vendredi 23 juillet 2010

Avoir raison

Avoir raison ne rapporte généralement rien et ne fait que très rarement avancer une question, une cause ou un projet. Avoir raison sur qui, sur quoi, et surtout, quelle est notre réelle motivation à vouloir avoir raison, sinon notre peur d’être déclassé ou diminué dans l’esprit des autres? Or, cette peur transpire et avant même de prononcer un mot, nous sommes déjà perdants, car ça se sent. Le problème récurrent avec le principe d’avoir raison, c’est qu’il implique qu’une autre personne aura tort.

En publicité, surtout lorsque nous désirons implanter des stratégies de communication ou des plateformes créatives, nous devons démontrer au client pourquoi ce que nous avançons doit être mis de l’avant, et surtout, pourquoi et en quoi ça va fonctionner, bref, prouver dans la mesure du possible que nos idées vont rencontrer les objectifs. En dehors de cette preuve, nous ne sommes que des «pelleteux de nuages», ou des égoïstes qui veulent se payer un trip de création sur le dos de leurs clients. Là où je veux en venir, c’est qu’il y a une marge importante entre démontrer une démarche et ses fondements, tout ça mis en perspective par nos expériences passées et par notre expertise, et s’obstiner à vouloir avoir raison. Autant les créatifs que les stratèges ou responsables du service clientèle doivent toujours avoir en tête que là ou certains cas nous apparaissent évidents à la lumière de notre vécu de publicitaire, il faudra toujours concilier notre perception avec celle du client, qui de son côté de la clôture, traîne probablement un bagage et un passif bien différents du nôtre, possiblement modelés par des expériences passées avec certaines agences qui lui avaient promis la lune mais qui n’avaient à la toute fin livré que du vent. Nos clients portent en eux une part de subjectivité qui ne demande qu’à être séduite, c’est vrai, mais ils doivent aussi analyser les retombées économiques et politiques de nos plans et concepts. Rien ne sert d’avoir raison: il faut cheminer avec le client et défendre notre démarche dans la compréhension, l’intégrité et la transparence, quitte à parfois laisser aller certaines idées géniales. Nos idées nous appartiendront toujours.

Mon meilleur ami me disait récemment que les gens qui ont des bonnes idées s’attachent trop à celles-ci et ne sont pas pleinement conscients du potentiel quasi intarissable qu’ils portent en eux. Qu’à la place de faire une fixation irrationnelle et émotive sur un concept, ils devraient tout simplement passer à la prochaine idée et avoir confiance en leur capacité créative. En publicité, il faut savoir séduire, mais aussi faire certaines concessions en demeurant confiant. Avoir raison est un luxe inutile et coûteux que nous ne pouvons plus réellement nous permettre, selon moi, autant dans notre vie professionnelle que personnelle. Le réel respect, celui qui rapporte, c’est de laisser à notre vis-à-vis une porte de sortie honorable, ouverte en tout temps, et ne jamais sous-estimer son intelligence.

4 commentaires:

  1. Excellent billet! En tant que pigiste en informatique, mon rôle est de mettre mon client en confiance, puis de m'assurer que je peux avoir confiance en lui. Quand ces objectifs sont atteints, nous formons une équipe forte et pouvons débattre nos idées dans le respect. Au final, quand nous implantons la solution, nous savons que nous avons raison même si nous avons fait des concessions.

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  2. Très bon article!J'aime ton approche client!
    Francine

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  3. Voilà ce que j'appelle une maturité créative dans une contexte professionnel. Ta position est le parfait équilibre d'approche créative et client.

    J'ai longtemps (comme tout trippeux de design et de publicité) pensé que le milieu que j'ai choisis en était finalement un où la prostitution de talent était un gage de succès. Que l’image « cool » du design, de la pub, et de la créativité en générale n'était que de l'artifice aux yeux des entreprises pour rendre plus attrayant le fait de faire appel à une agence ou un studio pour créer divers chose pour leur compagnie. Que dans le fond, être un créateur n'était rien de moins qu'un boulot où il fallait créer le plus d'idées que possible pour finalement prendre celle cabotine présentée par le femme du "boss" pour ensuite faire approuver les maquettes par un comptable et non pas quelqu'un qui se souciait du mieux de l’entreprise.

    Je mature et me rend compte que cela prend autant de créativité pour sortir une idée intéressante que pour jongler avec les divers personnalités fortes du monde de l'entreprenariat avec qui il faut interragir à chaque fois.`

    Le monde de la pub et du design est un monde difficile à saisir car il est à cheval entre deux hémisphères opposés qui cherchent à tirer de leur côté le plus de couverture possible : l’originalité et la rentabilité (la rentabilité publicitaire et financière).

    Ton billet résume très bien l'attitude à avoir dans ce milieu. Voir ça autrement n'entraîne que frustrations et déceptions au quotidien.

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  4. La réflexion de ton meilleur ami -- que je crois connaître plutôt bien -- me donne matière à réflexion. Dans certains domaines de créativité, il me semble parfois qu'après avoir trouvé l''idée, la merveilleuse idée, il n'y a même plus moyen de chercher. « Avoir pleinement conscience du potentiel intarissable qu'on porte en soi. » Intéressant.

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