lundi 31 mai 2010

Les dogmes du web, de la foutaise

Quand j’entends ou je lis un gourou ou un spécialiste du web ou des médias sociaux annoncer la mort de la publicité dite «traditionnelle» (à la télé, à la radio ou en affichage), je prends à chaque fois une grande respiration par le nez et je pratique ma «zénitude». De un, parce que je respecte leur expertise la majorité du temps. Et de deux, parce que je me dis que je suis probablement biaisé du fait de ma profession de publicitaire. Mais là, ça me tentait, j’ai donc décidé de vous exposer ma réflexion.

En gestion de marque, il n’y a pas de nouveaux médias et de médias traditionnels, pas de bons ou de mauvais médias. Cette idée est totalement fausse et sert uniquement à certains vendeurs incultes du web qui s’en servent pour miner certains médias. Selon moi, il n’existe que des véhicules médias qui offrent différentes options, chacun avec leurs forces et leurs faiblesses. Il y a des choix stratégiques à faire. Il y a un entonnoir de la marque à gérer, avec des points de contact associés aux clients qui doivent rejoindre différents objectifs, que ce soit la simple notoriété ou le passage à l’action, la vente. C’est le rôle du gestionnaire de marque de planifier ces choix et de s’assurer que les attributs de la marque sont véhiculés adéquatement en tout temps. De se priver par dogme de la publicité télé, par exemple, relève selon moi de la plus complète ignorance. La réussite d’une marque réside dans l’amalgame savant et stratégique des véhicules communicationnels et médias, de là, en autres, l’association d’une boîte comme Bleublancrouge avec Revolver3 en mars dernier. Certains réalisent l’essentiel pendant que d’autres, surtout dans le milieu du web, tentent de s’accaparer la plus grosse part du gâteau en se gargarisant de la saveur technologique du jour tout en ignorant les bases fondamentales du marketing et de la communication.

Certains médias perdent du terrain au détriment du web, c’est un fait et c’est parfait ainsi. La radio a perdu du terrain à l’arrivée de la télé dans les années 50. Elle est toujours là. La télé a perdu du terrain, beaucoup, avec l’arrivée du web. Mais elle est persiste et ce n’est pas demain la veille qu’elle va disparaître si je me fie aux cotes d’écoutes de la finale de Lost, des matchs des Canadiens ou de la Poule aux œufs d’or. La publicité doit s’adapter à son époque. Et c’est ce qu’elle fait. Trop lentement dans certains médias comme la télé, très vite dans certains autres comme le web, mais elle est régie par la loi de l’offre et de la demande, et demande il y a. De voir des gourous comme Seth Godin
, que je lis religieusement quand même, annoncer la mort de la publicité traditionnelle, ne fait selon moi que trahir ses désirs et non refléter la réalité. Je vous défie de bâtir en 6 mois une notoriété spontanée de 20% chez les 25-54 ans pour une nouvelle marque en n’utilisant que le web. Bonne chance. Sans rien vouloir enlever à son expertise et à son statut de pionnière des médias sociaux dans la francophonie, quel serait le taux de notoriété de Michèle Blanc au Québec si elle n’avait pu profiter d’apparitions à la télé? Certains diront, avec raison, que nous sommes en retard par rapport aux États-Unis ou à d'autres pays comme la Grande-Bretagne ou le Japon, mais un fait demeure: le web est fabuleux média dont la portée publicitaire instantanée demeure néanmoins limitée.

Enfin, cette petite montée de lait se veut uniquement un appel à la retenue, dans un monde qui s’emballe souvent un peu trop vite. J’aimerais qu’on se donne un peu de recul et de perspective. La publicité finance encore aujourd’hui le contenu des émissions de télé que vous regardez par millions. Cette même publicité rapporte encore ses dividendes, car croyez-moi, les publicités de Brault et Martineau ont beau être mauvaises, j’ai la conviction absolue que si leur rendement était marginal, elles seraient retirées sur-le-champ. Les gestionnaires manquent souvent de jugement par rapport à la création des messages qu’ils diffusent, mais ils savent lire les rapports de ventes et faire des analyses assez justes de l’impact de la publicité sur celles-ci. Le corollaire est évident. La pub, toutes les formes de pubs, sont là pour rester. Elles changeront, évolueront, vivront des mutations, mais perdureront, quoiqu’en disent certains gourous.

7 commentaires:

  1. Très bon billet ! J'irais même plus loin ...je suis dans une industrie qui ne marche pratiquement qu'aux référencement interne web , je ne vais pas m'étaler la dessus, mais notre système de promotion est TRÈS complet et très efficace, et pour cause, contrairement aux " gourous" dont tu parles, nous vivons de cette promotion, puisque chaques sites qui a un déficit de trafic est pour nous couteux est doit fermer...il est très facile d'éditer un blogue a l'accès gratuit lié a Twitter et Facebook et annoncer glorieusement ses statistiques ...dès que tu y mets une zone membre payante tu vas vite t'apercevoir de la difficulté de ce que nous appelons la conversion ( C'est a dire le rapport entre le nombre de visites et le nombre de personnes payant pour la zone membre ). Nous ne pouvons en plus pas diffuser notre contenu sur des médias sociaux et il serait étonnant que tu me voies a la télé ou en entrevue dans les prochaines années .... cependant, l,entretien des vieux fantasme que jadis je jouait dans les films XXX dans les années 90 par le biais de publicité pour...la bière par exemple ( Schoolgirls, frenchmaid ou autre )booste indéniablement le trafic des sites des niches concernés . Je devrais presque leur donner aux publicitaires des accès gratuits a Rodox pour qu'il n'arrête pas ;) ...comme quoi, c'est largement avant internet que les profits ont commencé....;)

    Lots of kisses xox

    Somona A.

