dimanche 13 février 2011

Le mirage



L'humour en publicité est surutilisé au Québec, je suis souvent revenu sur le sujet, mais ça semble persister plus que jamais. Un humour facile, qui ménage tout et son contraire, rarement grinçant, souvent absurde. De Marc Labrèche à la narration des publicités de Ikea, en passant par le désastre de Jean-Thomas Jobin il y a quelques temps pour l'Industrielle Alliance, ou encore André Sauvé pour la Liberté 55 (ces deux dernières campagnes étaient dans la même tonalité, sur fond blanc, pour des marque au logo bleu et diffusées en même temps, qui plus est dans des secteurs d'activité connexes), tout est mis en oeuvre pour divertir, mais ça ne fonctionne que trop rarement. Enfin trop rarement à mon goût. Probablement parce que l'humour absurde, dans un contexte publicitaire à des lustres d'un spectacle-concept, provoque une incohérence implicite. Là où nous attendons la vision du monde d'un individu marginal et divertissant, nous ne récoltons qu'une version aseptisée par les impératifs du produit et l'objectif commercial sous-jacent. C'est malheureusement le cas des nouvelles publicités du jus Oasis, marque phare du leader québécois A. Lassonde, diffusées depuis le début de l'année.


François Morency est un humoriste populaire consacré. Son travail relève d'un certain contraste entre un ton assez percutant, l'absurdité, les pastiches et les imitations, notamment celle du vénérable Claude Poirier. L'idée ici n'est pas de juger de son travail, mais bien de constater son effet particulier, qui ne plaît pas à tous. Là où les grandes marques visent une clientèle relativement vaste, je ne peux comprendre que certaines optent pour des humoristes à ce point polarisants. C'était particulièrement flagrant avec le choix de Jean-Thomas Jobin à l'époque. Mais pour revenir à Oasis, leurs messages ne lèvent tout simplement pas. Il me paraissent une coche trop décalés. Une coche qui évacue la pertinence. Après avoir sondé mon entourage, les avis sont relativement unanimes: ce n'est pas drôle. Oui, le positionnement québécois de la marque est bien communiqué. Oui, les bénéfices sont évidents. Mais la chimie n'opère pas. Le gâteau ne lève pas. Pantoute. C'est l'expression parfaite d'une publicité-mirage qui promet plus qu'elle ne livre, le mirage d'une oasis qui nous laisse sur notre soif.

7 commentaires:

  1. Personnellement, je suis convaincu qu'un très bon acteur aurait mieux fait. Par exemple, voir les annonces de Famili-Prix.

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  2. Tout à fait d'accord avec David. En passant, oasis est féminin, don "une oasis"...

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  3. @David : Entièremetn d'accord avec toi, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a un malaise au niveau du concept et de sa «déconnexion» avec la nature du produit.

    @Richard: Merci. Mon vieux dictionnaire me disait féminin, parfois masculin, mais le terme est féminin, c'est ajusté!

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  4. Intéressante discussion à ce sujet ici:

    http://www2.infopresse.com/blogs/actualites/archive/2011/01/07/article-36431.aspx

    Plusieurs individus de l'industrie sont d'accord avec ton point de vue (ce qui est rassurant!), d'autres tentent de défendre (sur la base de la notoriété).

    À mon avis, la notorieté en marketing est souvent utilisée comme un immense fourreau que l'on utilise lorsqu'on se rend compte trop tard qu'une campagne est mauvaise.

    Dans ce cas ci, c'est particulièrement probant:
    -Cible ratée
    -Choix de porte-parole très discutable
    -Message ambigu et pas très drôle
    -L'usage de l'humour est trop forcé et ne rend pas service au message ni à la marque
    -Exécution plutôt ordinaire

    Difficle de croire que toutes les personnes qui ont travaillé là dessus chez FCB n'aient rien vu aller en cours de route. Difficle aussi de croire que le client se soit fait emberlificoté par de beaux discours au point où il a accepté cela comme résultat final.

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  5. Pour avoir acheté à quelques reprises un concept "absurde" d'une agence de pub... Ce que tu achètes en fait, c' est un "acte de foi" envers l'agence...

    Sur papier, c'est con! tout est dans le rendu... Tu ne peux pas réellement faire marche arrière quand tu as 300-400k (au minimum) d'investi, comme Lassonde, dans cette pub...

    Et contrairement @etiennechabot, ne sous-estimez pas le pouvoir de la notoriété dans une pub manquée... Je ne serais pas surpris que les objectifs de notoriété soient rencontrés...

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  6. Du côté des pubs réussis il y a, selon moi, celles que Pierre Légaré a fait pour l'Ordre des notaires. Il avait trouvé le ton juste, le message passait à 100 %, franc et direct.

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  7. Étienne a mis le doigt précisément sur ce qui, à mon avis, ne fonctionne pas : « L'usage de l'humour est trop forcé et ne rend pas service au message ni à la marque »

    Peu importe le porte-parole, l'humour ici nous est tellement poussé en gorge qu'on s'étouffe littéralement avec.

    On connaît tous un « mononc » qui n'est pas drôle mais qui fait des efforts démesurés pour l'être et qui cherche un regard reconnaissant après un gag raté...

    Eh bien cette pub, c'est ça. Un « mononc » pas drôle pantoute. Mais à l'image de cet oncle plate mais qu'on aime bien, la marque Oasis est déjà une marque reconnue d'ici et semble avoir droit à quelque chose de tout naturel : une seconde chance.

    Après avoir questionné mon entourage, tout le monde la trouve épouvantable mais "Ça arrive à tout le monde de se tromper".

    J'pense qu'à partir de là, on peut dire qu’Oasis est une « Lovemark » (Loyalty Beyond Reason) bien de chez nous.

    Mais SVP… Laissez tomber l’humour absurde c’est gênant…

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