A social trend in which people use technologies to get the things they need from each other, rather than from traditional institutions like corporations".

    Et vlan, en pleine face aux journalistes, médias, institutions, corporations, élus. Les gens, les individus, citoyens, voteurs, ont aujourd'hui une voix qui a du poids.

    Dérangeant pour une infime portion de la population qui détenait jadis le monopole de l'informtation et des opinions. Vous voyez de qui je parle j’en suis certain.

    Mathieu mentionne que twitter n'est pas la saveur du mois. Exact. Les réseaux sociaux dans toute leur globalité font partie de notre société. Les acteurs des réseaux sociaux sont légion et quoi qu'en disent leurs dénigreurs, ils sont représentatifs du peuple. Réunis sur des causes communes, alliés sur des sujets dont ils partagent les mêmes valeurs, les individus socialement engagés ont un pouvoir qui dérange.

    Michelle Blanc a compris cela bien longtemps avant moi. Bravo Michelle.

    Et merci Mathieu pour cet excellent billet.

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  5. Excellent billet. Le ton est juste et le propos pertinent. Respect! :-)

    Au Forum sur la Diversité culturelle et le numérique organisé par l'Observatoire de la culture et des communications #occq, un professeur et chercheur sur les technologies émergentes du département des communications de l'UdeM considérait que les médias accordaient trop d'importance à Twitter, qu'après tout seulement 10% de la population utilisait cet outil. Il dénigre Twitter sans y être lui-même inscrit et valorise la quantité de l'audience plutôt que sa qualité et son influence. Dommage!

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  6. Wow! Mathieu! Simplement Wow!

    Tu résumes exactement mon point de vue sur le sujet. Bravo!

    Comme je te le dis souvent, tu es un Sage.

    Moi, j'aime Michelle Blanc comme elle est : authentique.

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  7. Je me joins à la horde pour te féliciter du billet. Encore une fois c'est constructif et pertinent. Merci pour ça. ;)

    C’est un drôle de débat que celui du journalisme et des médias traditionnels face aux réseaux sociaux.

    En fait, pour imager le tout, j'te propose de visualiser une balance. Si on déposait les médias socialement castrant d'un côté et les réseaux sociaux de l'autre, on se rendrait compte que le tout serait balancé.

    Ils sont aussi lourd l’un que l’autre

    Les médias traditionnels sont prisonniés d'un carcan nommé status quo et ce, en plus de créer une culture élitique autour du journalisme et du monde médiatique en général. Comme s'ils étaient "one step over" parce qu'ils informent "le citoyen moyen". Difficile d'intégrer les réseaux sociaux si, au fond, la profession considère que c'est se rabaisser au niveau de la mer. (Je ne mets pas tous les journaliste dans le même paniers non plus. Il y en a qui s’adapte très bien)

    Et ensuite, de l'autre côté de la balance, il y a les réseaux sociaux qui sont "hypés" pas à peu près. Oui, ça aide certaines entreprises. Oui, ça aide à faire sa marque professionnellement. Mais tout de même, il reste toujours que le véritable impact c'est dans le vrai monde qu'on le fait. Les multiples prophètes de ces outils les font souvent passer pour LA SOLUTION, ZE BÉBELLE. À les écouter, il faudrait y passer autant de temps que le jeune de 17 ans qui passe sa vie sur World Of Warcraft. :P

    Snobisme élitique et surévaluation à outrance s'entrechoqueront jusqu'à la prochaine génération. Nous serons au première loges pour ce combat titanesque! Popcorn s’il-vous-plaît! :P

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  8. J'aime votre billet, tout sauf la généralisation de départ. À Québec, du moins au FM93, nous utilisons Twitter (depuis 2 ans plus activement) et l'avons grandement crédité lors de la mort de Michael Jackson et d'autres nouvelles majeures comme une source essentielle. Je pense que les médias écrits sont peut-être plus réticents que les médias électroniques et encore... Antone Robitaille du Devoir s'en sert bcp, tout comme de nombreux journalistes de RDI, du Journal de Québec et de Cyberpresse. Je comprends aussi la réticence: pas ou peu de vérifications, de confirmation sur Twitter rempalcé par la formidable puissance du réseau de contacts.