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  2. Je suis tout à fait d'accord, le web risque de déclasser la plupart des médias mais pas de les remplacer. Pourquoi ? Tout simplement parce-que les autres médias sont plus conviviaux en certaines circonstances: comme la radio quand on est dans l'auto ou la télévision quand on se donne rendez-vous à une heure donnée devant le petit écran avec soi-même, en couple ou en famille.
    D'ailleurs je retiendrai toujours les propos du regretté Pierre Péladeau qui disait:«souvenez-vous qu'avec l'avènement de la radio certains avaient prédit la disparition des journaux et que par la suite d'autres ont dit que la télévision ferait disparaître la radio. Et bien il se vend toujours plus d'un million de copies de journaux au Québec »
    Les médias sont souvent complémentaires et bien que certains médias traditionnels subissent une érosion de leurs ventes au détriment des médias internet, ils ne sont pas près de disparaître. Même le I-Pad ne fera pas disparître les journaux, les magasines ou les livres, il va seulement remplacer le support papier... Comme le fax a remplacé le télex et le web a remplacé le fax.

    Claude Dutil

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  3. Très bon point. C'est surtout très divertissant de voir des compagnies se faire un lipdub ou embarquer sur Facebook ou Twitter alors qu'ils ne peuvent pas générer un contenu intéressant. Tout ça parce que lors de leur dernière sortie à la journée Infopresse (à 550 $), il y a avait quelques études de cas exposant un succès instantanné du web. Pour eux, c'est maintenant clair : leur plan média comprend la pub TV, la pub radio, les bannières sur internet, un compte Twitter, une page Facebook, un clip viral sur Youtube et une opération terrain. Tout ça, pour un budget de 50,000 $.

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  4. Un commentaire fort lucide. À mon avis certains médias "traditionnels" ont déjà et sont amenés à s'adapter en créant une meilleure complicité / synergie avec les nouveaux médias. Les approches "créatives" de ces médias dit "traditionnel" financeront les approches plus classiques. La disparition est loin d'être un état de fait. Rappelons-nous qu'avec les avancés technologiques nous devrions déjà être dans un environnement de travail sans papier...

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  5. Les médias traditionnels sont appelés à s'adapter, et non à disparaître. C'est aussi le cas du web. La mobilité, c'est bien: twitter, facebook, flickr, youtube à la portée de tous sur les téléphones intelligents. Mais ces technologies coûtent encore cher (100$ par mois pour un forfait iPhone décent).

    Il y a aussi beaucoup de gens qui ne sont pas actifs sur les réseaux sociaux. Cette grande proportion de gens se contentent encore d'écouter la radio en allant et en revenant du boulot et regarder la télé en soirée.

    D'ailleurs, le web se développe rapidement, mais se développera-t-il encore longtemps à cette vitesse? Je ne crois pas.

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  6. J'ai souvent plaidé le même genre de point de vue. Certains consultants web s'avance un peu trop: la télé est en baisse, ils disent "la télé est morte". Je suppose que "est morte" ne signifie pas la même chose pour eux que pour moi.

    J'aimerais apporter une nuance importante par contre. En simplifiant un peu, les communications publiques d'une marque prenaient jadis deux aspects:
    1. la pub
    2. les relations de presse

    Je simplifie un peu, évidemment, mais dans les deux cas les médias de masse étaient la seule façon de rejoindre le public.

    Avec le web, il y a éclatement. Il n'y a plus 200 postes télés, mais un million de sites web. Oui le public converge vers Facebook, mais mon Facebook n'est pas le même que le vôtre (à moins qu'on ait exactement la même liste de contact!).

    Autre différence, le web est participatif. Ce n'est pas uniquement une question de pub. Les gourous du web vont parler de "relation", en ce sens que pour la première fois, le public ne parle pas uniquement en privé, mais une partie du discours devient, justement public.

    Dans cet article, on semble présenter le web comme un support publicitaire. C'est selon moi une faiblesse du texte. La nature même du média permet de faire beaucoup plus. C'est la raison pour laquelle certains diront que le web n'est pas un média.

    E.

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  7. J'évite de m'attarder sur les discours trop radicaux... et sur les grands prophètes également.

    Je crois que justement, l'émergence de ces nouveaux médias du Web permettent de dynamiser et d'enrichir les mix marketing traditionnels.

    Quant aux médias sociaux, on aurait tort de penser qu'il s'agit juste de Web. Les meilleures campagnes sur les médias sociaux font souvent partie intégrante d'un plan média plus large mixant médias traditionnels et numériques.

    Anne @ Bulle Interactive

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