lundi 29 mars 2010

Émotions et publicité : trop c'est comme pas assez



Ajout : merci à David Pieropan pour le lien sur la parodie que j'ai ajouté à la suite de son commentaire.

Ça fait quelques temps que j'hésite à écrire sur cette campagne. Que ça me titille. De un parce que c'est une assez bonne campagne sur le plan théorique, de deux parce que c'est bien réalisé interprété dans l'ensemble et que je sais qu'autant l'agence que l'annonceur sont sérieux dans leur démarche. Mais il y a un hic, un seul, et vous me direz que ça importe peu: la plateforme «émotion» de Uniprix développée par l’agence Tank me tape royalement sur les nerfs....


La première déclinaison dont je me souviens représentait une situation où l'on voyait une pharmacienne au téléphone rappeler à un vieux monsieur de prendre ses pilules. Déjà, c'en était trop. Mon grand-père de 93 ans prend des pilules depuis des lustres et n'a jamais été appelé par un pharmacien pour ça. J'ai sondé quelques personnes de mon entourage et elles sont toutes unanimes: jamais vécu ou entendu parler de ce type de situation dans la vraie vie. Mais ce n'est pas tout...

Alors que l'annonceur et son agence auraient peut-être dû modérer leurs transports et ajuster leur tir en présentant des situations plus réalistes, ils ont décidé d'en remettre: un couple se retrouve alors en Amérique centrale et vous savez quoi? Alors que le jeune homme, visiblement malade, se fait donner des médicaments douteux par un barman de Tijuana sorti tout droit d'un film de série B, sa conjointe retrouve soudainement la carte d'affaires de son pharmacien Uniprix et l'appelle sur-le-champ avec quelques pesos en poche... Et là, je vous épargnerai les détails qui justifient pourquoi la dernière déclinaison, celle visant visiblement les femmes, passe complètement à côté des rails. En gros: fausse complicité entre une femme qui achète son test de grossesse et une pharmacienne trop empathique, trop émue, trop impliquée, trop concernée, comme si elle était sa plus grande amie et qu'elles avaient élevé les cochons ensemble toute leur vie. Vous me direz que je ne fais pas partie de la cible, mais c'est ma blonde qui a relevé l'absurde de la situation en ma présence sans que je ne lui en glisse un mot au préalable.

Le réel problème avec cette campagne, c'est qu'elle transgresse la frontière de la crédibilité du message. C'est un trop plein de bonnes intentions et d'émotions trop intenses pour être vraies. Le grand public est sensible à ce type d'exagération et de fausse tonalité. Ça rend la publicité inefficace, car, à partir du moment où l'on y réfléchit, c'est raté, la conscience prend le dessus et le «bullshit detector» est activé. Cette plateforme publicitaire pleine de potentiel a tout simplement tombé dans la mièvrerie. C'est un piège en création publicitaire de trop vouloir en faire, de trop vouloir émouvoir, d'en donner plus que le client en demande... Avec souvent comme résultat l'effet inverse. Car trop, quand on parle d'émotions, c'est pire que pas assez.

Pour regarder les deux messages de cette année: http://bit.ly/8YfUzp

8 commentaires:

  1. ahhhhhh tu as mis le doigt sur le malaise général de cette campagne - en tant que fille de pharmacien et pharmacienne, c'est complètement déconnecté de la réalité et du point de vue consommateur également et complètement. à force de trop vouloir bien faire , on pèche par l'excès et là c'est un excèdent de fausses émotivités.
    Stratégiquement, ça fait du sens de se différencier de la sorte mais c'est au niveau de l'exécution et de la tonalité que ça passe complètement à côté de la track...dommage...pour l'authenticité (valeur hyper importante de nos jours) on repassera

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  2. Tout à fait d’accord, trop dur à avaler comme campagne. Après les Familiprix et Jean Coutu, le côté «care» était peut-être un juste retour du balancier... Mais là, c’est vraiment trop guimauve et complaisant!

    Le pire exemple à mon sens: la version où la mère du bébé malade attend le livreur de médicament d’Uniprix. Soir d’orage trop pluvieux, maman trop inquiète, livreur qui à l’air trop compatissant, caméra trop appuyée, etc. Ça commence à avoir l’air un peu trop démagogue rendu là...

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  3. Sauf que je reviens de vacances en famille dans le sud, et dans une petite ile ma soeur, qui cherchait un sirop pour la toux mais ne comprenais pas l'espagnol a dit à la blague: on devrait appeler Uniprix! .... Comme quoi ça ne doit pas être si mal...

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  4. J'ai hâte de voir l'annonce dans laquelle le pharmacien montre au client où sont placés les chips en promotion dans la circulaire.

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  5. Je suis bien d'accord avec Sonya Bacon, le plus gros problème de cette campagne est le manque d'authencité.

    La première fois que j'ai vu la campagne (version du couple en voyage), je l'ai trouvé quand même efficace, puis quand je l'ai vu une deuxième fois, j'ai fait Wooo! Je pense que je suis en train de m'en faire passer une "tite vite. Ce n'est pas comme ça dans la vraie vie.

    Puis quand j'ai vu la version avec la femme enceinte, c'en était trop, ils m'ont complètement perdu!

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  6. http://www.youtube.com/watch?v=J7ICrpS2YkM

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  7. C'est Roland Barthes, je crois, qui parlais du «spectacle de l'émotion» pour ce genre de représentation. Ce spectacle, ce n'est pas seulement celui de l'émotion mise en scène. C'est le spectacle de ceux qui ont conscience d'être émus (par quelque chose de certifié "émouvant").

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  8. @ b. Favreault : commentaire très pertinent.

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