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  9. Intéressant billet, Merci. Je ne crois pas, cependant, qu'il existe une opposition aussi nette entre médias traditionnels et nouveaux médias. Même parmi les utilisateurs de la première heure des médias sociaux vous croiserez des regards très critiques à propos de Twitter et autres diffuseurs de même acabit. Après tout, nous discutons là de véhicules publicitaires et non pas d'entreprises de bienfaisance.

    En ce qui concerne les vedettes des médias sociaux (Mme Blanc en est une, mais il y en a d'autres), nous lisons tous nos fils Twitter et Facebook et sommes à même de constater qu'elles y sont critiquées avec beaucoup plus de virulence que n'importe où ailleurs. Il faut quand même le reconnaître. J'ai même plutôt l'impression que les acteurs des médias traditionnels se ménagent une certaine réserve à ce propos, sachant trop bien qu'ils sont vulnérables sur ce flan...

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  10. Étrange de voir qu'on néglige autant Twitter. Ce billet excellent let en lumière le fait suivant: Twitter vise particulièrement les innovateurs, ceux qui testent les choses en premier et qui créent le passage pour les autres, les gens cool qui se font respecter de la masse.

    Pour ma part, je rappelle l'intérêt en recherche et développement de Twitter, un outil gratuit pour connaître les motivations d'achat et les demandes des consommateurs. Et côté marketing, je préfère de loin savoir ce qu'on dit de moi que de ne pas le savoir. J'imagine que c'est la même chose pour tout le monde.

    Bravo Facteur Pub!

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  11. @leprojetinspire

    J'ai un peu de difficulté à te suivre. J'espère que tu peux m'éclairer parce que j'suis très curieux. :P

    Tu dis "Twitter vise particulièrement les innovateurs" et plus bas tu indiques "Twitter, un outil gratuit pour connaître les motivations d'achat et les demandes des consommateurs".

    Je ne suis aucunement un expert mais je trouve difficile personnellement de documenter les motivations d'achats des consommateurs (l'acheteur moyen) sur un réseau surtout populé par des initiés et "early adopters".

    Si je me fis à ce que je vois, les gens aux comportements décrient comme étant "dans la moyenne" n'utilisent pas Twitter et, s'ils y sont, ne l'utilisent que très rarement dû au fait qu'il est un concept difficile à saisir pour le commun des mortels.

    Donc voici ma question: comment analyser le comportement de la masse sur un réseau d'initiés?

    Merci! ;)

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  12. Très bon billet!

    Personellement, je vois les mentalités changer vis-à-vis les médias sociaux dans mon entourage. Les objections à Twitter et autres médias sociaux ne sont plus au niveau de "c'est quoi ça" et "est-ce que c'est vraiment utile" à des questions beaucoup plus légitimes de gestion du temps ou simplement d'intérêt personnel.

    Ma conjointe est un bon example. la chose ne l'intéresse tout simplement pas. Pas parce qu'elle trouve ça inutile ou qu'elle pense que c'est une perte de temps mais plutôt parce qu'elle a d'autre intérêts et d'autre priorités où elle veut investir son temps. Elle voit très bien que ce sont des outils qui m'aidenet énormément en tant qu'entrepreneur solo et elle se fait à l'idée d'y plonger lentement mais surement.

    Les médias et les journalistes réfractaires n'auront pas le choix de suivre car la société évolue dans ce sens et les habitudes de consommation d'information des gens changent très rapidement.

    Je ne crois pas que les médias traditionnels vont disparaître mais ceux qui ne s'adapteront pas aux nouvelles réalités de diffusion de l'information dans les divers médias sociaux vont rapidement devenir obsolètes. Comme tu dis, ce n'est pas une mode. C'est là pour rester.

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  13. j'ai vraiment apprécié ton billet un constat constructif et pertinent concernant l'affaire de michelle blanc j'ai moi aussi trouvé quelques arguments qui sont proches de tes idées je te laisse le lien pour que tu puisses le lire si tu as le temps http://emmanuelchila.com/?p=441 encore félicitation pour ton billet au plaisir de te lire

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